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Moi, je sais d'où souffle le vent. Ecrits sur la danse.
7 novembre 2024

La Nuit de l'Envol. Chapitre 1. Raphaël et Anaïs à l'entrainement.

 

Au fond Bertrand Ducaussel craignait qu'une simple erreur humaine (un membre de jury de méchante humeur ce jour là, un moyen de transport public qui n'était pas à l'heure) prive de façon arbitraire des jeunes gens promis à en avoir une d'une somptueuse carrière. Rien de plus. Irène apprécia que son interlocuteur fut si prompt à avouer des craintes qui reposaient sur des failles humaines et non sur la valeur des futurs candidats. Cette façon d'être révélait son sens de l'humain. Elle s'efforça donc de le rassurer.

Et elle se mit en chemin. Ces deux danseurs qu'elle aimait contempler à l'entraînement, elle décida de mieux les connaître. A priori, ce ne serait pas aisé. Anaïs appartenait à la bourgeoisie cannoise par sa famille et il faudrait, pour se rapprocher d'elle, mettre en avant son passé de concertiste, auquel dans ce milieu, on risquait de ne pas être insensible. Irène ne trouvait pas si compliqué de parvenir à ses fins. On lui avait déjà proposé de faire un récital de piano à des fins caritatives. A chaque fois, elle avait refusé. L'Académie Fontana rosa venant de renouveler sa proposition, elle pourrait accepter cette fois. Les élèves de cette école viendraient en masse et ces six privilégiés auraient des places d'honneur. Se rapprocher d'Anaïs par ce biais était très envisageable.

Pour Raphaël, il n'en allait pas de même. Elle avait cru comprendre qu'il était à Cannes suite à des turbulences familiales et qu'il était inscrit à l'école depuis deux ans seulement. Très vite, il y avait été repéré. Une partie de sa famille vivait en Europe du nord. L'autre était en France mais pas à Cannes. Il était là chez une amie de sa mère qui se montrait le moins possible à l'école. Lui parler à la fin du récital serait simple mais ne permettrait pas une accroche suffisante...Elle devrait trouver un moyen.

L'annonce du récital qu'elle donnerait pour promouvoir l'Académie entraîna un enthousiasme sans fin. Irène se revit à ses débuts quand elle devait ses preuves comme soliste...Dans la belle salle de spectacle qu'on avait trouvé pour elle, elle devrait montrer ce qu'elle savait faire. Sentant s'aviver en elle cette flamme qui avait tant décru parfois et l'avait plongée dans le doute, elle ne douta pas qu'elle devait travailler d'arrache-pied et se mit au travail, ajournant bon nombre de leçons qu'elle s'était engagée à donner. Tandis que seule elle répétait, elle laissait des images lui apparaître. Elle était toute jeune à Paris et passait son premier concours. Elle était à Milan pour un concert où on l'avait beaucoup applaudi puis à Londres un soir où elle ne s'était pas sentie très inspirée. Elle se disputait avec Bruno qui refusait qu'elle abandonne sa carrière solo. Elle donnait une nouvelle jeunesse au Quatuor Blanc qui venait de l'engager et le quittait pour ce trio où elle serait d'abord heureuse puis très inquiète. Cela, c'était sa vie et elle aimait que ces soirs où elle avait joué Chopin, Brahms, Prokofiev ou Debussy lui reviennent en mémoire. Elle avait cependant décidé de se tourner vers un répertoire qu'en tant que soliste, elle avait peu abordé. Elle jouerait les Gymnopédies d'Erik Satie. L'intégrale. Et un peu de Stravinski, aussi ou du Bartok. Ils aimeraient. Elle travaillait. Elle devait les charmer.

Quand elle cessait de jouer du piano, elle voyait très nettement les silhouettes et les visages des six danseurs pour lesquels elle donnait de son temps. Deux, bien sûr, avait l'avantage.

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