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Moi, je sais d'où souffle le vent. Ecrits sur la danse.
20 mai 2024

Erik N / Le Danseur. Partie 2. Erik à New York. Difficultés avec Julian.

 

C'était clair et rude mais tout était dit. Erik refusait d'être mis en avant, il n'était pas l'amant en titre. Il recevait des conseils qu'il ne dédaignait pas et estimait certains amis de Julian mais il avait déjà un système de références : cette Finlandaise avec qui il parlait souvent au téléphone, Jane Hopkins à qui il écrivait et ce directeur artistique danois qui l'avait propulsé ici. En outre, il n'avait pas besoin de Julian pour parler avec Martins. Les déambulations à deux reprirent comme au début de même que les dîners et tous deux en furent d'abord ravis avant que le malaise ne se réinstalle. Il devint d'autant plus aigu que le danseur se mit à sortir de son côté, sans penser à mal et toujours dans l'optique d'une prise de distance. Il était fraîchement arrivé et ne pouvait encore sans risque être indépendant aussi louvoyait-il en allant faire du patin à glace avec son amie Jennifer ravie qui admirait son aisance, manger chinois avec David et Barbara, d’autres amis danseurs, qui aimaient les restaurants de quartier ou voir des films français en langue originale avec Vincent dont la mère était française. C'était peu et Julian ne s'en offusqua pas jusqu'à ce qu'il le voie un matin devant l'Opéra de New-York en grande conversation avec une jeune fille brune, une ballerine sans doute. La fille était ravissante et espiègle. Elle riait aux éclats et manifestait une proximité avec le danseur que Julian, qu'aucun des deux n'avaient encore vu, trouva excessive. Ce fut pire quand elle se jeta dans ses bras. Il le fit tourner en riant et ce faisant découvrit son ami qui les observait. Il s'arrêta net et s'écarta de la jeune fille qui continuait de rire. Choqué, Julian tourna les talons. La jalousie le suffoquait. Il était tôt : sa journée de travail commençait. Il se laissa absorber des heures durant et profita de la piscine d'un hôtel de luxe avant de rentrer. Il s'entretenait toujours, tenant à son image et il trouva ce jour-là une sorte d'ironie à le faire. Ce danseur l'aimait si peu qu'il était prêt à séduire une petite ballerine ! Et lui qui avait éconduit des jeunes gens très en vue pour ce danseur classique, n’avait que la consolation de lutter pour garder belle apparence ! Quand il rentra, il trouva Erik assis seul et en silence dans la pénombre de son magnifique salon.

-Tout va bien ?

-Oui. Une des danseuses a quitté la troupe aujourd’hui. Une latino très exubérante. Je lui ai dit au revoir devant le théâtre et on a ri.

Julian soupira :

-Je vous ai vus.

-Ah ? Mais moi, non ! Tu aurais dû venir nous parler !

-J’aurais dû faire ça ?

Erik lui fit face et resta stupéfait. Il avait violemment blessé son ami et ne comprenait pas :

-Franchement, tu ne devrais pas…Ton amour propre te joue des tours…

-Elle était prête à faire l’amour avec toi et toi avec elle.

-On s’est embrassés, rien de plus. Un baiser chaste, en plus !

-Ah oui ? J’ai de la chance, alors !

Julian, l’air fermé, gagna la cuisine où il se prépara un plateau repas. Il mangea en silence. Appuyé contre le mur, silencieux, le danseur contempla son profil buté sans chercher à plaider sa cause. Julian s’enferma dans son bureau et il le laissa à son silence mais il gagna sa chambre, il le suivit. Impeccablement vêtu, Julian avait cette autorité forte qui lui plaisait. Il se mit nu et attendit, debout, les yeux baissés que son ami s’approche de lui. Il fut pris brutalement par un être, qui, il s’en rendit compte, se retenait à grand peine de de l'insulter. Cette façon de faire, qui ne lui était pas habituelle, ne désarçonna pas son jeune amant. Passif, il accepta la colère et la possessivité de celui qui agissant curieusement augmentait son plaisir et à aucun moment, il ne cria grâce. Au matin, comme l'un et l'autre se regardaient avec surprise, Erik dit avec une simplicité désarmante :

-Elle n’était rien pour moi mais c’était une faute…

-Oui.

-Tu veux que je t’obéisse ?

-Je sais ce que tu dois faire et ne pas faire. En ce sens, oui, tu devrais m’obéir.

Il caressa doucement la joue du danseur.

-Tu comprends, Erik ?

-Oui.

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