Erik N / Le Danseur. Partie 1. Erik à Londres. Loger ailleurs. Julian.
Julian Barney était américain mais vivait à Londres depuis deux ans. Il était décorateur de théâtre et son travail était réputé. Erik était à Londres depuis un an, quand lassé de vivre seul dans un logement sans charme, il trouva avec qui en partager un autre, bien plus beau et vaste. Son colocataire était un homme qui devait le surprendre, l'impressionner et le faire rire. Celui-ci avait d’abord vécu en colocation avec une journaliste américaine qui venait de lui annoncer qu’elle s’en allait. Elle était trop amoureuse d’un fascinant new-yorkais pour rester en exil en Angleterre ! Il était désireux de louer à qui lui conviendrait, une partie plus ou moins grande de cet appartement. Ayant eu vent de cette opportunité, Erik fut intéressé. Il serait bien plus près de Covent Garden, où il dansait et cela l’arrangeait bien. Lors de leur première rencontre dans un pub élégant, il trouva que ce Barney correspondait ce qu’on lui en avait dit : il était un peu intimidant. C’était un américain de la côte est, qui portait beau, était lettré et, de toute évidence, avait de l’argent. Le danseur ne pensa pas d’abord être l’heureux élu d’autant que le quartier où se trouvait ce logement était cher ; mais parler avec Julian lui parut facile, l’homme n’étant pas hautain. Que lui, Erik, n’occupe que deux ou trois pièces ne le dérangeait pas, par contre il souhaitait cohabiter avec une personne civilisée et si possible, cultivée…Intrigué, le danseur se sentit en confiance et devint bavard. Il évoqua Copenhague, Londres et la danse. Julian parut ravi. L’apparence physique de ce jeune danois le ravit tout autant que l’anglais qu’il utilisait, très correct mais parlé avec un léger accent. Vêtu comme le dandy qu'il s'appliquait à être depuis son arrivée, Erik portait une chemise blanche d’un autre âge mais il lui avait adjoint une veste cintrée noire et un pantalon rayé. C'était drôle et en même temps élégant d'autant qu'il portait des bretelles et que ses chaussures n'appartenaient à aucune mode. Sa mise contrastait avec celle, bien plus classique de l’américain mais celui-ci parut apprécier. A un regard qu’il lui lança brièvement, Erik fut en alerte. Barney le regardait comme Mads avait pu le faire : il appréciait sa beauté qui correspondait sans doute à ses goûts en matière de jeunes hommes ; mais ce fut fugace et l’inquiétude du danseur s’évanouit vite. En Amérique, Julian fait des décors et des costumes pour le théâtre et l’Opéra. Il avait travaillé à Boston, qui était sa ville, mais visait New York et sur ce point, il était confiant. L’Angleterre était une charmante parenthèse. Il s’occupait, avec un ami anglais, d’organiser des expositions sur des peintres de renom, anciens ou contemporains. Il travaillait beaucoup.
-Les arts me fascinent : l’art lyrique principalement. Construire des décors pour une œuvre du répertoire est pour moi magique. Je m’investis totalement. Néanmoins, je ne suis pas comme vous, un artiste. Je ne fais que les servir.
-Je n’ai guère fait de recherches sur votre travail.
-Je risque de vous en parler souvent. Il faudra m’arrêter : je suis intarissable. Moi, je vous ai vu danser trois fois.
-Oh ! Je suis touché !
-Redite moi ça, jeune danois !
-C’est sincère.
Erik était sans malice dans ses remarques et sa spontanéité touchait Barney ; il se montrait donc sympathique. Mais comme la conversation se poursuivait et qu’ils évoquaient leur vie à Londres et leurs sorties, Erik capta de nouveau ce même regard qui lui avait fait penser à Mads. Clairement, Julian n’aimait pas les femmes…
-Nous faisons affaire ?
-Je voudrais voir l’appartement d’abord.
-Ah, mais bien sûr.
Le logement était immense et il était meublé dans un style composite. La partie la plus vaste, qu’occupait le décorateur, était chargée en meubles, tableaux et objets de décoration, mais l’ensemble reflétait l’esthétisme de son occupant qui avait changé toute la disposition du mobilier et ajouté sa touche personnelle. Il y avait beaucoup de fleurs, des orchidées. Erik se décida pour deux pièces, situées tout au fond de l’appartement.
-C’est tout ?
-En vrai, ce serait plutôt trois mais je n’aime pas trop l’ameublement. Je préfère celui de mon ancien logement.
-Ah, une des pièces sera un débarras ?
-Si ça ne vous ennuie pas…
-Non, ça m’est égal.
-Alors, nous faisons affaire ?
-Mais je l’espère, Erik !
Ils réglèrent ce qui devait l’être et bientôt, le danseur emménagea. Pour le danseur, la prise de risque était minime puisque l’appartement était vaste et qu’il travaillait beaucoup ; pour Barney, l’opportunité d’aborder un jeune danseur classique dont le talent crevait les yeux était captivante. Il avait de plus un vrai univers intérieur.
Il ne fallut pas deux semaines pour que Julian se félicite de l’avoir recruté. A un âge où l'innocence est déjà perdue pour certains, et où tout idéal est inaccessible, ce jeune homme restait rayonnant. Il avait dû se battre pour être nommé danseur étoile et connaitre quelques revers dans sa vie personnelle, mais sa beauté et son énergie avaient quelque chose de confondant ; et de plus, il dansait fort bien.