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Moi, je sais d'où souffle le vent. Ecrits sur la danse.
26 mai 2024

Erik N / Le Danseur. Partie 1. Copenhague. Prise de décision.

 

 

Il était difficile au danseur d'être plus immobile et tendu mais son ami qui l'impressionnait tellement choisit non de prendre l'avantage mais de le dérouter :

-Tu n'es pas « presque moi » ?

-Je ne suis pas sûr. C'est juste des vêtements comme ça...

Le décorateur l'écouta avec attention avant de changer de visage. Il avait l'air très ennuyé.

-Mais ton lacet est défait, attends !

Il s'approcha et s'agenouilla. Il refit le lacet défait. Erik portait des chaussures coûteuses, très belles. Il le sentit, son ami pouvait se relever mais ne le faisait pas. Surpris, il attendit puis se pencha et lui prit le bras. Quand Julian se fut redressé, ils furent face à face. Ils étaient plus proches l'un de l'autre qu'ils ne l'avaient jamais été et l'émotion les terrassait. Ils restèrent silencieux puis Julian dit :

- New York, maintenant ?

- Oui. C'est un honneur. J'espère que...

- Tu verras, mon amour, ce sera bien.

- Je crois.

- Ne sois pas si tendu, viens.

- Il faut que je te dise...

- Que tu vas aimer le plaisir avec moi ? Mais oui...

Il se laissa déshabiller. Les gestes de Julian étaient sûrs et doux. Nus, ils ne pouvaient se détacher l'un de l'autre et le plaisir les faisait crier. Ils somnolèrent et recommencèrent. Quand ils furent rassasiés, Julian scruta son ami :

-Dis-moi, tu n'es pas néophyte ! Tu fais très bien l'amour. Je ne m’en serais pas douté. A Londres, tu as très bien donné le change. Je t'ai cru vertueux...

-Non. En général, elles étaient contentes.

-Ah, ah, ah ! Hawkins et les autres, Je ne parle pas d'elles ! Tu m'amuses. On en vient au vrai sujet ?

Erik eut l'air embarrassé :

-Quel sujet ?

-Oh Erik ! C'est récent ! Tu t'es enfin découvert !

-Non. Il y a eu cet homme. Mads Hansen.

-Ah l’aviateur !

-Il était commandant de bord. Il travaillait pour Scandinavian Airlines.

-Tu l’as évoqué à Londres. Plus âgé que toi ?

-Presque vingt-ans. J'étais très jeune, j'avais dix-neuf ans.

-Très bon professeur. Tu es vraiment doué. Ça a duré longtemps ?

-Huit-dix mois.

-Tu as réussi à me faire douter en Angleterre alors qu’à l’habitude, je suis plutôt sagace. J’ai vraiment pensé que tu refusais toute relation sexuelle avec un homme puis que tu les accepterais mais qu’il faudrait tout t’apprendre. Ce n’est vraiment pas le cas. Tu es un amant délicieux. Il a dû penser ça, lui-aussi.

-Il est mort brutalement. Il s’est pendu.

Manifestement, le danseur ne voulait pas en dire plus mais Julian, inconscient de la souffrance profonde qui traversait Erik, insista.

-Mais que dis-tu ? Quelle est cette histoire ?

-Écoute, ça fait longtemps.

-Il était dépressif ?

-Oui. Il m’a mis en cause.

Cette fois, Julian réagit.

-Attention, là ! C’était un quadragénaire malade, tu étais très jeune. Tu ne peux pas t’accuser.

-Pourtant …

-Cette histoire m’échappe. Il faut qu’on en reparle à tête reposée.

-Je ne veux plus parler de lui. Jamais. Viens, on va sortir !

Cette fois, le jeune homme paniquait. Il s’écarta vivement de Julian qui voulait le prendre dans ses bras. Celui-ci se reprit enfin.

-Tu as raison : allons visiter. Et ensuite, on refera l'amour ! Allez,

Ils errèrent dans Copenhague et la tristesse du danseur disparut presque aussitôt. Ils rirent beaucoup quatre jours durant et Ils se caressèrent encore et encore. L'appartement d'Erik ravit Julian par sa sobriété mais sans donner aucune raison, le danseur insista pour le luxueux hôtel où le décorateur avait décidé de se poser. Le temps était à la liberté des humeurs et au sexe et à l'errance. Aucune question insistante n'était de mise. Julian ne se préoccupa de rien d'autre que de l'à propos de son jeune ami quand il lui présentait l'histoire de sa ville à travers ses monuments et de son abandon quand les portes se refermaient. Il n'y avait plus alors que ce corps jeune et ferme, la grâce d'un bras placé au-dessus de la tête et ces cils blonds qui barraient des paupières closes. Et pour cet Américain lettré qui avait conscience de sa frustration, le désir prenait forme. Il pouvait s'appeler Amour. Celui-ci les emporterait vers les cimes ; bien sûr, Erik était double, c’était très perceptible. Il faudrait trouver comment installer une relation stable avec lui mais à New York, Julian serait sur son territoire et là, il saurait faire.

Bizarrement, il pensa aux photos d’Erik dansant les rôles de Nijinsky et au danseur russe sur les photos d’époque dont il avait souvent contemplé des copies. Vaslav saurait les relier l’un à l’autre. Il en était certain.

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