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Moi, je sais d'où souffle le vent. Ecrits sur la danse.
15 juin 2024

Erik N / Le danseur. Partie 1. Ballet Royal de Copenhague. Erik soliste.

4. Erik et le Ballet royal de Copenhague.

Erik a réussi : il danse pour le Ballet royal de Copenhague où son talent est remarqué.

Il s'intégra très vite à une troupe assez stable. Redoutablement ponctuel, il s'entraînait avec régularité. Il était alors tout jeune et se composa une personnalité.  Bien que toujours un peu lointain, il était souriant et aimable avec tout le monde. Son côté solitaire irritait les jeunes danseurs car il semblait se mettre à part. Ces regards, il les comprenait mais il n'acceptait pas les invites et cette attitude qui montrait plus de timidité que d'assurance était mal comprise. De fait, à dix-huit ans, Erik était lunaire. De lui-même, il disait 

-Je suis un garçon qui danse plutôt seul !

Sa nature émotive et imaginative le servait pour son art car elle lui permettait de s'imprégner instinctivement des atmosphères, des ambiances, des impressions qui peuvent nourrir un rôle. Elles étaient aussi dangereuses car elles lui donnaient un faux sentiment de sécurité. Il lui semblait qu'il vivait sa vie alors qu'il ne faisait que la rêver.

-N'es-tu pas trop solitaire ? Lui demandait Claire.

Il répondait non invariablement sans convaincre personne. Pour sa famille, il était trop à part, pour ses anciens amis, encensé trop vite et pour les danseurs du corps de ballet trop doué et surtout trop beau. Alors qu'une attitude plus simple aurait permis de voir qu'il était peu sûr de lui, il afficha un impressionnant contrôle de lui-même. On ne vit pas qu'il pouvait être vrai et spontané car il paraissait froid. Or, rien n'arrive sur un plateau si on bride une sensibilité riche, plus riche que celle de la plupart des gens. On commença à dire d'Erik qu'on l'avait trop tôt auréolé d'une réputation flatteuse : celle d'avoir des dons exceptionnels. Pendant une brève période, il lui sembla que les beaux rôles s'éloignaient et qu'on ne lui prédisait plus la belle carrière qui lui était due. Il fut conscient du danger et sollicita Irina qui fut directive. En quelques mois, il se transforma. Il devint moins fermé, plus original, plus libre et les émotions qu’il bridait, parurent.

-Ah dit Kirsten, tu n'es pas pareil sur scène ! Là, tu nous atteins !

-Te voilà si sensible, mon Erik et si lumineux quand tu danses ! déclara Claire,

Les critiques enthousiastes revinrent. Sa réelle beauté devint accessible en dehors de la scène et plus lumineuse quand il dansait. Quant à son être même, il s'ouvrit avec rapidité. Tous furent surpris et tous se louèrent. Toutefois, Erik en se mettant à part de la réalité en avait oublié l’ambiguïté et la dureté. Celle-ci le frappa de plein fouet. Au long de ses années d'apprentissage solitaire, il n'avait pas eu d’expériences amoureuses, les jeunes filles lui restant lointaines. Or, à dix-huit ans, il se réveillait. En quelques mois, il y eut eu Inge, une Allemande, Lucia, une Italienne et Linn, une Danoise. Aucune n'appartenait au corps de ballet. Toutes avaient quelques années de plus que lui et toutes avaient un logement en ville. Déshabiller lentement en caressant, être déshabillé à son tour en étant palpé et embrassé, c'était bon et doux. Il n'y avait à penser, juste à apprendre les douces choses de l'amour physique. Elles voulaient tellement le faire entrer dans le monde des sensations, le rendre viril, l'entourer de leurs rires et de leur reconnaissance ! Il passa de l’une à l'autre. Elles étaient amusantes, parlaient beaucoup et, dans le plaisir, se montraient délicieuses. Il était content avec elle. Quand on rattrape le temps perdu, on l’est.

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