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Moi, je sais d'où souffle le vent. Ecrits sur la danse.
20 mars 2024

Erik N/ Le Danseur. Partie 3. En route pour le restaurant, avec Kyra Nijinsky.

 

Erik hésitait :

-Mademoiselle Nijinsky, voulez-vous que nous nous arrêtions quelque part ?  

-Non ! Je poursuis : à Saint-Moritz, ils étudiaient son cas. Eugen Bleuler avait inventé le terme « schizophrénie » en 1911 et bien entendu quand mon père, présenté par ma mère, lui a été « soumis », le diagnostic est tombé. Oui, c'est cela.  Le bon docteur a déclaré qu'il était malade mental et incurable. Ma mère était liée à un autre médecin. Un jeune Hans Frenkel. Ils sont devenus très proches, intimes pour tout dire... Il faut bien sûr la comprendre...Son mari malade prônait la chasteté...Si j'avais pu détruire cette « femme », ma mère quand j'étais adolescente, je l'aurais fait, je l'aurais fait ! Et lui qui a répondu quand elle est venue lui dire le diagnostic du grand docteur : « Petite femme, voilà la garantie de ma mort » ...

Cette fois, elle pleurait. Le danseur réussit à se garer.

-Je suis navré. Vous voulez qu’on se rapproche de l’océan !

-Ah oui ?

-Il faudra changer de restaurant.

-Oh mais ça m’est égal.

-Santa Monica : je sais y aller.

Elle sécha ses larmes. Erik pensa à ce qu’Irina lui avait dit : « ne la sous-estimez-pas. Jamais deux fois la même question. »

-Il y a de bons restaurants ?

-Je n’en sais rien ; nous trouverons, Kyra !

Elle se mit à parler russe toute seule et le fit jusqu’à ce qu’Erik arrête la voiture. Ils en sortirent tous deux et s’avancèrent vers l’océan. Maladroite et gênée par sa corpulence, elle restait imposante. Elle parut se reprendre et dit :

-Un petit restaurant avec du poisson frais ou des fruits de mer !

-Pas de problème.

Ils errèrent et trouvèrent. C’était sans prétention et dans ce lieu simple, elle paraissait trop bien habillée. Toutefois, les convives, qui parlaient fort et s’interpellaient, n’y prirent pas garde. Erik, la sentant plus stable, dit :

-Votre père a fait l'objet de deux films. Celui de 1980 était très esthétique et élégant, même si, historiquement parlant, il n’était exact. Par contraste, cet étrange documentaire dans lequel on vous a fait évoluer n'a pas apporté grand-chose. On a été impoli avec vous en vous filmant mal et en vous faisant intervenir de façon incongrue. Je suis un danseur. Pas un acteur. Je n'ai pas de perspectives dans le cinéma. Et je ne suis pas quelqu'un qui peut vous forcer à quoi que ce soit.

Elle le toisa :

-Vous pensez que je vais changer d’avis !

-Peut-être. Vous le pouvez !

-Il vous arrivera quoi ?

-Ils s'en arrangeront et j'aurai un certain nombre d'ennuis....

Il dit ces derniers mots avec humour.  Elle s'apaisa enfin et revint vers lui :

-Comme vous êtes sensible et droit ! Irina ne s'est pas trompée : Vous êtes un jeune homme pur. Que voulez-vous ?

-Nous vous voulons, vous ! Si vous êtes là, tout va s'infléchir...

Son étrange visage s'apaisa et elle lui confia :

-Maintenant, nous pouvons parler de Diaghilev ! Il venait d’une famille riche et cultivée. Son père était colonel de cavalerie et sa mère était une jeune fille de la bonne société, excellente interprète au piano. Sa petite enfance a été celle d'un privilégié et une partie de sa jeunesse aussi encore qu'à un moment, sa famille ayant perdu sa bonne position sociale, il a dû prendre sur lui de l'aider.

Elle sourit légèrement  puis reprit…

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