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Moi, je sais d'où souffle le vent. Ecrits sur la danse.
2 avril 2024

Erik N / Le Danseur. Partie 3. Convaincre Kyra Nijinsky.

 

2. Kyra : contradictoire et séduisante.

Engagé comme acteur et danseur sur un film qui évoque Nijinsky, Erik est chargé de convaincre la fille du grand danseur de tenir ses engagements et de venir sur le plateau...

Kyra Nijinsky venait de faire savoir qu’elle ne souhaitait pas apparaître sur le tournage et l’on soupira, Baldwin en tête :

-Elle a signé et elle s’assoit sur ses engagements ?

Mills tenta d’intervenir :

-Il faut lui écrire. Elle était ravie de ce film. On peut lui téléphoner aussi. Il reste un peu de temps avant le filmage en studio.

-Mills, vous vous y collez ? En tout cas, moi, j’ai des doutes.

Le danseur, tout d’abord, marqua le pas mais un soir qu’il écrivait à Julian, une idée le traversa. Irina ! Mais oui, Irina ! Comment avait-il pu oublier qu’elles se connaissaient ? Elle le lui avait dit pourtant, des années auparavant. Il devait avoir quinze ou seize ans et aimait la questionner parce qu’il savait que, jouant la mystérieuse, elle le ferait attendre avant de le régaler de ces merveilleuses anecdotes sur la danse dont il raffolait. Elle les racontait avec un charme inégalable, les yeux dans le vague et la parole précise…Et il s’en souvenait maintenant, il y en avait eu une sur la fille de Nijinsky…

Passionné, il oublia le décalage horaire. Il était quatre heures du matin au Danemark quand elle lui répondit :

-Oh madame, pardon pour l'horaire ! Il est dix-heures, ici ! Je viens de me rendre compte...

-Non, non, Erik. C'est la première fois que je vous sens distrait. En général, c'est moi qui vous appelle à n'importe quelle heure !

-Ce film que je tourne en Californie est difficile.

-Je le pense bien. Vous m'avez présenté le scénario et me l'avez commenté mais vous n'avez pas été assez bavard.

Irina voulait connaître la façon dont les chorégraphies de son père étaient abordées. Devant ses réticences, il finit par l'interroger. Elle fut véhémente :

-Erik, vous travaillez avec un chorégraphe doué et je sais comment vous dansez mais ça ne peut suffire. Ce que Nijinsky a imaginé pour ses ballets est perdu. Cela signifie que pour Jeux et le Faune, vous êtes dans la reconstitution. Il n'a rien noté d'abord puis s'est ressaisi ; il a alors inventé un système de notations connu de lui-seul. Tout ceci s'est perdu ou a été transformé. Vous êtes donc sur des redites. Heureusement, Kyra Nijinsky va tout transformer ! C’est elle la chance du film, pour ce qui est de l’inspiration, bien sûr !

-Mais elle se dérobe.

 Ah ?

-Oui, à priori, elle ne souhaiterait plus intervenir.

-Si, elle va le faire ! Vous voulez savoir pourquoi ?

-Bien sûr !

-Je la connais !  Ne soyez pas inquiet, nous avons été liées il y a longtemps. Je ne vous ai pas parlé d'elle, c’est vrai.  Quand vous la verrez car vous allez la voir, vous serez au-delà de toute exégèse. Donc, orientez bien vos questions, et faites preuve de patience.  Je vais l'appeler. Je vais aussi vous envoyer un colis que vous devrez lui remettre. Elle vous rencontrera et vous saurez...

-Vous êtes sûre ?

-Comment cela, Erik ? Mais bien sûr. Vous avez raison, sur ce tournage, de la considérer comme une clé.

C'était un dimanche soir dans la grande villa et Erik appelait d'un bureau. Wegwood y entra sans savoir que son danseur était là et fut surpris de l'entendre parler dans une langue qui n'était pas l'anglais. C'est vrai ! Erik était danois. Le jeune homme semblait exalté et aux brèves réponses qu'il lui fit, il devina qu'une solution se profilait.

-Elle viendrait ?

-Oui, elle viendra. Il faut attendre un peu pour que la contacte.

Cinq jours après, le danseur lui dit ainsi qu'à Mills.

-J'ai étudié, il y a longtemps, avec une danseuse Finlandaise qui avait eu comme amie de jeunesse la fille de Nijinsky. J'ai reçu un paquet, une sorte de présent que je dois lui remettre. Tout est arrangé et le rendez-vous aura lieu dans une semaine. Elle souhaite me voir dans un lieu public et seul. Elle voudrait un endroit calme où elle puisse parler. Pas de caméra. Pas d'enregistrement. Pas de chorégraphe. Elle et moi. Les questions doivent bien s'enchaîner.

Wegwood ne s'offusqua. Mills fut insistant :

-C’est aussi simple que cela ?

-Oui.

Baldwin fut ravi. Il promit à Erik de le revoir seul à seul, dans un bar élégant. Il avait des choses à lui dire. Le danseur ressentit de nouveau une grande gêne et de nouveau, il ne confia à personne, pas même à Julian. Celui-ci demeurait solide dans son souvenir mais depuis qu’il était en Californie, il le considérait comme un conseiller fiable, pour qui, il est vrai, il éprouvait de l’affection.

Dès que le colis fut arrivé, il commença, à envoyer de grands bouquets de roses blanches à Kyra. C’était pour lui étrange d’envoyer des fleurs à une inconnue, même si elle était la fille d’un grand danseur, mais Irina, qui agençait le rendez-vous fut ferme : « Erik, ne la sous-estimez pas ! A sa manière, c’est une diva. Vous avez raison avec les roses !».

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