Erik N / Le Danseur. Partie 1. Erik et l'enfance. Premiers pas dans la vie.
1. Erik, l'enfant de Copenhague.
A Copenhague, le petit Erik, né d'un danois et d'une française, grandit parmi ses sœurs. Très vite, la danse l'attire.
De Copenhague, quand il était tout petit, Erik se souvenait mal. Il ne lui restait que des images factices, comme celles qu'on voit dans les catalogues de voyage. Des images qui servent à se dire qu’on doit vraiment visiter un endroit aussi beau ! Il se souvenait des rues dédiées aux touristes et des autres, plus confidentielles ; il se souvenait aussi de l'hiver omniprésent, des façades hautaines des quartiers chics, des parcs et des magasins pleins de lumière pendant la période de Noël. Copenhague, c'était une ville nordique, froide, lointaine, d'après certains, mais lui, il en avait aimé les belles maisons colorées, les immeubles élégants, les parcs, le beau château et les marques de la monarchie. C'était la ville de son enfance et il lui restait attaché.
Jusque l'âge de cinq ans, il avait habité le quartier de Frederisberg et il s’y était senti chez lui. Toutefois, les rues de son enfance n’intéressaient que ceux qui y vivaient car les touristes et les curieux ne s’y aventuraient pas, préférant la partie la plus prestigieuse de ce quartier. Il se souvenait de l’appartement où sa famille et lui avaient vécu. Il savait qu'il y avait là un plancher si rustique qu'on le dissuadait de marcher pieds nus. Il savait que les fenêtres de l'appartement étaient hautes, qu'elles donnaient sur une place où il y avait un temple protestant. Il se souvenait de la lumière plus grise que jaune qui illuminait la place, de la façade un peu laide du temple et des découpures que faisait la neige sur les vitres. Mais il savait aussi, tout petit déjà, qu’il y avait beaucoup de chaleur et de gaîté entre ces murs et qu’il habitait un lieu joliment décoré de tableaux, de tentures et de meubles choisis, un lieu où vivait une famille soudée.
Ses parents étaient très occupés parce qu’ils avaient chacun un métier d’une part et quatre enfants de l’autre. Il avait trois sœurs très blondes avec lesquelles il ne jouait pas toujours mais qu’il aimait tendrement. D’emblée, il s’était senti différent d’elles, non parce qu’il n’avait pas vraiment les mêmes jeux mais parce qu’il voulait ce qu’elles voulaient, elles. Sauter sur les lits, se laisser retomber brusquement sur les couettes épaisses, se dire des secrets et préparer une nouvelle bataille d'oreillers, ça le concernait et ça le faisait rire ; se maquiller avec les produits volés à la mère ou d’élaborer des coiffures originales, ça ne pouvait pas l'intéresser mais ça l’amusait beaucoup et le rendait complice de ses sœurs, même si ce n’était pas des trucs de garçon. Avec Kirsten, sa plus grande sœur, il jouait à la maîtresse d'école. Il en était, lui, l'élève distrait mais quand même doué qui fait croire à tout le monde qu'il ne sait rien alors qu'il apprend en cachette. Avec ses autres sœurs, il était souvent le petit voleur, l'étranger pris par surprise. Il fallait toujours s'emparer de lui, le gronder et lui faire la leçon. Ensuite, tout allait mieux car il suivait le droit chemin. Ces jeux- là, il les aimait bien mais il en avait d'autres, solitaires. Il aimait se tenir très droit puis tourner sur lui-même, courir très vite et s'arrêter avec netteté, faire des bonds qu'il voulait toujours plus parfaits comme si la hauteur était bon signe. Et alors, il se sentait heureux.