Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Moi, je sais d'où souffle le vent. Ecrits sur la danse.
3 juin 2024

Erik N / Le Danseur. Partie 1. Fin de partie à Londres.

 

L'heure de son départ était venue, son contrat à Londres étant arrivé à échéance.  Il le fêta avec de nombreux amis mais les deux derniers soirs, Julian et lui dînèrent ensemble. Le décorateur avait retrouvé sa retenue et son tact. Ils se firent des cadeaux sages, échangeant des livres. Le dernier soir, le décorateur mit des chandelles partout et servit un dîner dans de la vaisselle rouge. Il assura Erik qu'il vendrait comme il l'avait promis ce que le jeune homme ne souhaitait pas garder et qu'il lui enverrait ce qu'il demandait. De ce qu'il ressentait, il ne dit rien, redevenant le colocataire facétieux et plein d'humour que des mois durant, il avait cherché à être. Toute ambiguïté avait disparu et Erik crut vraiment que tout était changé. Toutefois, Julian insistant beaucoup pour le conduire à l'aéroport, il céda. Après tout, ils étaient amis. Erik gagna sa chambre et s’allongea pour la dernière fois dans son lit où il s’endormit. Au milieu de la nuit, il se réveilla en sursaut ; il aurait juré que Julian était entré et l’avait contemplé dans la pénombre. Il ne s’était rien passé de concret mais cette contemplation était une prise de possession. Il y avait un an déjà qu’ils se côtoyaient et jamais le décorateur n’avait jamais son projet : il aimait Erik et le voulait. Au matin, cependant, quand le danseur le questionna, il fit mine de ne pas comprendre. Ils chargèrent les valises d’Erik à l’arrière de la voiture et partirent. Ils bavardèrent sans cesse pendant le trajet puis se garèrent dans un parking souterrain. Il était convenu que le danseur ne voulait pas d'au revoir cérémonieux et qu'il irait seul dans les halls de l'aéroport mais alors qu'il allait descendre de voiture, Julian le retint et l'embrassa sur la bouche sans crier gare. Le baiser dura et quand ils s'écartèrent l'un de l'autre, l'émoi d'Erik était palpable. Il ne reconnaissait pas Julian, le nonchalant décorateur avec qui il avait tant ri. Celui-ci, s'il l'avait pu, l'aurait pris sur place. Violemment troublé, il regarda son ami qui ne fut pas désarçonné :

-Dis-moi, Erik, un de ces jours, tu vas finir par comprendre ? Le lien que j’ai avec toi est fort. Et toi ?

-Mais moi, tu sais bien !

-Tu es sûr que je ne t'attire pas ?

-Tu ne peux pas m’attirer.

-Si mais tu t’en défends.

-Mais pas du tout !

Julian l’embrassa de nouveau, longuement et avec adresse.

-Alors ?

Le danseur s'abstint de répondre et partit aussi vite que possible. Mais la douceur de l'haleine de son ami et la tiédeur de sa salive lui restèrent longtemps en mémoire avant qu’il ne décide d’oublier. Seulement, il ne le put pas. Il se souvint d’un petit matin où il trouvé Julian dans la cuisine. Il portait une chemise sans cravate et avait les cheveux en bataille. Erik s’en était trouvé décontenancé.

-Tu as l’air très fatigué…

-Normal. C’est fatigant.

-Quoi ?

-Mais la chasse, Erik…

-Tu as une griffure sur la joue…C’est une griffure ?

-Oui, Erik. J’ai couru vite pourtant et j’ai cru le prendre au piège mais tu vois, il s’est défendu. Comme toi, sans doute, avec ce pilote danois…

-Je ne l’ai pas griffé à la joue !

-Que c’est joliment dit ! A mon avis, tu l’as atteint d’une autre façon.

-Comment ça ?

-Rien Erik, rien.

Julian avait ce regard rusé qui le déstabilisait tant. Était-ce celui d’un prédateur ? Non, ce n’était pas un simple chasseur. Il était bien plus adroit et expérimenté que l’un d’eux.

Alors, qu’est-ce que c’était ?

En arrivant à Copenhague, il l’ignorait encore.

Commentaires
Moi, je sais d'où souffle le vent. Ecrits sur la danse.
Archives
Derniers commentaires