Erik N/ Le Danseur. Partie 2. New York. Cohabitation délicate.
Le danseur rougit jusqu’aux oreilles mais il n’alla pas plus avant. Julian dévia la conversation alors qu’ils s’installaient sur un canapé et buvaient des verres. Le désir s’installa. Les débuts furent timides mais l’un et l’autre s’embrasèrent. Erik était un être de désir et c’était merveilleux.
Les jours et les semaines qui suivirent montrèrent cependant que l’équilibre dans lequel ils vivaient était précaires. Le décorateur prit donc les devants :
-Tes tentatives pour trouver ton propre logement n’aboutissent pas, je le vois et tu es, de toute façon, assez hésitant. Au rythme où vont les choses, on va se fâcher. Tu ne supporteras plus d’être là et tu m’en voudras. Une fois les hostilités déclarées, il est difficile de revenir en arrière. On s’est dit trop de sottises et on est blessé…
Erik savait qu’il avait raison mais il ne s’attendait pas à ce qui allait suivre.
- Je ne veux pas qu’on arrive à se jeter n’importe quelle ineptie à la figure. Ta situation va se stabiliser, tu vas être résident et pouvoir faire ce que tu veux. En attendant, on va vivre dans deux lieux différents mais ce sera qu'une séparation ponctuelle. Cet appartement est à moi. Ma famille en possède un autre à Manhattan mais il est plus éloigné de mon travail. Il est cependant agréable et je vais m'y installer.
Le danseur demeura stupéfait. Julian lui abandonnait cet appartement splendide dont il ne parvenait pas à se lasser.
- Mais enfin, pourquoi ferais-tu cela ?
- Parce que tu es un magnifique danseur. Entre autres.
- C'est généreux.
- Et pratique car ma mère n’accepterait qu’un autre que moi y vive.
Comme le danseur continuait de l’observer avec stupéfaction, il devint plus précis :
-Ma générosité n’est cependant pas complète et je vais énoncer certaines restrictions. Tu dois comprendre que beaucoup de mes documents de travail sont ici. Je ne peux pas tout transférer d'un coup et de toute façon, ce n'est pas souhaitable. Une grande partie de la semaine, je serai ailleurs mais il m'arrivera d'être là aussi. Je te dirai mes « mouvements ». Regarde le répondeur. Ne prends pas un air offusqué quand je viens travailler ici...
Erik parut gêné.
-Mais non, pas du tout !
La décision de son ami le soulageait et elle l'arrangeait beaucoup puisqu'elle lui permettait de rester dans un beau cadre sécurisant en lui épargnant la mesquinerie et la dureté d’une rupture, qui après tout, pouvait venir de cet ami pour l’instant très patient. Toutefois, trop afficher sa satisfaction s'avérait maladroit.
-Tu pars de ta maison ? Et tu le fais pour moi !
-Je te suis reconnaissant de dire « pour moi » et non « à cause de moi ». Mais oui, je pars. Enfin pour l'instant. Je poursuis sur les consignes. N’oublie pas que, malgré tout, tu es chez moi et fais attention à qui vient ici. Des danseurs du New York City ballet, je suis d’accord. Tu peux dîner ici avec eux.
-Je ferai attention mais la danse me prend quasiment tout mon temps. J'imagine que tu veux me dire d'autres choses ...
Rien dans la façon dont il parlait n'était provoquant ; il semblait au contraire soucieux d'être conciliant. Julian poursuivit :
-Écoute Erik, à New York, les tentations sont multiples. Tu penses le savoir mais tu ne mesures pas ce qui peut arriver. Ils risquent de ne pas vouloir te lâcher, les hommes que tu vas croiser et pour les femmes, ce sera pareil. Quant à toi, il se peut que tu te sentes très rapidement très motivé. Ce n'est pas à moi de te dire ce que tu dois faire mais il y une chose que je te demande vraiment : ne les emmène pas ici et surtout pas dans mon lit. C'est une ville immense, forte, captivante pour quelqu'un comme toi. Erik, respecte ma demande, je t'en prie.
-Pourquoi me parler ainsi ? Où veux-tu en venir ?
-Trouve tes lieux.
-Julian, je ne suis pas mal éduqué !
-Non mais compte sur eux pour te donner des idées, des bonnes de temps à autre et le plus souvent, des mauvaises... Ne te fie pas trop à toi-même...