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Moi, je sais d'où souffle le vent. Ecrits sur la danse.
26 mai 2024

Erik N / Le Danseur. Partie 2. New York. L'appartement de Julian.

 

Erik ne put s'empêcher de rire. Julian gardait son humour dévastateur.

Une fois arrivé chez lui, il marqua sa surprise. L'appartement était bien plus vaste que Julian n'avait bien voulu le dire et, magnifiquement exposé, il était ravissant. Il était constitué d'un grand living, de deux chambres et d'un bureau. Il disposait de deux salles de bain et la cuisine était grande. En outre, il ouvrait sur une terrasse avec vue sur Central Park. L'immeuble était cossu et affichait des signes d'aisance : une belle entrée, un portier, un parking privé. Il s'élevait sur cinq étages et Julian vivait au troisième. Même en cette saison brumeuse, la vue qu'il offrait sur le parc était merveilleuse et Erik ne put retenir un sourire d'enfant quand son ami eut ouvert la porte-fenêtre qui y donnait accès. Les grands arbres dépouillés de feuilles offraient des silhouettes pures et fines et dans les allées qu'il apercevait, il voyait circuler des New-yorkais divers : homme vieillissant promenant un beau chien de race, couple d'étudiants rieurs et bavards, nounou aux prises avec un petit garçon impoli, sportif pressé courant à vive allure pour ne citer qu'eux. La lumière était basse mais elle perçait la barre des nuages et le parc, qui semblait immense, lui apparaissait dans une beauté confuse mais attirante.

-C'est magnifique ici !

-Si tu aimes la marche à pied, sache que tu n'auras pas à traverser le parc. Tu rejoindras la soixante-cinquième rue et tu la suivras. Ensuite, le théâtre est inratable : il est immense. Mais on va vers le froid. Il y d’autres moyens.

-Je verrai.

L'appartement mélangeait les styles de façon audacieuse et Erik fut sidéré par l'harmonie qui s'en dégageait. Deux canapés de cuir évoquant les années cinquante faisaient angles et entouraient une table basse chargée de livres d'art. Ils jouxtaient des meubles d'horloger américain du début du siècle, hauts et munis d'innombrables tiroirs, des commodes en chêne à quatre tiroirs d'aspect rustique et des tables et des chaises qu'auraient pu utiliser les colons du dix-neuvième siècle. Il y avait aussi des vitrines hautaines, des fauteuils en velours, du mobilier de jardin comme on avait pu en trouver dans le Mississippi, des fauteuils variés aux formes opulentes et des tables de salon. Erik ne se souciait pas des nuances de couleur, des variétés de bois, de la présence de meubles en fer forgé. Il alliait le tout et il en résultat un appartement au style bohème, extrêmement élégant et propice au rire et aux rêves. Il avait racheté du mobilier de bureau et de jardin qui, transformé par lui, devenait beau. La pièce principale comportait quelques tableaux figuratifs dont des toiles d'Edgar Hopper mais la chambre qu'occupait Julian ne comportait que des miroirs et des photos de famille, d'amis et de spectacle. La cuisine était exubérante et il avait déniché, pour la décorer, des toiles d'un peintre quaker du dix-neuvième siècle : Cassius Marcellus Coolidge. Tous représentaient des chiens adoptant des attitudes humaines et fumant le cigare dans une ambiance bonne enfant. Le travail sur les couleurs fortes était manifeste dans la cuisine et l'emploi du jaune et du rouge s'arrêtait, selon Erik, à la limite du possible mais le fait est que l'ambiance y était gaie. Le réfrigérateur imitait un modèle des années cinquante et la plupart des meubles évoquaient une cantine ouvrière. De fait, face à tant de noir, de gris et de blanc, les couleurs fortes emportaient la mise. Les salles de bain procédaient de la même audace. Seul le bureau de Julian semblait échapper à la donne. Les murs étaient couverts de livres. Les bureaux au nombre de trois venaient de rédactions de journaux américains du siècle passé et leur beauté était imposante. Il y avait des fleurs dans des vases, des orchidées mais pas de rideau aux fenêtres. Restait la chambre d'ami avec un lit bas, des coffres et une armoire aux lignes pures avec tout de même un fauteuil chippendale. Elle était sobre mais toute comparaison avec celle de Julian s'avérait impossible puisque les portes en restèrent fermées.

-Tu aimes ? Au Danemark, on est plus sobre !

-Oui mais comme tu as mélangé les styles, c'est superbe !

-N'était-ce déjà pas le cas à Londres ?

-C'était déjà très recherché, très beau mais pas si personnel. Ici, c'est vraiment étonnant.

Julian sourit. Erik avait enlevé son manteau d'hiver. Il portait un jean et un grand pull noir à col roulé et avait de grosses chaussures. Il avait son style propre cette fois et avait abandonné le dandysme qu'il affectionnait en Angleterre. Portant des matières confortables mais non luxueuses et ayant écarté tout accessoire, il n'imitait plus non plus le décorateur. Son apparence était presque hiératique. Maintenant sa réserve, il dit qu'à Copenhague, tout était déjà gris et bleu, la neige s'annonçant.

-Ici, l’hiver se fait attendre. Tu le verras graduellement s’installer en regardant les arbres du parc. Tu vas voir : tu vas vouloir rester quelques temps !

 Cette fois, charmé, le beau jeune homme baissait sa garde et se mit à sourire.

-D'accord. C'est très généreux.

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