Erik N / Le danseur. Partie 2. New York. Erik reçoit sa mère.
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Les jours filèrent et il se débrouilla pour qu'elle vît les villes voisines. Elle alla à Philadelphie, à Washington et plus au nord à Boston et à Portland. Elle vit les petites villes côtières et acheta des vêtements, des objets et des produits alimentaires. Charmée, rieuse, elle ne logeait pas toujours dans le loft, ayant été adoptée par les amis d'Erik. Jennifer prenait grand soin d'elle. Elle recula son départ avec son assentiment et quand celui-ci se profila, la troupe se préparait à partir pour le festival d'été à Saratoga. Elle demanda à son fils de la conduire dans un restaurant élégant qui venait d'ouvrir près de Central Park. Il acquiesça. C'était un lieu très chic, avec des boiseries, de grandes baies vitrées, des banquettes en cuir et des tables de bois. L'ensemble était sobre, nappes et serviettes étant blanches. Il y avait des éclairages d'angle et des bougies sur les tables. Pour créer une atmosphère inattendue qui laissait penser que malgré un style très urbain on était loin de la ville, on avait placé devant les baies vitrées, de grandes haies vertes qui créaient une illusion de jardin. C'était un beau lieu et Claire fut admirative.
-Oh, ça me plaît ici ! Tu vois, Erik, j'avais raison !
-C'est un des lieux où il faut se montrer à New York !
-Et tu te montres dans ce genre d'endroit, j'espère ?
-Oui, ça m'arrive.
-Aussi bien vêtu que maintenant ? Tu as changé de type de vêtements. Maintenant, tu fais dans l'élégance discrète. Tu as raison car ça te donne beaucoup de classe. On t'a influencé ?
-Oui mais revenons aux endroits chics où je me montre de temps en temps. Ce restaurant vient d'ouvrir et je le découvre avec toi ! Jusque-là, c'est vrai, je t'ai montré des lieux plus classiques.
-Mais dis-moi, qui vient ici ?
-Ici, des acteurs, des metteurs en scène, des gens de télé, des journalistes déjà lancés, des chanteurs à la mode...
-Ah, c'est bien ! Oh, mais je reconnais des acteurs !
-Oui, et des chanteurs ! Maman, tu es si drôle !
Un maître d'hôtel immense les installa à une table pour deux. Comme il s'installait, Il fut traversé par l'inquiétude. Était-ce une bonne idée de dîner là ? L'instant d'après, il avait oublié ses craintes et devisait avec sa mère qui disait avoir en effet reconnu plusieurs acteurs de séries américaines diffusées au Danemark. Erik se leva pour saluer le chef d'orchestre du théâtre et son épouse puis adressa un sourire déférent à un homme maigre et âgé qui n'avait pas l'air commode.
-Il est critique d'art. La danse classique est sa spécialité.
-Il a l'air un peu snob.
-Il est horrible.
-Il dit du mal de toi.
Erik se mit à rire.
-Non, plus maintenant. Ça fait deux ans et demi que je suis là. Il s'est habitué.
-Tu es magnifique.
Erik prit le menu qu'un serveur lui adressait. Claire fit de même. Il ne vit pas tout de suite qu'elle avait les larmes aux yeux :
-Maman, ça ne va pas ?
-Quel danseur ! Quel merveilleux danseur, si aérien, si habité !
-Il y a beaucoup de danseurs étoiles. Der er mange dansere lærred!
-Oh, Erik, tu vois à qui ils te comparent et tu sais ce que tu es ! Comme ils t'admirent ou te jalousent, comme la critique parle de toi ! Comment Peter Martins te tient en estime et Jerome Robbins aussi !
-La saison prochaine, je danse Le Sacre du printemps et Le Spectre de la rose. J'essaie de faire programmer L'Après-midi d'une faune. Si je peux danser tout cela, tu as vraiment raison...
-Alors, tu vois que je ne suis pas dans l’erreur !
-Quand même un peu...
Et il lui sourit malicieusement.
Le repas fut délicieux et ils burent du champagne. Erik était fier de sa mère. Sobre dans une belle robe noire, ses belles jambes voilées de collants gris fumé, elle avait des escarpins aux pieds et portait de simples boucles d'oreille en guise de bijoux. Elle était allée chez le coiffeur et ses cheveux blonds joliment ondulés brillaient. Ses paupières étaient fardées de gris et ses lèvres d'un rouge un peu fort. Aucune faute de goût. Elle avait cinquante-six ans et restait belle, rayonnante. D'humeur joyeuse, elle lui dit :
-Eh bien, Erik, ça me fait plaisir de te voir manger ainsi : du foie gras, une viande et un dessert qui n'est pas une pomme ! Une vraie révolution.
Tu m'as fait des plats danois et français ! J'ai tout mangé, vilaine !
-Oui, mais tu es frugal. Remarque, quand on te contemple, on se dit que tu as raison !