La Nuit de l'Envol. Partie 1. Anaïs et Raphaël.
2. Irène, pianiste dans une école de danse.
A l'Académie Fontanarosa, Irène Diavelli, qui fut une grande pianiste, accompagne des cours de danse au piano. Deux jeunes danseurs ont attiré son attention: Raphaël Lindhardt et Anaïs Basso. C'est cependant Raphaël qui le fascine.
Anaïs Basso s'était placée à la barre, dans la rangée des filles et faisait depuis un moment les exercices habituels qu'Irène accompagnait au piano. Il y avait peu d'élèves dans la salle, six seulement. C'était les trois garçons et les trois filles que la directrice de l'Académie avait sélectionné pour présenter des concours prestigieux. Leurs dates en étaient encore lointaines mais les jeunes gens devaient se livrer à un entraînement intensif en marge de leurs études. Ils étaient tous en terminale et faisaient tous de la danse depuis longtemps. La sympathie d'Irène allait aux garçons car en province vouloir faire de la danse classique à un haut niveau quand on n'est pas une petite fille relève du parcours solitaire et difficile. Ils avaient dû en braver des difficultés pour être encore là alors qu'ils étudiaient dans des établissements publics où, massivement, les garçons aimaient le foot. A l'époque où elle s'était dirigée vers la musique, Irène avait été portée par sa famille qui, sans être très cultivée était ouverte d'esprit. Leur fille montrait de très bonnes dispositions pour le piano. Elle était de plus assez jolie et bonne élève. Tout était pour le mieux. Irène aurait menti en disant qu'elle n'avait jamais été victime de préjugés mais ceux-ci l'avaient accablée plus tard, quand sa carrière de soliste périclitait et qu'on alléguait devant elle la fragilité psychologique des femmes ainsi que leur manque de rationalité...Intérieurement, elle savait bien, elle, que la même chose arrivait à des hommes mais comment le dire ? Elle avait connu une période difficile avant que sa carrière ne redémarre, elle devait bien l'avouer mais y avait-il une commune mesure avec les difficultés rencontrées par ces trois garçons ? Deux d'entre eux, elle l'avait appris, avaient du se prémunir contre des préjugés homophobes tenaces et y étaient parvenus. Le troisième, le garçon blond, n'avait pas eu le même parcours, elle le sentait. Il était le plus doué des trois, ce n'était pas difficile à deviner, et aussi le plus secret. Il était là, de l'autre côté de la salle, faisant les mêmes exercices à la barre que les filles en s'appuyant sur les consignes orales données par le professeur et le rythme du piano. Le regard d'Irène s'arrêtait souvent sur lui.
-Dans quelques mois, ils se jetteront dans la mêlée, histoire d'intégrer une première compagnie de danse qui sera un tremplin pour eux. On leur aura appris à viser plus haut et ils le feront. Ils ont la flamme et la garderont. J'ai foi en eux.
Au fur et à mesure que les semaines passaient, Irène avait appris à connaître ceux qui consacraient beaucoup de leur temps à la préparation physique et intellectuelle de ces jeunes espoirs. L'Académie Fontana rosa se targuait, en effet, de donner à ces jeunes espoirs de la danse un enseignement de qualité en marge des cours exclusivement réservés à leur art