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Moi, je sais d'où souffle le vent. Ecrits sur la danse.

13 octobre 2024

La Nuit de L'Envol. Partie 3. Ces femmes maléfiques qui te suçaient le sang...

 

 

Niels se blesse et tout change. Contraint de rester chez Webster, il admet que celui-ci a raison. De mauvaises personnes ont oeuvré dans sa vie et lui ont fait manquer des opportunités. Il faut bien reconnaitre que c'était, dans chaque cas, des femmes...

Dans le huit clos d'un appartement où régnait une belle lumière dorée, le danseur découvrait un nouveau type de relation à la fois amoureuse et sexuelle. Car il voyait bien qu'avec Webster, il ne séparait pas l'un de l'autre. Ils se séduisaient mutuellement certes et ils assouvissaient leur désir respectif mais ils se guettaient, s'observaient et s'attendaient. Jamais Daniel ne le tirait brutalement du sommeil pour le prendre et jamais, s'il était éveillé et savait son amant au travail, il ne songeait à aller le déranger. Il se prenait à attendre de lui parler d'un film qu'il avait visionné ou d'un livre qu'il commençait à lire. Il aimait attendre l'appel de l'amant qui l'incitait à le rejoindre dans la cuisine pour l'aider à préparer le repas ou à venir pendre un bain avec lui. Il pouvait se reposer sur Webster et même s'il revenait au fait qu'il n'avait guère d'autres choix, il devait reconnaître que l'Américain avait mis un nom sur son mal être et s'était engagé à l'aider...L'alliance qu'il avait avec lui était vertigineuse...

Puis tout bascula. En répétition, un jour, Niels se blessa. Daniel dut le récupérer aux urgences.

-Je m'inquiétais ! Tu n'as pas prévenu ! Je te punirai.

-Je suis tombé...

-Je le vois bien. C'est elle. Me croiras-tu à la fin !

-Mais Daniel, je fais tout ce que tu dis !

Chez lui, Webster gronda.

-Cette Diavelli, tu l'as considérée comme inutile certes mais tu n'as cessé de l'admirer et de la plaindre ! Ta cheville est abîmée, ta rééducation sera longue et cette fois, tu vas être immobilisé pour un temps, Niels ! Tout ça, c'est ton orgueil !

-Mais ma carrière !

-Ne dois-tu pas lui dire adieu !

Niels éclata en sanglots.

-Toute ma vie, toute ma vie j'ai voulu...Pourquoi être si cruel, Daniel !

-Il va falloir aller plus loin, bien plus loin ! Il y a ta mère qui ne cessait de geindre, cette femme à Cannes et cette garce au Danemark...Trop de femmes maléfiques qui te suçaient le sang ! Sans parler d'elle !

 

 

10 octobre 2024

La Nuit de L'Envol. Partie 3. Niels : enfermement, litanies, nuits...

 

Daniel l'installa dans l'autre chambre et le laissa seul avec ses fantômes intérieurs.

-Je ne dors plus avec toi ?

-Non.

-Tu viendras...

-Tu plaisantes, j'espère ! Ta cheville est plâtrée. Dans quel monde vis-tu ?

Mortifié, Niels, qui n'avait pas le droit de recevoir des appels, resta à la merci de son amant qui fermait toutes les portes à clé quand il quittait l'appartement. Il devrait contrer ses fantômes, la pianiste surtout et il leur livra bataille. Il reçut d'étranges traitements, dut réciter d'incompréhensibles prières et manger des aliments que son amant chargeait positivement. Dans l'obscurité de la chambre où il se sentait abandonné, le danseur peinait à rester intact. Deux forces colossales s'opposaient et il était l'enjeu. Il se plaignit.

-Je n'y arrive pas...

-Mais si ! Tu vas mieux.

-Ma cheville se remet un peu.

-Je ne parle pas de ta cheville. Je vois que tu as compris. Là, tu m'obéis.

-Tu ne veux pas...

-Quoi ! Non mais quelle obsession ! Je te lave, te soigne, je te nourris, je viens t'aider dans tes devoirs et tu es là à quémander une étreinte...

Niels baissa la tête et se pinça les lèvres. Il était d'une beauté réelle mais défaite qui excitait les sens de Webster. Il faudrait le faire attendre encore et là, il livrerait ce qu'il retenait encore...

-Je vais devoir t'attacher les mains cette nuit encore, tu irais te caresser et je vais t'installer dans le salon avec moi le jour. Comme ça, je serai bien sûr que tu ne fais rien...

Au fil du temps, l'esprit de Niels s'éclaircit.

La mère dépressive s'éloigna de lui tout comme la fantasque mais calculatrice Alexia. Deux folles, deux hystériques. Monica, qui représentait une bienveillance temporaire, fut oubliée.

 

10 octobre 2024

La Nuit de L'Envol. Partie 3. Enfermé pour se purifier !

 

Daniel Webster enferme chez lui le jeune Niels sous couvert de de le débarrasser de ce qui le dévore. La pianiste Irène Diavelli, qui s'est intéressés au jeune homme, est imitoyablement rejetée

Quant à Irène, qui incarnait l'adroite cruauté d'une artiste qui a perdu son talent, elle perdit quasiment la partie...

-Parfait, dit Webster, en palpant le corps de Niels, parfait ! Il y a bien la région du foie où je la sens encore mais pour le reste, elle t'aura vraiment déserté...

-Mais il avait ces petites amoureuses qui ont traversé m vie de Niels, jusqu'à cette Liza que j'ai éconduit et cette autre fille avec qui je n'ai rien pu faire. Toutes à rejeter. Toutes condamnables...Je suis encore fautif !

Qu'il était agréable de constater à quel point ce bel et ombrageux Niels se montrait contrit, à quel point il voulait lui plaire ! Daniel en était étourdi !

-Tout est incroyablement dense, tout est métaphysique ! Ne pense pas à ses rencontres éphémères, Niels, elles n'étaient rien. N'oublie pas aussi que tu as recherché la compagnie de plusieurs hommes...Non, ne t'agite pas ! De ceci, je ne fais pas reproche, tu étais dans ton bon droit. Du reste, tu aurais pu comprendre que là était ta vraie recherche...Encore que non  car c'est à moi que tu étais promis !

Confus, le jeune homme ne savait que faire. Daniel le laissa incertain quelques jours encore puis revint vers lui.

-Tout va bien. Nous allons pouvoir reprendre nos étreintes...

Elles redevinrent si fréquentes que parfois, Webster devait se montrer ferme.

-Je te laisse quelques heures, je dois écrire. Dès que j'ai fini, je te prends de nouveau... Tu n'as pas d'inquiétude ?

-Non Daniel.

-Reste ainsi, reste nu. C'est aussi bien.

-Oui, je vous attends ainsi.J'ai déjà hâte...

-Je durerai en toi. Je sais quels sont tes besoins...

Webster justifiait les demandes les plus folles et, désormais, avait toujours gain de cause.

-Je ne suis ni un vampire qui se nourrit de toi ni un fornicateur qui te soumet à ses caprices ! Niels, ne crois pas que je me repaisse de ton corps pour le vil assouvissement de pulsions basiques. Si tu avales mon foutre et bois ma pisse et si je fais de même, c'est pour te délivrer, te purifier ! Oui, je te libère ! N'y a t'il pas un jour où je ne prouve ma dévotion ? N'as tu pas conscience de tout ce que je fais pour t'aider ? Tu as été frappé mais tu vas redevenir magnifique ! L'amour que j'ai pour toi est d'essence divine...

 

10 octobre 2024

La Nuit de L'Envol. Partie 3. Guéri mais meurtri. Niels à la croisée des chemins.

 

Chez Daniel Webster, le danseur Niels Lindhardt est arrivé épuisé. Le voilà délivré de ce qui l'entravait et, de nouveau, plein de projets. Toutefois, le plus dur est à venir...

Niels, qui adorait Daniel, en était persuadé. Du reste, il soigna sa blessure, et reprit du poids. Son sommeil redevint régulier et il se remit à aimer la vie. Au bout de quelques semaines, il se mit à courir dans Brooklyn et fit de longues promenades avec Daniel, allant souvent jusqu'à Manhattan. Quand il se sentit prêt, il gagna un studio de danse où il recommença à s'entraîner. Cependant, il avait été limogé du New York City ballet de façon très cavalière. Il ne pourrait retrouver son niveau d’antan.

-C'est très injuste, Daniel !

-Oui, ça l'est.

Naïvement, le danseur pensait à se faire engager par une autre troupe d'envergure sur le sol américain et ne désespérait pas d'y parvenir. Il méconnaissait les desseins de son compagnon et ceux-ci allaient dans une direction tout autre. Il importait peu que Niels retrouvât le succès comme danseur classique car Webster n'en voyait pas l'intérêt. Il voulait bien sûr que son partenaire allât mieux. Il lui suffirait alors de se produire de temps en temps dans une toute autre compagnie qui serait axée sur la danse contemporaine. Un temps, il ferait ainsi puis il ne ferait plus rien. Ça n'avait aucune importance. Il était sa créature, celle sur laquelle il viellait jalousement. C'était à lui de lui construire l'avenir auquel il n'aurait jamais songé lui-même. Le reste était dénué d'intérêt mais bien sûr, il ne laissait rien paraître.

-Je ne dirais pas que je me suis blessé.

-Tu ne le diras pas.

 

10 octobre 2024

La Nuit de L'Envol. Partie 3. Diane à Albany. Encenser Niels et Daniel.

 

Comme les fêtes de fin d'année se profilaient, il lui dit :

-Nous irons à Albany, chez ma sœur.

Et ils y allèrent. L'hiver était arrivé et le trajet entre New York et Albany fut marqué par le dénuement et la grisaille des paysages. A leur arrivée, ils furent accueillis par une Diane solitaire, vêtue de lainages marron et couverte de bijoux anciens. Elle fut plus mondaine que chaleureuse, dévora Niels des yeux et leur attribua la même chambre. Se débrouillant pour être seule avec le jeune homme, elle lui dit :

-Vous êtes magnifique ! Daniel est vraiment le compagnon qu'il vous fallait. Vous portez beau l'un et l'autre et dans des genres très différents. Ah, vous avez un bel avenir !

Toujours sous le charme de Webster, le danseur rit et abonda dans le sens de cette femme étrange. L'écrivain arrivant, elle renouvela ses compliments tandis que celui ci passait autour des épaules de son jeune compagnon un bras protecteur.

Les jours suivants, ils s'accoutumèrent aux lieux. Quand Niels s'était trouvé chez elle en compagnie de Liza, l'artiste conduisait un de ses séminaires de peinture qu'elle aimait à donner. Aussi était-elle entourée de stagiaires qui, enchantés, de leur séjour, fêtaient leur départ. Cette fois, il n'y avait personne et la maison d'Albany lui parut à la fois plus belle et plus étrange. Elle était vaste et dotée de nombreuses dépendances. Que Diane pût s'y épanouir car elle y formait de nombreux peintres se comprenait, pas qu'elle y résidât seule était plus déconcertant. Qu'y faisait-elle quand elle ne peignait pas ? Il interrogea Daniel

-Tu penses que Diane s'ennuie par moments?

-Mais oui !

-Elle ne m'a jamais dit que c'était le cas. C'est sa ville. Elle sait quoi y faire. Et puis, elle a son art...

Niels, qui avait vu Daniel écrire des heures durant dans son appartement de Brooklyn, pensa qu'elle était semblable à lui. Elle s'immergeait tout entière dans les sujets choisis et ignorait le passage du temps. L'écrivain lui donna raison :

-Diane et moi sommes hors du temps ! Notre œuvre nous accapare et nous nourrit.

C'était sans doute vrai mais l'un et l'autre étaient très terriens aussi et captateurs...

10 octobre 2024

La Nuit de L'Envol. Partie 3. Des dépendances, du silence et un exorcisme.

 

Niels, jeune danseur, se sent "possédé" et affaibli. Chez des amis, dans l'est, il tente d'excorciser qui le menace...

Dans l'atelier de Diane, il y avait beaucoup de nouvelles toiles, celles de l'exposition new-yorkaises ayant été vendues. Les villes étranges et les personnages hybrides, mi-hommes mi animaux y occupaient toujours une place importante mais une nouvelle inspiration s'était fait jour. L'artiste peignait des femmes torturées, d'étranges éventrations d'éphèbes et des fêtes païennes aux rituels très noirs....Comme le danseur s'en étonnait, Diane lui dit :

-Oh ! Je relis beaucoup de romans gothiques cet an dernier d'où cette nouvelle thématique. Et puis nous sommes dans l'est. Il y a beaucoup de procès de sorcelleries dans nos contrées, des histoires étranges...

C'était curieux car tandis qu'il coulait des jours difficiles chez Webster, celui-ci lui avait dit être aux prises avec un recueil de nouvelles fantastiques qui lui donnait bien du mal. Niels n'avait jamais pu, de gré ou de loin, s'approcher de ses textes sous couvert qu'ils n'étaient pas aboutis. Il avait par contre accès aux autres écrits de Daniel. Quel romancier noir c'était là...

Ces deux célibataires endurcis, aussi originaux l'un que l'autre, érudits et décidés savaient le recevoir et s'occuper de lui. Amant de l'un et ami de l'autre, le danseur était très observé. C'est que cette grande maison pleine d'histoire était le lieu où tout devait arriver.

-Je vais lui dire ce qu'il est, ce que je veux vraiment de lui ! Je l'ai exorcisé après tout.

-Il me semble fin prêt.

-Ma sœur, tu es fine mouche.

-De toute façon, je l'aime, il est vrai de façon peu académique mais totale. Nos liens sont devenus si forts qu'il n'était plus nécessaire de lui cacher quoi que ce soit. L'heure approche, il saura.

Mais Niels, peu avant Noël, au retour d'une longue marche dans la campagne environnante, se rendit dans les dépendances que l'absence momentanée de stagiaires rendait vides et revint exaltée.

-Je voudrais y passer une nuit ou deux !

Les Webster furent stupéfaits.

-Mais quelle idée, Niels ! N'es-tu pas bien ici ?

-Je vais bien, vous le voyez. Ce n'est pas une bien grande fantaisie.

Daniel paraissait perplexe.

-En effet, non...Serait-ce une surprise que tu nous ferais pour Noël ?

-Peut-être oui...

Le jeune homme voulait être un peu seul et gagnait du temps. Il n'avait d'autre idée en tête que ce temps de repos solitaire. Webster fit une ou deux plaisanteries sur le fait qu'il irait surprendre son compagnon à la tombée de la nuit, histoire qu'il se sente entouré mais il n'eut pas de succès. Ce devait être une lubie comme un autre. Il laissa faire.

Niels parcourut les bâtiments annexes où il distingua une grande salle et une chambre ? S'y sentant bien, il y installa ses quelques effets avant d'aller jouer du piano où il se livra aux délices de Chopin et d'Erik Satie.

L'entendant de son atelier, Diane, qui peignait, alla voir son frère.

-Tu le laisses faire cela ?

-Il joue bien. Je ne m'étais jamais rendu compte à quel point !

-Et ça ne t'ennuie pas ?

-On dirait qu'il est heureux. Il a le droit de l'être, ayant tout accepté.

Toutefois, quand le piano se tut, il fut soulagé. C'était bizarre tout de même. Le lendemain, il fut charmant avec ses hôtes, ayant déclaré avoir bien dormi. Après avoir déjeuné avec eux et beaucoup parlé, il accepta l'intimité de Daniel.

-C'est que mon appétit se creuse. Je te prends au matin d'habitude. Tout au moins pour une première fois...

-Je dormirai encore là-bas.

-Ah, mais pourquoi ?

-L'après-midi, n'est-ce pas bien aussi...

-Si mais la nuit est si propice au désir !

-C'est qu'il n'y aura pas de pause...

Niels rit. Mais en fin de journée, repu, il regagna les dépendances. Il se déplaça et choisit cette fois une chambre bien plus éloignée de la maison. Cela ne l'empêcha pas de danser solitaire dans la vaste salle où il avait la veille joué du piano. Il se rendit radieux. Parcourant les locaux, il trouva ça et là des bougies, des des parfums à brûler et des poèmes à lire. Le soir, dédaignant une invitation à dîner que lui faisait Diane, il emplit la grande salle de bougies, mit de la musique et attendit, rêveur. Des parfums brûlaient. Il avait apporté une couverture dans laquelle il s'enveloppa avant de se remettre à danser puis sans savoir pourquoi, il s'endormit.

 

 

10 octobre 2024

La Nuit de L'Envol. Partie 3. Etrangement guéri.

Pourtant, en janvier, Niels ne se réinstalla que brièvement chez Daniel. Il voulait partir sur la côte ouest. Ce n'était pas un désir vain. Puisqu'on l'avait évincé d'une très grande compagnie de la côte est, il pensait que l'ouest lui offrirait d'autres perspectives.

-Je quitte New York. J'aurais un engagement pour le Ballet de San Francisco.

-Comment cela ? Mais pourquoi ?

-Tu savais bien que je n'avais plus rien de concret à New York.

-Mais à l'ouest ? Tu n'es sûr de rien...

Dans l'appartement, ils parlaient un peu et faisaient l'amour avec intensité. Ils se jetaient l'un contre l'autre, poursuivant une jouissance presque bestiale qui, à coups sûrs, venait. Mais une forme d'étouffement l'accompagnait...

-Et comment ferais-je pour te voir ?

-Mais tu viendras !

-La Côte ouest !

-Mais oui.

Webster, en colère, menaça :

-Quand tu étais ici si docile, j'ai écrit sur nous. Je vais reprendre mon texte.

-Tu vas lui donner cette fois une forme réaliste ?

-Je pense, oui.

-Et tu feras passer ça pour du vécu ?

-On ne me croira pas, Niels, mais un réalisme presque méticuleux peut donner un éclairage très particulier à notre histoire...

-Où on essaiera de faire le lien avec un vrai danseur et un écrivain solitaire...

-Ce n'est pas un risque  ! Qui croirait cela ? Et de toute façon le roman n'est pas encore écrit...

-Oh alors mets toi au travail et tiens-moi au courant !

-Bien sûr.

Tout était amer. Niels s'en allait.

 

 

 

10 octobre 2024

La Nuit de L'Envol. Partie 3. Californie. Niels et sa troupe.

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Webster vient en Californie et découvre la petite troupe que Niels a montée. Ambiguités.

A Stanford,  Daniel s'efforça de tenir son rang. Il y avait beaucoup d'écrivains dont certains avaient une carrière bien plus prestigieuses que la sienne. Il ne fallait pas s'en laisser compter et se tenir sur ses postions. Il le fit. On lui trouva un esprit brillant.

Au volant d'une vieille voiture rouge, Niels vint le chercher. Qu'il était changé ! Il avait désormais beaucoup d'assurance, celle qui est liée au bonheur.

-Alors tu danses ?

-Une petite compagnie. Tu nous verras demain. C'est bien !

-Ton petit ami ?

-La quarantaine. Il croit en nous. Il a raison, tu verras.

-Ne fait-il pas plus que croire en toi ?

-C'est quelqu'un de droit. Il mérite le respect.

-Et l'amour ?

-Ne commence pas, Daniel.

Niels ! Sa beauté s'était affirmée même si elle restait un peu lunaire. Il n'avait pas commis l'impair de la mettre en avant comme garantie de son succès mais au contraire, il la contrôlait, gardant ses distances et aimant le silence. On devait le respecter d'être ainsi et le juger fascinant...

Le lendemain, comme convenu, il les vit sur scène . Quatre danseurs. C'était plutôt bien. Niels avait dérivé vers la danse contemporaine mais il rayonnait. Aucun faux pas. Impossible de ne pas être admiratif. Impossible également de ne pas être sensible à l'admiration que les autres danseurs lui portaient. Daniel en fut conscient quand il dîna avec eux. De façon singulière, pourtant, Niels était seul...

-Et lui ?

-Pourquoi le rencontrer ?

-Tu peux donc rester avec moi dans ce logement que tu m'as trouvé à Nob hill. Non ?

-Elle est incroyable, cette maison, tu as vu. Hitchcock aurait pu la filmer dans Vertigo...Cette façade jaune et ces grandes fenêtres...On s'attend à voir paraître Kim Novack, tu ne trouves pas ?

-Niels...

-Rester tout le temps avec toi, non.

-Cette nuit, tu peux. Alors, tu le fais.

10 octobre 2024

La Nuit de L'Envol. Partie 3. Passion réactivée.

 

En Californie, l'écrivain Daniel Webster retrouve le danseur Niels Lindhardt. Renouveau d'une passion charnelle.

Déjà, il l'attirait à lui et l'embrassait. Déjà, Niels lui répondait. Ils s'aimantaient comme jadis. Ils feraient l'amour toute la nuit.

Webster, qui avait pu se méprendre sur la réserve de son compagnon, était rassuré. Outre son compagnon attitré, il avait peut-être de nombreux partenaires de son âge. N'étant plus jeune, Lui, Daniel pouvait paraître fade...Il n'était peut-être plus le partenaire que Niels réclamait... Mais non, il était parti prenante.

-Je reste une semaine. On se voit tous les jours. Tu dors ici. Il faut que je te prenne le plus souvent possible.

-J'en ai très envie aussi.

-Niels, tu te souviens...

-Ne crains rien. Je n'ai rien oublié...Je t'en prie, embrasse-moi...

Assez curieusement, tout se passa bien. Niels et Daniel se mirent à beaucoup errer dans une ville splendide où tout était à découvrir. Le sexe revint entre eux, très violemment, les faisant se jeter l'un contre l'autre, s'embrasser, se lécher, se caresser, se prendre. Dans l'appartement, Daniel évitait les lumières fortes pour créer une ambiance étrange. Il avait débarrassé un dressing qui lui servait de salle pour leurs ébats et il y entravait Niels avant de le conduire graduellement au plaisir. A l'extérieur, il laissait le jeune homme trouver des endroits isolés où il arrêtait sa voiture pour ouvrir les vêtements de son amant et le caresser. Délaissant son compagnon, le danseur ne rentra pas chez lui, passant avec Daniel tout son temps. Il avait beau avoir changé, être admiré et affectivement sécurisé, il redevenait celui qui attire et l'autre celui qui prend dans ses filets. Au bout du compte, Niels ne comprenait même plus pourquoi il s'était tellement dérobé à celui pour qui il était fait.

-Il ne servait à rien de t'échapper ainsi.. .

-Non, à rien.

-Mais tu veux rester ici et danser ?

-Oui.

-Fais-le mais n'aie pas de compagnon.

-Je m'en séparerai.

Webster était content car il était parvenu à ses fins. Il avait capté toute l'énergie de celui qui s'était défendu de lui. Bientôt, il reviendrait en Californie pour le voir et Niels viendrait à son tour à New York. Au fond, tout s'agençait merveilleusement et l'un et l'autre firent des voyages pour se voir. Puis,de nouveau, tout fut remit en question.

 

10 octobre 2024

La Nuit de L'Envol. Partie 3. Tu es un miraculé !

Se sentant envoûté par une pianiste que, jadis, il a connue, Niels, jeune danseur classique, veut qu'on l'exorcise. Daniel Webster, personnage difficile à cerner, lui prête main forte...

Il vit clairement Irène dans la clinique où elle était. Elle venait de reprendre conscience sans que personne ne le sut et regardait autour d'elle.

-Madame...

Elle n'entendait pas.

-Madame...

Elle sembla comprendre, bougea les yeux, regardant à droite et à gauche.

-Me vouliez-vous du mal ?

Elle souriait légèrement.

-Me vouliez-vous du mal ?

Il attendit longtemps, conscient d'elle puis elle sourit en silence. Au même moment, Niels se sentit atteint. Malgré lui, il lutta. Il lutta toute la nuit. Elle grandissait en lui et se déchaînait, Daniel lui opposant de garder le danseur sous son ingérence. Niels semblait parfois hagard. La foudre l'avait frappé. Il haletait. Il se noyait. Il hurlait ou rampait dans les couloirs vides. Il n'y avait plus de lumière et l'air semblait se raréfier...

Ni Diane ni Daniel ne dormirent cette nuit-là parce qu'ils en étaient inquiets.

-Seigneur mais tu n'y vas pas ?

-Diane, il faut attendre l'aube.

-Mais pourquoi ?

-C'est ainsi.

Quand le jour pointa, Webster alla à sa rencontre et le trouva nu sur un lit. Niels était conscient et silencieux.

-Comment es-tu ?

-Elle s'est abîmée pour moi dans un sommeil sans fin pour moi mais dans l'hôpital où elle se trouve, elle a ouvert les yeux. Elle a repris conscience et cela me stupéfie. Elle est vivante ! Je suis si heureux !

-Oh, toi alors, tu es un miraculé...Les Américains aiment les retours en force, non ?

-Qui te dit que je n'en ferais pas un ?

Webster frémit. Qui de cette diablesse ou de ce beau danseur lui échappait le plus ? C'était rageant. Pourtant, les fêtes furent très agréables et la maison s'emplit d'invités. Mêmes les dépendances ouvrirent leurs portes. On parla d'art. On flatta Diane et Daniel et on félicita ce dernier d'avoir un si bel amant. Danseur et pianiste...

 

10 octobre 2024

La Nuit de L'Envol. Partie 3. Rejoindre Niels en Californie.

 

Webster, quant à lui, rongea longtemps son frein. Niels ne cédait pas et il ne voulait pas le poursuivre là où il semblait s'en sortir plutôt bien. Car il avait réellement fondé une troupe et faisait surface ! Tout de même, quand il reçut de l'université de Stanford une invitation à un séminaire d'écrivains, il sauta de joie. C'était la preuve que la singularité de son œuvre était prise au sérieux. Terridge en Enfer, publié à la hâte, plaisait. Daniel avait d'abord pensé sacrifier à la morale, faisant s'opposer un homme mûr et une femme jeune et jolie mais il s'était repris. Cette histoire, c'était une histoire d'hommes, non ? La femme qui y paraissait était une exaltée...

-Stanford ! C'est à Palo Alto. Très bien, Daniel, magnifique. Tu te décides enfin à t'extirper de Brooklyn...

-Je me déplace pour défendre mon œuvre mais il est vrai que je ne vais rarement aussi loin. Sur ma présence, quelle est ta position ?

-Que veux-tu dire par là ? Si je veux te voir, c'est ça ? Oui, si ce n'est que je travaille à San Francisco. Mais, c'est la Silicon valley, donc pas si loin que cela...Tu es logé par l'université, bien sûr...

-Bien sûr.

-Reste quand ton séminaire est fini. Ce sera plus simple pour se voir. C'est une ville superbe. Tu vas adorer.

La voix de Niels était ferme. Elle trahissait un grand contentement. C'est Webster qui disait oui, ce qu'il n' avait quasiment jamais fait. Du reste, il le tint au courant. Il s'était fait prêter un petit appartement à Nob hill, le quartier chic situé sur les hauteurs. Ceux qui y vivaient seraient à Paris aux dates où Daniel viendrait, ce qui était parfait. Qui étaient ces amis ? Webster n'en sut rien pas plus qu'il ne réussit à faire dire à Niels, qui serait très disponible pour l'accueillir, où se trouverait son compagnon pendant cette période. Il fut assuré de faire beaucoup de sorties, d'aller à des spectacles et d'être ébloui. Pour le reste, Niels ne fut pas bavard.

Voyant s'approcher le moment de son départ, Daniel se reprit en main. Il perdit du poids, se remit à faire de l'exercice et fit une croix sur le whisky. Même si les photos de presse étaient flatteuses, il savait s'être laissé aller. Or, Niels rayonnait.

 

 

8 octobre 2024

La Nuit de L'Envol. Partie 3. Vous êtes mort et je vous ai redonné vie.

 

A San Francisco, Niels reçut une lettre de France. Elle était signée Irène Diavelli.

Mon bien cher Raphaël

Mon bien cher Niels,

Il y a longtemps, je vous ai rencontré à Cannes où vous appreniez la danse. Je n'ai jamais cessé de penser à vous et ma vie est marquée par la vôtre, alors que ne nous sommes jamais retrouvées.

J'ai été une virtuose du piano avant de voir ma carrière fléchir. Elle a fini par renaître mais ce n'est pas la lassitude qui y a mis un nouveau terme, c'est la maladie. Je suis entrée dans une longue nuit et des années après, j'ai repris conscience.

Me pardonnerez vous d'avoir rêvé de vous, d'avoir voulu être vous ?

Comprendrez-vous qu'en vous je voulais être la musique quand vous étiez la danse ? Je n'ai rien contrôlé, croyez-moi.

Vous étiez retourné au Danemark et de là, vous êtes parti en Angleterre où vous avez dansé merveilleusement. Et puis, vous êtes monté dans un avion pour Boston et vous êtes mort avec tous les autres passagers quand votre long courrier s'est écrasé au sol...

Je ne voulais pas que votre vie se termine ainsi. En devenant vous, je l'ai fait autre, cette vie.Vous avez pris un autre avion qui, lui, est arrivé à bon port et vous avez pu travailler pour une des meilleures compagnies de danse de monde. Voyez comme vous avez brillé ! Je vous ai conduit vers bien des sommets, jeune danseur et vous l'avez eu, votre rêve américain ! Du moins partiellement car un jour, je suis sortie de vous. J'ai su alors que j'avais dû être blessante. Quelque chose me dit que tout va moins bien...

J'aimerais vous rejoindre de nouveau, ne serait-ce qu'en pensée, afin, qu'entre la terre et le ciel, vous soyez Envol. Et je ne doute pas que vous le soyez !

Croyez que rien ne peut vous atteindre si vous êtes à la fort et aérien et que ce désir que j'ai de vous rejoindre n'a rien d'égoïste. Je le fais déjà sans vous voir...Vous ne souffrirez jamais de rien avec moi..

 Raphaël qui ne vouliez pas de votre prénom, qui est pourtant celui d'un ange...

Niels qui vouliez tant vous imposer.

Fermez vous à toute influence extérieure qui pourrait nuire à ce que vous êtes et écoutez en vous ce chant intérieur qui vous dit quoi faire.

 Soyez libre. Ou plutôt, continuez de l'être.

 

Irène.

 

8 octobre 2024

La Nuit de L'Envol. Partie 3. Les dès ne seraient pas joués...

 

Une lettre d'Irène vient troubler Niels, le danseur que l'écrivain Daniel Webster a conquis. Ainsi, tout ne serait pas joué...

Elle devait être dans le sud de la France, avait contacté Monica par laquelle la lettre était arrivée. Elle donnait son adresse. Il pouvait l'appeler. Éperdu, Niels se dit qu'il ne lui restait plus qu'à partir pour la France. Retrouver cette femme éprouvée, voilà ce qu'il devait faire. Il en profiterait aussi pour voir sa mère à Paris. Elle lui lançait depuis longtemps des appels timides mais il se rétractait.

Toujours confiant, il pensa que sa rectitude et son sens de l'obéissance suffiraient à aveugler Daniel. Mais ce dernier était si apte à discerner le moindre changement d'état d'esprit chez son jeune amant qu'il fut immédiatement aux aguets. Que tramait Niels qui semblait soucieux de s'isoler pour téléphoner et envoyer des messages ? Le danseur habitait désormais un grand deux pièces dans le quartier du Castro. En son absence, Daniel y prenait ses aises. Il y fouillait souvent et discrètement, redoutant que Niels lui cache quelque chose. A la lecture de la lettre, il fut pris de fureur et annonça à Niels son immédiat départ pour la France.

-Mais comment ça, tu pars ?

-Des idées pour un nouveau roman.

-Tu veux écrire un roman qui se situe en France ?

-J'ai ça en tête mais on verra. De toute façon, les Américains adorent ce pays. Tu ne savais pas ?

Le danseur était très ennuyé. Il avait lui-même un billet.

-Quoi ? Tu ne dis rien.

-Daniel, j'ai renoué avec ma mère. Tu sais, elle est guérie mais pas si bien portante.

-Et tu as pris tes dispositions pour la revoir ?

Niels rougit violemment mais son amant le prit dans ses bras et le cajola.

-C'est naturel. Tu iras la voir. Nos dates ne concordent pas et je ne serai pas avec toi.

Webster affichait un air sûr de lui qui était assez intriguant. Mais en même temps, Niels ne pouvait que faire profil bas. L'important était qu'il le laissât aller en France et ne s'enquit pas d'un projet autre qu'un séjour à Paris. Les livres de Daniel se vendant très bien, il gagnait de l'argent. La troupe de Niels en manquait parfois et l'écrivain fournissait des aides substantielles. En outre, il était aimant à sa manière rugueuse et autoritaire et au delà des rituels et des manies étranges, le danseur prenait la mesure d'un tel attachement. Il était sombre mais réel.

 

8 octobre 2024

La Nuit de L'Envol. Partie 3. Webster et son étrange roman.

 

 

3. Un roman sulfureux.

Daniel passa des mois à écrire et remania son texte, comme il l'avait dit. Sous couvert de lui fournir un roman totalement inattendu, il avait demandé une avance à son éditeur. La nuit se confondit avec le jour et le jour avec la nuit. Il produisit un roman lourd de sens à l'atmosphère étrange et sulfureuse et le transmit dans les temps à sa maison d'édition. Richard Edwards, son éditeur, fut suffoqué.

-Monsieur Webster, croyez-vous que le récit que vous faites de ce désenvoûtement d'un jeune artiste par un homme mûr soit crédible ?

-Oui, il l'est.

-Peut-être l'est-il pour vous, je ne connais pas votre vie, mais pour les lecteurs, ce sera un peu fort. Le narrateur chasse du corps de ce jeune homme un mauvais esprit qui a pris la forme d'une femme mature en lui faisant l'amour de manière forcenée...

-Oui.

-Il le remplit de sa substance, ce que cette démone ne supporte pas. Je vous résume.

-Oui.

8 octobre 2024

La Nuit de L'Envol. Partie 3. Webster, homme public après son roman sulfureux...

Webster, écrivain encore marginal, estime avoir désenvoûté un jeune homme hantée par une femme maléfique. Sur cette expérience, il a écrit un roman...

L'éditeur se racla la gorge.

-Admettons que ce soit autobiographique...

-Oui ça l'est mais pas exactement cette forme...

-Je ne peux publier ce version, d'abord pour le sujet tel que vous le traitez ensuite pour son écriture qui est bien trop touffue et pour tout dire, maladroite.

Webster, quoique décontenancé, ne se découragea pas.

-Toutefois, ce qui est la base du livre vous plaît ? Je veux dire l'envoûtement d'un jeune artiste par une pianiste aux abois et sa guérison par une sorte d'exorcisme  conduit par un homme mûr ?

-Oui, mais là, c'est une trame bien plus classique.

-Certainement. Je garde le danseur et la femme.

-Et, si je puis me permettre, que vous faites-vous de cet amant-guérisseur ?

-Sa sexualité est gênante, vous avez sans doute raison. Je vais tout réécrire.

-Vraiment ?

-Oui vraiment.

Et il le fit. Il écrivit une manière de roman gothique qui se déroulait au dix-neuvième siècle dans une grande université américaine. Le danseur était devenue un étudiant, la pianiste démente, une femme de la bonne société qui était amené à faire la connaissance de ce jeune et beau boursier et le guérisseur un gentleman solitaire qui menait une vie d'études et de contemplation dans une belle gentilhommière. Il situa l'action dans le Massachusetts et fit de solides recherches tant sur le mode de vie local à cette époque que sur les pratiques universitaires que sur les magies noires et blanches. Sobre dans sa longueur, ce roman avait un caractère flamboyant qui saurait plaire. Pour qui lirait entre les lignes, il était clair que le bel étudiant et le très stylé gentleman s'aimaient chastement mais que c'était faute de mieux. Quant à la femme mûre qui s'était mêlée de désirer un homme jeune, elle ne pouvait, pour l'époque, n'être une pécheresse, une femme à l'esprit égaré que toute morale avait quitté alors qu'elle offrait des symptômes qu'un psychanalyste aurait décryptés. Enlevé, très bien écrit, le roman plut. Toutefois, malgré les mises en garde de Richard Edward, Daniel ne mit pas au rebut son premier texte mais le remania. Refusant de gommer son caractère érotique, il le renforça au contraire. La passion entre ces deux hommes dont l'un voulait sauver l'autre, n'en paraissait que plus brutale et les raisons de la maladie du plus jeune plus obscures. Cette fois, un éditeur plus ouvert que le premier accepta son texte, escomptant que la verdeur de nombreux passages seraient contrebalancées par une analyse sociale habile de la New York d'aujourd'hui et que la possession nettement métaphorique d'un jeune homme soucieux de faire carrière par une femme puissante qui rêvait de le transformer pouvait renvoyer à des situations très concrètes. Il faut dire que le danseur était devenu un jeune acteur, la femme une productrice de télévision et l'homme mûr un scénariste.

Ainsi, en ayant produit sur le même thème un roman historique où le Gothique était une référence très claire et un autre qui était à cheval sur le polar et le roman psychologique, Daniel Webster faisait mouche. On parla de lui plus encore qu'auparavant. Malheureusement pour lui, ce qui s'opérait si facilement dans ses romans, avait échoué dans la vie. Niels lui manquait terriblement et il errait seul dans son bel appartement qu'un temps le danseur avait transformé par sa présence. Pourtant, au début de son séjour en Californie, l'appela souvent, donnant ainsi un gage de son attachement :

-Comment ça se passe ?

-Une ville incroyable ! Et la Californie !

-Tu danses ?

-Non, mais je travaille d'arrache-pied. J'ai déjà été vendeur, barman et là je suis libraire...

-Tu as ton sens commun ?

-Oui. Daniel, c'est toi qui m'as cru perdu pour la danse. C'est faux.

-Ah ?

-Oui « ah ». Je danserai de nouveau. D'ailleurs, tu pourras le constater par toi-même...

 

 

8 octobre 2024

La Nuit de L'Envol. Partie 3. Juste non ! Reviens !

 

Niels est une sorte de miraculé. Il a survécu à un désenvoûtement difficile. Installé en Californie, il tente d'y attirer Daniel Webster qui est pour beaucoup dans son évolution...

-Venir en Californie ?

-Et t'arracher à Brooklyn, oui...

Au fil du temps, comme Daniel, très occupé par les derniers ajustements à la seconde mouture de son roman, se montrait peu loquace, le jeune homme espaça ses appels. L'écrivain en fut blessé. Il s'était cru si fort...Toujours très amoureux, il refusait de quitter son territoire et d'aller voir son jeune compagnon. Ne pouvant plus le prendre presque brutalement, le faire gémir de plaisir et s'enivrer de sa semence, il déclinait. Il trouva quelques expédients sans intérêt. Il eut des amants de passage. Mais Niels lui avait enlevé l'essentiel : sa peau, sa bouche, son anus, sa salive, sa pisse et son foutre...Au fond, Webster en était arrivé à ce qu 'il trouvait dérisoire chez les autres. Vouloir se contenter de coontacts physiques puisqu'il n'y en a plus qu'un qui aime...Si Niels était resté à New York, il se serait abaissé à cela, quoi qu'il en dise...

Toutefois, Niels n'était pas hors d'atteinte. Ne se souciant pas du décalage horaire, le jeune homme appela une nuit.

-Je viens de finir ton dernier roman. Excellent, vraiment !

-Celui qui était ensorcelé...

-Daniel ! Cette idée de faire de notre histoire un roman gothique...C'est...C'est brillant, tu sais. Je suis désolé de t'avoir raillé.Tu n'as pas pu tout dire, je le vois bien, mais ce que tu as écrit m'a terriblement touché. Tu as un vrai talent d'écrivain !

-Ah, tu t'en rends compte !Il est vrai que tu as du temps pour lire ! Toujours dans ta librairie ! Alors sache que j'ai presque terminé une version plus conforme à la vérité de notre histoire. Terridge en enfer.Tu la lirai ?

-Bien sûr mais pas dans la librairie. Je n'y travaille plus.

-Les Ballets de San Francisco ?

-Je n'y ai pas passé d'audition. Pas la peine d'être moqueur. Non, j'ai rencontré d'autres danseurs. On forme une petite troupe. On crée des chorégraphies.

-C'est mieux ?

-Oui, c'est mieux. Ce sont de vrais danseurs comme moi. Ils sont solides et créatifs ! On peut faire quelque chose de bien. Et puis, tu peux prendre l'avion ! Tu peux venir !

-On te touche, on t'embrasse, on te caresse, je le sais. Qui est-ce ! Qui est-ce ! Niels, ça me met mal à l'aise, tu es au cœur de tout ça. C'était une tempête, tout était si difficile, souviens-toi...

-Je me souviens.

-Alors pourquoi non !

-Juste, non. Reviens.

Mais Niels, qui tentait sa chance après un grand revers, ne pouvait plier. La nuit où il avait pour la seconde fois les dépendances à Albany, il était allé au bout de lui-même. Irène, vivante, s'éveillait. Elle n'était plus en lui mais le guidait.

 

 

8 octobre 2024

La Nuit de L'Envol. Partie 3. Une maison d'accueil dans le sud.

 

Malade et amnésique, Irène est transférée dans une maison de repos du sud de la France.

A son réveil à l'hôpital, elle n'avait rien compris. Tout était blanc et calme. Elle avait ouvert les yeux et éprouvé une grande surprise. Niels lui demandait de l'aide. Ce n'était rien : il fallait le faire. Ce bel ange, ce Raphaël ! Les infirmières la découvrant une à une s'étaient mises à parler fort et à téléphoner, défaisant le dialogue qu'elle entretenait avec le danseur. La surprise était grande. Au bout de plusieurs années, il arrivait bien qu'un de ces patients plongés dans l'inconscience se réveille mais à priori, ce phénomène surprenait toujours. Irène fit donc l'objet de grands soins. Elle était en quelque sorte une miraculée. On lui fit subir de très nombreux examens, puis on la confia à sa sœur Catherine et à son fils, arrivé en hâte. Tous deux se chargèrent de trouver un hébergement pour elle. La solution se profila avec une amie de jeunesse qui vint la voir. Ayant suivi sa carrière, elle avait su sa maladie. Devenue médecin, elle s'intéressait depuis longtemps à ceux qui, comme Irène, connaissent un traumatisme qui les fait sortir de la vie tout en les y laissant. Tous, en revenant à la réalité, n'avaient pas les mêmes réactions mais en voyant Irène, elle comprit qu'une réadaptation à une vie à Paris serait impossible. Quand bien même elle retrouverait quelques repères, elle aurait peur de tout...

 Elle suggéra une maison d'accueil dans le sud de la France, près de Cotignac, dans le Var. Irène y mènerait une vie tranquille dans un cadre enchanteur. Il y a avait là du personnel médical certes mais la plupart étaient des religieuses qui avaient fait des études.

Cette proposition fit sursauter Catherine. A sa connaissance, sa sœur Irène n'avait jamais eu vraiment la foi et puis, le Var, c'était loin. Pierre, qui n'était pas sans conviction religieuse, trouvait l'idée tentante mais cette Marianne Sauveterre sortait de nulle part. Il n'avait jamais entendu parler d'elle et se méfiait. La Marianne en question avait prévu les attaques qu'elle recevait. Elle montra des photos où Irène et elle avaient dix puis douze ans, et jouaient au sortir de l'école. Jeunes adolescentes, elles étaient encore amies et, séparées par un grande distance puisque Marianne était partie dans le sud, elles s'étaient longtemps écrit. Sans rien ajouter de plus, elle laissa une brochure de l'institution qu'elle recommandait et plusieurs numéros de téléphone où la joindre.

Irène ayant paru heureuse en voyant des photos de Cotignac, on en conclut qu'elle souhaitait y aller. Pierre fit une visite rapide dans des lieux qui lui plurent et il y retrouva cette madame Sauveterre qui se montra très attentive. Après avis médicaux, Irène fut transférée dans cette belle institution varoise où d'emblée, elle fut paisible.

Elle se mit à lire et à marcher. Elle joua du piano et aida au jardin. Confusément, elle retrouva peu à peu des bribes de sa vie, se revit enfant à Paris puis jeune fille quand elle étudiait farouchement la musique. Elle renoua avec ses deux mariages, avec ses succès et ses insuccès passés et au fil du temps, elle put reconstituer son histoire. A quelques détails près cependant. Concernant Cannes, elle retrouva bien dans sa mémoire l'Académie Fontana rosa et l'appartement qu'elle occupait alors. Elle se remémora les six jeunes gens promis à un bel avenir de danseur, pour lesquels elle avait joué du piano pendant les cours mais concernant Anaïs et Niels, elle se souvint juste qu'elle les aimait plus que les autres. Dommage qu'elle les ait perdus de vue !

 

 

8 octobre 2024

La Nuit de L'Envol. Partie 3. Cotignac. Irène. Elle avait repéré Niels très jeune.

 

A Paris elle avait repris sa carrière puis était tombée malade. Une enterrée vivante, une vivante morte, voilà ce qu'elle avait été des années durant et c'était tout.

Martine Sauveterre qui cherchait toujours à savoir ce qui était vraiment arrivé à ses patients pour qu'ils perdent ainsi toute conscience, aurait sans doute repéré quelques indices utiles à une meilleure approche d'Irène si elle avait eu connaissance de deux romans américains traduits en français qui abordaient le thème de la possession démoniaque. Un jeune homme brillant mais vulnérable, une femme qui était aux abois et un homme prêt à contrer les forces de l'ombre, voilà qui aurait pu faire naître un sursaut chez Irène. Il lui était arrivé quelque chose de terrible que son amnésie occultait mais qui sait ? L'esprit humain est tortueux, elle finirait par parler...Cette ténacité finirait par porter ses fruits. Et ce serait le cas en effet quand, au terme d'un cheminement tortueux, Irène finirait par rendre limpide tout ce qui était confus...

Irène était depuis deux ans à Cotignac quand le visage de Niels Lindhardt s'imposa à elle. Il était tel qu'il était à dix-huit ans. Un beau visage adolescent aux yeux clairs et à l'expression décidée. Elle eut soudain l'intuition que ses relations avec le jeune homme ne s'étaient pas limitées à Cannes mais que l'un et l'autre étaient restés en contact pendant quelques années. Mais sous quelle forme et pendant combien de temps ?Les souvenirs d'Irène allant se précisant, elle se remémora des articles lus sur ce Niels Lindhardt devenu danseur à Londres. C'était une femme, un Danoise qui parlait dans un magazine. Elle avait repéré Niels très jeune et l'avait beaucoup aidé. Cette femme...Elle revoyait son visage...Oui, une belle blonde au visage un peu marqué par le temps. Le genre à tomber amoureuse d'un danseur très jeune et à...à...Le cœur d'Irène s'était mis à battre violemment. Amoureuse mais à sa manière elle l'avait été aussi de lui, peut-être pas comme cette femme car elle avait eu peu de relations avec lui mais tout de même...Oui, elle avait tenté de suivre sa carrière. Il avait essayé de la voir à Paris, laissant des messages sur son répondeur...Il était vraiment beau...Après Londres, il était parti à New York. Et là, il y avait quelque chose qu'elle n'avait pas supporté...Et elle avait, elle avait fait quelque chose...Mais quoi ? Tout s'embrouillait.

DC2

Elle poussait des cris, elle repoussait des chairs, elle lui faisait du mal, elle l'entendait geindre, se plaindre, tenter de comprendre...

Comprendre quoi ? Elle avait été très malade tandis qu'il dansait et se faisait applaudir...Sauf s'il y avait autre chose...Mais quoi ? Il lui fallut un peu de temps encore pour que tout revint. Boston, l'avion qui s'était écrasé. Elle s'était glissé dans son corps et avait reculé le temps. A l'aéroport, il guettait son vol pour New York. Oui, c'était cela ! Raphaël ! Niels ! Et la-bas, il y avait quelqu'un qui s'en prenait si volemment à lui...

 

8 octobre 2024

La Nuit de L'Envol. Partie 3. Retourner à Cannes. Les traces du passé. Niels.

 

4. Temps d'exil et d'affrontements.

Il arrivait encore à Irène de jouer les Gymnopédies d'Eric Satie car elle les aimait et il y avait toujours quelqu'un autour d'elle qui était heureux qu'elle le fasse. Elle vivait dans une grande quiétude auprès de personnes que la vie avait éprouvée. Elle prenait davantage soin d'elle, se faisait teindre les cheveux et fardait ses lèvres désormais et puis, elle mettait de l'eau de toilette. Ses moyens financiers (elle avait vendu son appartement parisien) lui permettaient de louer une chambre et un salon dans la résidence et elle avait même un petit jardin privatif. Son fils venait en famille de Milan pour la voir et désormais elle était familière de ses petites filles, qu'elle choyait. De toute façon, on la laissait peu seule. Marianne Sauveterre, venait souvent la voir. En Irène, elle aimait l'artiste, amoureuse de la musique et souhaitait qu'elle continue de l'aimer. Elle était depuis deux ans à Cotignac quand il recontacta un danseur auquel elle estimait avoir fait du mal. Il lui répondit qu'il viendrait. Elle l'attendait.

Depuis quelques temps, elle faisait des excursions. Ce jour là, elle voulut aller à Cannes pour un week-end avec Martine et là, elle revit les vieux quartiers qu'elle avait aimés et erra autour de l'académie Fontana Rosa. Le passé lui sautait au visage.

-Comme tout cela est loin !

-Mais c'était beau …

-Ah oui, très beau. Je suis nostalgique de cette partie de ma vie.

L'envie lui prit de s'acheter des livres pour aller les feuilleter à leur hôtel. Il y avait longtemps qu'elle n'avait plu lu de littérature fantastique et pour avoir des idées, elle s'adressa à une jeune vendeuse.

-Eh bien, lui dit celle-ci, si vous n'êtes pas fâchée avec ce qui est macabre, je vous conseille Celui qui était ensorcelé de Daniel Webster. Ça se passe au dix-neuvième siècle, dans une université américaine et c'est très bien ficelé. Une histoire d'envoûtement mais pas conventionnelle...

-Oui, c'est bien. Webster...Je suis ignorante vraiment...Il est connu ?

-Il s'est fait un nom !

-Qu'a t'il écrit d'autre récemment ?

-Il a écrit un autre roman qui se vend très bien Terridge en enfer. Le héros se nomme Rob Terridge. C'est aussi une histoire de manipulation...

-Voilà un écrivain qui choisit des sujets bien lugubres !

-Il écrit magnifiquement.

-Je vous prends au mot.

 Elle ne lut rien à Cannes, occupée qu'elle était à marcher et à se remémorer sa vie ancienne. Elle revit le port, la partie ancienne de la ville et l'académie Fontana rosa qui était fermée pour cause de travaux. Elle dîna dehors avec Martine.

Au retour, puisqu'elle était au calme et avait envie de nouveauté, elle entama la lecture du roman gothique de Daniel Webster et fut suffoqué. Ce n'était rien de dire qu'il avait du talent...Quelle noirceur et soudain quelle lumière ! Ce gentleman versé dans l'art de l'exorcisme était un bienfaiteur ! Le beau jeune homme lui devait son salut et son heureuse vie à venir...

 

8 octobre 2024

La Nuit de L'Envol. Partie 3. Irène face à l'univers romanesque de Webster.

 

 

Irène, en convalescence, découvre l'univers romanesque de Daniel Webster. Elle ignore bien sûr les liens qui existent entre l'écrivain et Niels, le danseur qui l'a tant marquée.

Quant à l'autre roman, elle le trouva très bien écrit mais étouffant. Il fallait avoir de l'audace pour faire passer la guérison du jeune héros par l'abondance de rapports sexuels qu'il avait avec son thérapeute. Tout le texte reposait sur l'enfermement et la frénésie érotique. La nuit était omniprésente. Irène admira le travail du romancier mais resta critique sur la tonalité strictement homosexuelle de l'univers décrit et sur la misogynie qui le sous-tendait...

Sur chacun des livres, figurait une photo de l'auteur. Assez bel homme, ce Webster, mais personnage singulier. Gay à l'évidence mais traçant se route seul. Respecté comme écrivain mais apparemment peu mondain...Intriguée, elle chercha à en savoir plus sur lui. Il écrivait depuis longtemps et cultivait le mystère autour de sa personne. Il avait une sœur nommée Diane, qui était peintre. Irène se renseigna sur elle-aussi. Douée. Univers étrange mais très construit. Elle peignait des villes ou des personnages se promenaient nus. Ils avaient des têtes d'animaux. Elle venait de réaliser une série de portraits où elle reprenait cette dualité. Cette fois, la personne était représentée avec un tête d'animal mais un buste humain. Dans ses bras, elle tenait sa tête humaine. Curieuse démarche. Une douzaine de portraits étaient présentés. Irène les passa en revue. Le dixième représentait un jeune homme torse nu doté d'une tête de faucon. Son visage au teint pâle, aux grands yeux gris-bleu et à la chevelure blonde et bouclé, était d'une beauté troublante. C'était celui de Niels Lindhardt.

Niels...Celui qui s'appelait Raphaël au début. Dieu guérit.

C'était un portrait qui datait de trois ans. Ainsi, le danseur était aux États-Unis et connaissait la sœur de l'écrivain. En poursuivant ses investigations, elle finit par tomber sur une photo où Niels posait entre Diane et Daniel Webster. Une fête quelconque à Albany, dans l'état de New York, il y avait déjà plusieurs années. Le danseur avait l'air fatigué, presque anémié. L'encadrant, les deux Américains portaient beaux et paraissaient presque arrogants...

Des carnassiers...

 

8 octobre 2024

La Nuit de L'Envol. Partie 3. Niels : une belle trajectoire.

Irène Diavelli se relève d'une grave dépression. Elle se souvient du danseur Niels Lindhardt...

Restait à consulter le site de Niels car elle ne doutait pas qu'il en eut un. Présentation classique. Belles photos. Parcours brillant d'un virtuose de la danse mais rien de plus. Il jouait la carte de la sobriété. Continuant ses recherches, elle tenta d'avoir une vision globale de sa carrière. Formé au Danemark et en France, il avait fait un sans faute en Angleterre. Aux Usa, ça paraissait plus compliqué. Après New York et le Ballet de San Francisco, il y avait un trou inexplicable. Que lui arrivait-il ? Le visage de Niels Lindhardt s'imposa à elle. Il était tel qu'il était à dix-huit ans. Un beau visage adolescent aux yeux clairs et à l'expression décidée

-Surtout, ne fléchis pas ! Reste un danseur !

Entendrait-il ?

Elle était encore perplexe quand Martine lui apprit la nouvelle :

-Cet écrivain américain dont tu as acheté deux livres, tu sais qu'il est sur la Côte d'Azur ? Il serait même à Cannes dans quelques jours. N'est-ce pas étonnant ?

Irène ne répondit rien. Elle était déroutée. Tout était étouffant chez Webster. Cependant ce fut la même Martine qui lui dit :

-Oh, il fera des signatures ; cela pourrait être amusant.

Irène finit ses lectures et Martine réserva de nouveau un hôtel.

 

8 octobre 2024

La Nuit de L'Envol. Partie 3. Une dédicace et une rencontre. Irène et Webster.

 

Irène tient à aller à Cannes. Sans connaitre le rôle que Webster joue dans la vie de Niels, elle souhaite voir celui-ci car il dédicace ses livres...

Au jour dit, elles gagnèrent la librairie où officiait l'écrivain américain. Assis derrière une table, des piles de livres montant de chaque côté de lui , il avait l'air sombre. Malgré tout, il portait beau et il était, dans son costume noir, d'une insigne élégance. Elle s'approcha, intimidée et lui tendit son exemplaire. Il parlait à priori suffisamment de français pour se débrouiller seul et planta ses yeux sombres dans les siens.

-Vous aimez Terridge en Enfer ?

-Oui.

-Mon traducteur français est brillant.

-J'aurais pu le lire en anglais mais oui, la traduction est élégante.

-Élégante, c'est le juste mot.

Webster avait une façon étrange de la regarder.

-Pour qui dois-je signer ? Lui demanda -t'il en lui adressant un sourire poli.

-Irène Diavelli. Vous parlez bien français.

-Non, pas très bien. Niels parle bien. Niels Lindhardt.

Irène sursauta. Il allait droit au but. Le danseur...

-Je peux écrire en anglais, madame ?

-Oui...

Il lui tendit le livre. Ce n'était pas une dédicace qui y figurait mais l'adresse d'un hôtel et un numéro de téléphone, suivis de la mention : Niels ne sait pas mais moi, je sais. Nous devons nous rencontrer le plus vite possible.

Tremblante, Irène referma le livre tandis que Martine, qui avait elle-aussi acheté un roman du même auteur, le faisait elle-aussi dédicacer. Le lendemain matin, Irène trouva un prétexte pour marcher seule et son amie la laissa faire. Webster avait élu domicile dans un hôtel élégant. Il lui demanda de monter dans sa chambre. Celle-ci était élégante sans ostentation mais Webster l'avait comme imprégné de sa hargne.

CHAUSSONS 3

 

-Vous pouvez me parler de Niels ?

Il la regarda avec mépris.

-Bien sûr. Il est à San Fransciso et a renoncé à une belle carrière. A cause de vous. Mais enfin, il semble assez heureux. Je fais tout pour qu'il le soit.

-On dirait que vous me détestez.

Elle avait laissé le français pour l'anglais car il était plus adapté à la situation.

-C'est le cas.

Elle étouffa un cri.

-Je l'admirais, je voulais le connaître davantage et l'impressionner...Cette grâce adolescente n'est qu'un passage....J'étais fascinée par elle...Il avait une ligne de vie courte, lui qui était si doué et si beau ! Pourquoi aurais-je accepté cela ? Je lui ai donné une nouvelle chance, voilà tout. A Paris, il voulait me voir. Je me croyais détachée de lui. Il dansait à Londres.Je ne croyais plus en ma carrière. J'ai commencé à être malade...Des rêves de pénétration, d'intromission...Être lui...Pour le faire grandir, pour vivre au cœur même de sa beauté et découvrir les mystères de son art...Traverser l'espace, l'air...Lui donner une autre vie...

-Et vous l'avez fait ? Je fais partie de ces hommes qui n'aiment pas les femmes. Vous êtes là à cerner celui qui fera un bon mari ou un nouveau mari, à choisir un amant puis sur le tard à chercher des substituts. Évidemment, celui qui est jeune et beau suscite votre intérêt...

 

4 octobre 2024

La Nuit de l'envol. Partie 3. Webster et Irène. Confrontation violente. (1)

 

 

Cannes. Rencontre entre Webster et Irène. Confrontation violente. Rancœur de l'écrivain.

-Vous pensez que je lui faisais du mal ? Comment pouvez-vous penser cela ? Il faut qu'il ait une détestation totale de la femme pour mettre ainsi Niels en garde contre moi. Je n'aurais jamais fait de mal à ce jeune homme que je vénérais. Je n'étais pas en lui pour cela !

-Ah ?

-Et puis...

-Et puis ?

-Ah, j'ai lu vos deux romans et j'y vois clair maintenant. Vous vous êtes insurgé contre moi et vous l'avez contraint à vous obéir. Vous l'avez séquestré, celui que j'aimais d'un amour pur et filial, et l'avez soumis à vos fantaisies !

-Mes fantaisies ?

-Oui, vous faites partie de ces gens qui se livrent à d’écœurantes parades sexuelles. Mais enfin, comment peut-on réduire un être jeune et beau à une telle dépendance !

-Il m'aime et je l'aime. Nous faisons souvent l'amour. Ça vous pose problème, on dirait...

Le cœur d'Irène se mit à battre violemment. Amoureuse mais à sa manière elle l'avait été aussi de Niels et le restait.

-Il est vraiment beau.

-N'est-ce pas !

-C'est un artiste, un vrai et j'en ai été une aussi. Les gens comme nous n'ont pas les mêmes repères. La musique s'inscrit dans l'espace et le temps et elle a un caractère fugitif,comme la danse classique. Un virtuose du piano ou du violon va créer un moment unique dans la vie d'un spectateur comme un danseur de haut niveau pourra le faire en remplissant la scène de ces figures compliquées et de ces sauts qui créent l'extase...Niels et moi pouvons trouver un point de confluence …

-Je suis un écrivain. Et même un bon écrivain. Oui, je sais, madame, je bâtis une œuvre qui vous conforte dans l'idée que mon enfer personnel est presque construit. Encore quelques touches...Je m'autodétruis et vous comptez triompher, vous qui étiez presque morte ! Mais contrairement à ce que vous pensez, je suis un artiste moi-aussi et je comprends Niels bien mieux que vous !

4 octobre 2024

La Nuit de L'Envol. Partie 3. Webster Irène. Confrontation violente (2)

 

desenvoutement

A Cannes, Webster se heurte à Irène Diavelli qui, selon lui, a envoûté Niels. Il l'intimide...

Elle était hagarde :

-Que je n'ai jamais su ce qu'était l'amour avant Niels ? Cette question ne m'offusque pas. Mes deux maris ont été de bons partenaires mais c'étaient des hommes faits. Aimer un adolescent comme Niels, ce n'est pas la même donne. Mon fils ? Mais bien sûr que je l'aime. Ne confondons pas les plans. Le point de confluence, l'absolu, vous savez ce que c'est !

Il s'avançait vers elle, mauvais.

-Je me moque de votre amour et je veux que vous cessiez d'appeler à vous celui que j'aime.Habiter le corps de Niels un temps était pour vous la concrétisation d'un rêve. Oui, vous vouliez parfaire sa carrière mais vous l'étouffiez. Vous alliez le mettre à mort.

-Jamais.

Webster la gifla.

-Je peux te tuer, ici, Irène, moi, ça ne me fait rien...Et ce sera très facile.

-Vous allez m'étrangler ?

Il rit.

-Quelle femme stupide ! Je jette des sorts moi-aussi et crois-moi, tu ne pourras pas t'en tirer. La médecine ignore ces choses-là. Ma sœur et moi, avons un grand pouvoir.

-Des sorciers.

-Contre une sorcière sans grande envergure...

Elle éclata en sanglot. Webster se pencha vers le fauteuil où, décomposée, elle cachait son visage dans ses mains.

-Tu t'engages à ne plus le poursuivre ?

-Il veut me voir.

-Oh et tu veux le voir, toi-aussi. Soit, il viendra. Dis lui que tu lui joueras Satie. Fais ta gentille. Et c'est tout. Une rencontre, une seule. A chaque tentative pour faire autre chose que ce que je veux, je te frapperai ; Tu t'affaibliras. Et crois-moi, tu cesseras de récidiver...

-Il aurait dû mourir dans un avion pour Boston qui s'est écrasé !

-Il a pris celui de New York ! C'est au moins une belle chose que tu as faite pour lui...Maintenant, laisse-moi.

Et la tirant par le bras, il la guida vers la sortie.

Retrouvant Martine, elle se dit fatiguée mais elle eut assez d'aplomb pour se promener dans Cannes l'après midi et dîner avec son amie le soir. Elle avait mesuré le pouvoir de Webster. Il lui avait pris Niels. Mais elle avait la musique...

 

 

4 octobre 2024

La Nuit de L'Envol. Partie 3. Niels et Webster. Où il est question d'Irène...

 

Webster quitte la France. Retrouvailles avec Niels. Il est question d'Irène...

De retour aux États-Unis, Daniel se rendit directement à San Francisco où il retrouva son compagnon. Celui-ci était content à juste titre. Sa petite troupe se faisait un nom.

-Tu es allé à Paris ?

-Bien sûr, j'y ai vu mes amis.

-Les Américains n'aiment que Paris.

-Je suis allé à Cannes aussi.

Stupéfait, Niels le scruta. Au fil du temps, il avait appris à connaître les tours des Webster.

-Pourquoi Cannes, Daniel ?

-Tu ne le sais pas ?

Le danseur devint d'une extrême pâleur.

-Tu l'as vue alors. Tu lui as fait du mal.

-Non.

Niels hocha la tête.

-Tu dis non comme tu dirais oui. Pourquoi ! Pourquoi ! Ne suis-je pas épris de toi ? Notre vie n'est-elle pas agréable ?

Daniel prit son amant dans ses bras.

-Doucement, Niels, doucement. Tu n'es pas en cause. Il fallait que je la voie. Tout est bien, maintenant.

-Pas en cause ! Elle ne voudra plus me voir. On verra la limite de ton « tout est bien »...

-Tu la verras. Je n'ai pas menti mon amour.

Il y avait de quoi frémir mais Niels, au fil du temps, avait acquis de la force. Après tout, Daniel n'avait pas intérêt à détruire Irène. Il avait dû lui faire peur en la menaçant de le faire...

 

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Moi, je sais d'où souffle le vent. Ecrits sur la danse.
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