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Moi, je sais d'où souffle le vent. Ecrits sur la danse.
15 juin 2024

Erik N / Le Danseur. Partie 1. Erik fascine Julian.

Julian était un homme adroit. Erik le fascinait. Il l’avait vu danser bien avant son arrivée dans l'appartement. Il tenait le rôle masculin de la Sylphide. Le décorateur avait tout de suite compris. C'était une chose de parler avec Erik et tout à fait une autre de voir sur scène cet être à la fois charnel et totalement aérien. A le voir effectuer des figures compliquées, faire ces sauts merveilleux, ces pirouettes, on s'émerveillait. Julian avait l'habitude des cantatrices, des chanteurs mais aussi des danseurs : il savait faire la différence. A Covent Garden, c’était lui qu'on regardait ! Julian comprenait cette finlandaise et ce russe qui lui avaient appris avec rigueur ce qu'ils savaient et avaient vu ce don qu'il portait. Comme ils devaient être fiers !

-Comment fais-tu ? En général, celui qui brille sur scène est quelconque dans la vie...

-Ah ?

-En général oui. Dans ton cas, non.  Tu te vois ici et tu te vois sur scène ?

-Non.

- Bien sûr que si, tu me comprends ! Tu sais, je vais souvent te voir danser.  Tu es si magnifique ! Dans un autre monde, vraiment. Tout vient de là...

-Je danse. Je suis un danseur classique et...

-Et tu fais ton travail ? Allons Erik, pas avec moi !

-Je veux le meilleur car la danse le veut !

Mais il finit par se relâcher et eut quelques petites amies que Julian entraperçut. Son attachement pour Erik était tangible désormais et il le laissait paraître mais il gardait ses distances. Cette rigueur poussa Erik à lui faire des confidences.

-Tu voulais savoir ce que j’ai vécu au Danemark, qui j’ai aimé…

-Tu me le dirais enfin ? Moi, je te l’ai dit : j’ai eu deux liaisons importantes, des hommes très bien dans chaque cas. Mais j’ai rompu avec l’un et l’autre. Tout s’établissait si vite ! Et toi ?

-Oui, j'ai été amoureux.

- D'une femme ?

- Oui. Une danseuse. On travaillait ensemble.

- Ah, je vois…Elle était jalouse de toi !

-Professionnellement, oui.

-Oh, je la comprends ! Quelle déception de ne pas avoir hérité soi-même d'un tel don ! Tu es d'une telle grâce et d'une telle expressivité ! Tout passait sur ton beau visage fardé : la joie, l'amour, le regret, la tristesse...Et tu emportes tout le monde dans la beauté de la danse. Tu es là, vraiment, dans l'instant où on te regarde !

-Elle n’était pas si lyrique ; en fait, elle m’a quitté pour un homme un homme plus âgé et qui avait de l'argent.

-Navré, Erik. Non, tu vois, je ne te sers pas un laïus sur les femmes de mauvaise vie…Et sinon ?

-J’ai connu un homme avant elle.

-Un chorégraphe ?

-Non, un pilote de ligne.

Julian ne put s’empêcher de rire mais Erik semblait en difficulté. Qu’il lui fît cette confidence lui demandait beaucoup.

-Il avait la quarantaine. C’était dur ; je n’aime pas y penser. Il était souvent triste, il criait beaucoup. Je l’ai supporté un temps et puis j’ai été excédé : il voulait tout le temps des preuves d’amour.

-Tu as rompu.

-Oui mais il est mort.

-Peut-être était-ce mieux.

-Non, il s’est donné la mort.

-Ah ! Tu veux poursuivre…

-Non.

-Merci de m’avoir confiance et t’être confié à moi.

Julian pensait qu’Erik le regarderait avec bienveillance mais ce fut l’inverse. Son regard était dur. Il disait : ce que je viens de te dire ne t’autorise pas à m’aimer. Tu as compris ? Ne m’aime pas. » Le décorateur en fut presque alarmé.

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