ERIK N/ LE DANSEUR. LES REFERENCES. DIAGHILEV.
DIAGHILEV
Né en 1872 en Russie et mort à Venise en 1929, Serge Diaghilev est indissociable du roman "Erik N / Le Danseur". Il fait d'abord du droit mais emmagasine d'énormes connaissances sur l'art. Il fait d'ailleurs des études de musique et de chant au Conservatoire en même temps que du droit. Souhaitant être compositeur, il découvre qu'il n'en a pas l'étoffe. Si cette découverte met fin à ses ambitions musicales, elle ne le décourage pas. Avant même l'aventure des Ballets russes, Diaghilev est très connu dans l'univers des lettrés de Saint-Petersboug. Il édite une revue d'art, parcourt la Russie pour y rechercher des toiles rares et organise une énorme exposition de peinture avant d'emmener à Paris des chanteurs d'opéra dont Chaliapine pour un mémorable "Boris Godounov". Il crée ensuite les Ballets russes, qu'il promène en Europe et dans les deux Amériques, fait travailler les meilleurs danseurs, décorateurs, peintres et encourage l'éclosion du talent de quelques-uns. Nijinsky lui doit la gloire.
Je me m'étendrai pas sur Diaghilev car il est très facile de trouver des informations sur les Ballets russes, les artistes qui y ont travaillé où les mécènes qui leur ont assuré une certaine perennité. Je parlerai plutôt du caractère de Diaghilev.
Imprésario hors pair tout entier dévoué à sa compagnie, Diaghilev est aussi ambitieux et tenace. Il a de l'entregent et sait cultiver certaines amitiés. En outre, c'est un visionnaire.
Cependant, si on s'en réfère aux récits de ses différents danseurs, Diaghilev apparaît comme sévère, exigeant et effrayant. Nijinsky en fait une peinture effarante dans son "Journal" mais il n'est pas partial car blessé et malade. Ninette de Valois qui ne rougissait cependant pas facilement, dit qu'elle est tellement intimidée par lui qu'elle n'ose pas le regarder en face. George Balanchine rapporte qu'il se déplace avec une canne au cours des répétitions et n'hésite pas à s'en servir pour corriger tel ou tel danseur qui lui déplaît. D'autres danseurs affirment qu'il est capable de les paralyser d'un regard ou d'une phrase assassine. D'un autre côté, il est capable d'une extrême gentillesse. C'est ainsi qu'au bord de la faillite en Espagne au cours de la première guerre mondiale, il a donné ses derniers deniers à Lydia Sokolova pour soigner son enfant malade. Il s'agit donc d'un être à deux visages, l'un d'entre eux n'étant pas clément...
Alicia Markova, Tamara Karsavina, Serge Lifar et Sokolova se souviennent de Diaghilev comme d'un personnage paternaliste qui plaçait les besoins de sa compagnie au-dessus des siens propres. Il émettait des chèques sans provision pour financer sa compagnie, se vêtir impeccablement et, à la fin de sa vie, collectionner de magnifiques livres rares.
Diaghilev et Erik.N.
Dans le roman, Diaghilev est "rencontré" par Erik quand il travaille sur le "Journal"de Nijinsky pour le film. Il en a donc une approche négative. Il déteste la façon dont Nijinsky a été "éjecté" des Ballets russes tout en constatant la grande naïveté du jeune Vaslav. Celui-ci pensait que son mentor et compagnon accepterait son mariage...
Cette inimitié se renforce quand le danseur fait la connaissance de Kyra Nijinsky et que celle-ci évoque son père malade. Les passages du "Journal" où Nijinsky écrit à Diaghilev sont terribles. Elles montrent que c'est l'âme même du danseur russe qui est irrémédiablement atteinte. Incapable de ne pas admirer "l'homme des Ballets russes", Erik déteste sa cruauté parfois gratuite et sa rouerie et ceci, sans grand recul. Pour lui, Diaghilev a utilisé Nijinsky...
Enfin, le personnage de Julian Barney, qui est tout à la fois l'amant et le protecteur d'Erik, n'est pas sans évoquer Diaghilev. Il trouve, à Londres, un théâtre qui est en fait un écrin pour Erik et le soutient dans ses recherches chorégraphiques tout en le poussant parfois à bout. Son érudition et son sens de l'esthétisme le rapprochent de l'imprésario russe comme son amour pour le ballet classique. Par contre, contrairement à Diaghilev, il a de l'argent, sait le garder et ne cherche aucun mécénat. Il n'est pas, de plus, un déraciné. Enfin, contrairement au maître russe qui aimait élire des jeunes gens dont il sentait le talent naissant et les former pour que celui-ci s'affirme, Julian Barney est l'homme d'une seule rencontre : celle d'Erik Anderson. Quelque violente et contradictoire qu'ait pu être au départ son attitude face au Danseur, il lui reste infailliblement fidèle au fil des années...