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Moi, je sais d'où souffle le vent. Ecrits sur la danse.
12 mai 2024

Erik N/ Le Danseur. Partie 2. Julian et Erik. Brouillage de pistes.

 

Erik était déconcerté. Les remarques de Julian n'étaient pas anodines. A la fois intrigantes et sèches, elles le poussaient à en demander plus.

-Je suis quelqu'un de responsable !

-Responsable ?

-Il y a une suite à cette phrase...Termine-là !

-Ton corps est précieux pour la danse comme l'est ta beauté. Fais attention à toi.

-Mais pourquoi me dis-tu cela ? C'est un drôle de discours !

-Oui mais il est juste. Erik, prends soin de toi...

-Je le ferai.

-Le dire en pensant à autre chose ne suffit pas.

-Je ferai vraiment attention.

-C'est bien !

-Et on se verra !

-Oui.

Julian alla dans le sud de Manhattan. C'était un très bel appartement, plus vaste que celui de Central Park mais rien ne reflétait vraiment ce qu'il était, lui. Sa mère avait meublé le tout. Elle était obsédée par les Préraphaélites et la couleur rose. Il dut prendre sur lui pour s'installer là tant il se sentait cerné par les Aphrodite partiellement nues, les belles naïades aux longs cheveux blonds, les Narcisse aux visages figées et les Ulysse revenant de guerre et de voyage, les Persée et les Andromède. Il leur résista vaillamment ainsi qu'aux rideaux rose pale, aux dessus de lit roses, au marbre rose et aux abat-jours roses ; sans oublier les fauteuils et le canapé.

-Dieux du ciel, gémit Julian, que ne me faut-il pas accepter sur cette terre !

Et quand il se fut installé et eut remisé dans une pièce tout ce qui le dérangeait, il se mit à rire sans fin. Sa tâche était vaine puisque même débarrassées d'une partie de leur décoration, les pièces dans lesquelles il se déplaçait restaient surchargées et, pour lui, hideuses.

-Erik, Erik ! Qu'est-ce que tu me fais faire, là ?

Ce repli inattendu laissa Erik désemparé. Il redevint charmant quand ils se voyaient dans l'appartement de Central Park et ne cessa de lui poser des questions sur l'histoire de la danse. Il l'appelait pour prendre de ses nouvelles. Ils dînaient souvent ensemble. Portant à tour de rôle, les beaux vêtements que son ami lui avait achetés, il se montrait bavard et plein d'allant et rien dans son attitude ni dans son regard ne laissait penser qu'il sortait comme il voulait. Il ne le faisait pas du reste et semblait apaisé mais les semaines passant, le décorateur lui annonça qu'il avait posé des congés et partait pour l'Italie. Depuis son retour aux États-Unis, il avait travaillé d'arrache-pied en ne s'autorisant que quelques jours de liberté, çà et là. Cette fois, il prenait trois semaines. Milan, Rome et Florence les valaient bien. Le danseur accusa le coup et montra une déception nette. Son ami qui s'en allait ainsi et lui qui ne pouvait le suivre à cause de son contrat ! Julian exulta intérieurement. Cette fois, l'attachement que le jeune homme avait pour lui était visible.

- L'Italie est un projet qui me tient à cœur. Je n’ai pu y retourner depuis des années.

-Bien sûr.

-Erik, tu es triste, on dirait.

-Je le suis.

Julian atterrit d'abord à Milan où il renoua avec des amis de longue date, américains et italiens. Bien plus jeune, il avait travaillé de manière occasionnelle pour la Scala et il ravi d'être là, non que Milan fût la plus belle ville qu'il eut à découvrir mais parce qu'il retrouvait le jeune homme qu'il avait été. La veille de son départ, le danseur avait été catégorique :

-Je t'appelle souvent.

Et en effet, il téléphona souvent les premiers temps, devançant mêmes les velléités de son ami.  Attentif aux signes, le décorateur essayait de le rendre bavard mais Erik gardait sa réserve. Toutefois, il appelait, ce qui restait le signe de son attachement. Puis, les données changèrent. Julian quitta l'Italie du nord pour la Toscane et cette fois, il séjourna à l'hôtel avec de riches Américains. Ses appels en direction des États-Unis gardèrent la même fréquence mais souvent ils restèrent sans autre réponse que celle du répondeur. Il finit tout de même par être joint par Erik qui s'excusa. Celui-ci se faisait des amis hors du cadre de la danse et avec eux, il profitait d'une grande ville où il se passait toujours quelque chose. Il était intrigué par les happenings et à New York, il se trouvait toujours quelqu'un pour créer l'événement.

-Alors, tu t’amuses ! Tout va bien...

-Oui, bien sûr. Continue ton beau voyage !

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