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Moi, je sais d'où souffle le vent. Ecrits sur la danse.
26 octobre 2024

La Nuit de L'Envol. Partie 2. Alexia la mécène.

 

 

Très élitiste au départ, cette danseuse exigeante et hautaine qui visait la perfection, s'était adoucie. Elle avait cinquante sept ans et après une carrière plutôt brillante, elle avait appris à se soucier de ceux pour qui la danse est tout mais qui sont totalement desservi par leur environnement. Quand on est une enfant de la balle qui grandit dans un univers où tout le monde fait de la danse classique, passe par le conservatoire de musique ou fait une école de chant très recherchée, on ne se rend pas forcément compte de sa chance. Bien sûr que tout n'est pas si simple puisqu'il faut convaincre de son talent et être à la hauteur des espoirs mis sur vous mais tout de même...Elle avait été entraînée par sa mère et sa grand-mère qui toutes deux avaient été danseuses classiques et encouragée par son père dont la réputation de chef d'orchestre dépassait le Danemark. Il lui avait été facile d'aimer les arts puisque les Muses aimaient sa famille et des années durant, elle avait vécu dans un univers fermé, dansant impeccablement puis recevant les applaudissements comme un juste dû. A quarante ans, elle se produisait encore en solo mais avait compris que son riche mariage lui offrait un échappatoire non négligeable. Il était bon de se retirer petit à petit du monde de la danse en continuant à vivre dans un monde doré fait de croisières sur des bateaux de luxe, de vacances dans les îles grecques et de séminaires sur la sculpture où son mari, lui-même sculpteur de renom, se taillait la part du lion. Mais ce rôle de maîtresse de maison et d'épouse attentionnée avait trouvé sa limite une après-midi où elle était tombée sur un documentaire qui l'avait retourné. Dans une des banlieues de Johannesburg, de jeunes danseuses avaient décidé d'ouvrir des cours pour des élèves sans le sou qui vivaient le plus souvent dans une grande précarité. Ces cours, basés sur une discipline complexe et un travail régulier auraient dû être voués à l'échec mais le contraire s'était produit. Ces jeunes garçons et ces jeunes filles s'étaient mis à fréquenter régulièrement les classes de danse et avaient rivalisé d'application. Au bout de cinq ans, grâce à des fonds privés, l'école s'était dotée de plusieurs salles et d'un petit théâtre où, en fin d'année, les élèves offraient un spectacle de fin d'année. Ce qu'elle en vit stupéfia Alexia. Au Brésil, à Rio de Janeiro et Afrique, à Dakar, elle vit que des initiatives similaires avaient vu le jour...

 

26 octobre 2024

La Nuit de L'Envol. Partie 2. Un certain Niels Lindhardt.

 

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Que fallait-il en déduire ? Qu'il fallait peut-être qu'elle sorte du sérail dans lequel elle avait placé la danse classique... Tout le monde, au Danemark, n'était pas ouvert à cet art si particulier et par ignorance ou méconnaissance, il se pouvait qu'un candidat ou une candidate à une bonne formation ne dépasse jamais deux ou trois leçons et perdent toutes ses chances alors qu'il ou qu'elle avait un potentiel...

Rompant avec ses habitudes, Alexia se renseigna partout, créa un réseau de danseurs ou d'amoureux de la danse qui se mit au travail. L'objectif était d'aller partout et de repérer des jeunes qui avait besoin d'être aidé. Elle mit en place une fondation et se prépara à aider à faire carrière ceux et celles qui auraient repérés...

C'est ainsi qu'on finit par lui signaler un certain Niels Lindhardt, dont les dons étaient certains, mais la famille hostile à la danse. La situation était si tendue qu'à chaque cours, on se demandait s'il viendrait...Ce n'était pas faute d'avoir parlementé avec ses parents...

 

26 octobre 2024

La Nuit de L'Envol. Partie 2. Jeune et stupéfiant. Niels repéré par Alexia Hubbe.

 

MD5

Il avait douze ans quand Alexia fut en mesure de lui accorder une bourse. Il l'avait stupéfaite lors des entretiens qu'elle avait eus avec lui car sa violence était très contenue et son envie d'apprendre immense. Il avait dansé pour elle. Il était encore jeune mais à son âge, certains, bien plus entraînés, dansaient bien mieux. Seulement, il avait le feu ! Ce qu'il fallait, c'était lui donner une formation plus solide qui s'accorde avec sa scolarité. A l'âge de seize ans, il tenterait un concours difficile pour intégrer un centre de formation où, s'il réussissait, il serait fin prêt pour accéder au Ballet royal de Copenhague. En quelques années, on aurait fait de lui, un vrai danseur classique.

Tout cela, elle le lui avait expliqué, comme elle le rencontrait pour la première.

-Tu devras travailler très dur et apprendre les bonnes positions, avoir les bons réflexes...

-Il n'y a pas des écoles où on est pensionnaire ?

-Tes parents seraient d'accord ?

-Non. Mais vous leur parlerez...

-C'est déjà fait. Ils pensent que tu es très jeune.

-Ah ! C'est définitif, alors...

-Pour l'instant, c'est compliqué. Mais en même temps, tu es pris en charge maintenant et ça les met face à leurs responsabilités. Tu vas dans une nouvelle école de danse et pour que tout aille bien, tu changes d'école. Quand on saura que tu suis un entraînement de haut niveau, on ne pourra plus se moquer de toi parce que là où je t'envoie, tout le monde n'entre pas. Avec tes parents aussi, ce sera différent.

-Mon père...

-J'ai compris qu'il se montrait agressif avec toi mais crois-moi, te mettre des bâtons dans les roues n'est pas dans son intérêt. On va attendre de toi un bon niveau scolaire et tu reçois une formation élitiste sans qu'il ait à la payer. S'il n'est pas d'accord, il s'en mordra les doigts.

Il s'était mis à rire, Niels, quand elle avait dit ça. Quel étrange garçon c'était là...Mais doué et d'une beauté encore enfantine si touchante.

Tout s'était déroulé à merveille : le changement d'école, le nouveau centre chorégraphique et les bons résultats. Thüre, pour la première fois de sa vie, avait commencé à se dire qu'il n'avait pas misé sur le bon cheval. Niels avait l'air de s'en tirer bien mieux que Maja en fin de compte car celle-ci ne faisait plus grand chose. Quant à Anna, elle soufflait. Il avait enfin cessé de la critiquer car elle encourageait un bon à rien. A ce qu'elle comprenait, c'était plutôt le contraire.

Très bon dans cette école de danse.

Mauvais caractère mais très bon.

Il faudrait qu'il ait ce concours. Le Ballet Royal de Copenhague était en ligne de mire.

Mais, un soir qu'il roulait ivre, Thüre était mort...

 

26 octobre 2024

La Nuit de L'Envol. Partie 2. Quitter le Danemark pour la France ?

 

La mort soudaine du père de Niels change la donne. Le jeune danseur ira en France, chez une amie de sa mère. Alexia, l'ancienne ballerine, ne pourra plus jouer son rôle de mentor...

Anna n'avait pas voulu rester au Danemark et à Paris, ça avait été infernal.

Monica Revel était une amie de jeunesse d'Anna. Elles s'étaient connues à Paris très jeunes à une époque où, pleines de naïveté, elles rêvaient de leurs vies futures. Anna était attirée par l'Europe du nord. Elle y ferait des voyages, sac au dos, et rencontrerait l'amour. Monica, elle, avait déjà envie d'être une artiste sans savoir que ses spectacles mêlant mime, chanson et textes comiques ne seraient jamais que confidentiels. Certes, leurs relations étaient très distantes mais elles n'avaient jamais disparu. Alors, pourquoi pas ? L'actrice, en tout cas, avait été très réactive. Il fallait faire vite pour Niels et ne pas le laisser avec cette mère dépressive. Du reste, après quelques tergiversations, elle avait dit oui...En Méditerranée, Niels serait heureux quoi qu'on en dise. L'une et l'autre tenaient à ce qu'il le soit.

Alexia fut décontenancée par le départ de ce garçon de quinze ans au corps mince mais ferme et entraîné. En même temps,elle fut soulagée. Elle avait aimé l'enfant qu'il était avec générosité mais elle avait perdu ses garde-fous au fur et à mesure que les années passaient. Il commençait à violemment la troubler. Mieux valait mieux qu'il fût loin.

Niels, lui, voyait les choses différemment. Il avait trouvé une fée marraine, adroite et généreuse et s'il avait un pouvoir sur elle, c'était celui de la combler. Ne répondait-il pas par son talent à ses attentes ? N'étant pas vil, il mesurait sa chance. Cette femme l'aidait vraiment. Quant aux autres, cette artiste assez solitaire et cette pianiste qui semblait s'être réfugiée à Cannes, elles étaient dans son sillage mais n'avaient pas son importance.

Pourtant, la donne changeait. Il avait bien croisé la route d'Alexia Hubbe et estimé qu'elle était sa reine mais tout était fugace.

 

 

26 octobre 2024

La Nuit de L'Envol. Partie 2. Retour. Interrogations. Nostalgie.

 

2. Retour au Danemark.

Car il traversait une crise familiale, le jeune Niels Lindhardt a vécu en France chez une amie de sa mère. Quand il revient au Danemark, la mort de son père et l'ambivalence de sa mère lui sautent au visage.

Après Cannes et les concours, il était finalement retourné au Danemark où Alexia l'avait aidé. Mais au travers de son corps immobile, Irène sentait la fièvre de ce jeune homme qui se servait de toute situation pour arriver à ses fins et danser...

La mort du père pesa davantage quand il fut revenu au Danemark qu'elle n'avait pu le faire pendant les difficiles mois parisiens et la période cannoise. Pour tout dire, elle lui sauta au visage. Il avait dix-huit ans et beaucoup d'amertume. Quand avait-il pu dialoguer avec cet homme excessif et intransigeant qui lui avait donné la vie ? Quand avait-il pu l'impressionner favorablement ? Quelques temps avant sa mort, c'est vrai, le vent tournait mais Thüre était mort brutalement. Lui, Niels, devrait faire avec cette relation difficile.

Elle était lui, elle était ses pensées...Tu m'as considéré comme un nul. La danse est faite pour les filles. Tu étais sûr que je n'avais aucune disposition puis moins sûr...Mais il aurait fallu que tu te dédises, que tu admettes que tu avais pu te tromper. Tu ne l'as pas fait ! Toujours à maugréer, à regretter, à me préférer ma sœur qui n'es pas bonne dans les études et, contrairement à ce que tu affirmais, ne réussissais pas tout ce qu'elle entreprenait...

Cette voiture qui a percuté la tienne et t'a tué sur le coup, c'était bien ta punition...Quelquefois je pense qu'on aurait fini par se parler mais ensuite je te revois toi, papa, tel que tu te comportais et je vois bien que rien de bon ne serait jamais sorti d'une quelconque discussion, une fois passée la surprise d'enfin en avoir une avec toi...

Quant à Anna, sa mère, il savait son amour. Seulement, c'était une femme influençable, qui l'avait, pour ainsi dire, aimé en cachette. Ce petit garçon blond au fin visage, elle avait admiré sa ténacité. Qui aurait cru qu'un corps frêle puisse receler tant de détermination ! En revenant au Danemark, au moins elle, verrait ce qu'il en était de lui...Mais il dut déchanter. Sortie d'une dépression de près de deux ans, elle avait trouvé un emploi de vendeuse dans un magasin de décoration qui appartenaient à ses parents. Très craintive et n'envisageait même pas de week-ends à Copenhague...

Elle n'était jamais gaie avec lui, toujours tendue et maintenant qu'il est mort, elle est comme désarticulée.Quand elle est comme ça, je ne supporte pas et elle-non plus. On est toujours en bagarre. C'est dommage car je sais qu'au fond, elle est contente que je n'aie pas lâché...Elle m'a vu danser. Elle est admirative. Mais en même temps, elle s'est engluée dans sa vie ancienne. Elle ne quittera plus Paris !

 

26 octobre 2024

La Nuit de L'Envol. Partie 2. Etudier la danse au Danemark.

 

 

Mieux valait le Danemark et cette école préparatoire dont Alexia lui avait parlé. Il en tenta le concours et fut admis. Il aurait une bourse à laquelle s'adjoindrait de l'argent donné par sa mère et celui d'Alexia. Ce fut un vrai bonheur au départ et un honneur ! Elle, justement, elle, si hautaine, si parfaite, si bienfaisante, porteuse de tant de souvenirs de danse, de tournées...

Pourtant, tout avait changé au fil des mois et Niels, qui avait si fier de la retrouver, en était presque embarrassé désormais. Elle tournait beaucoup autour de lui, cherchant à l'influencer. Tous ses conseils n'étaient pas mauvais mais elle les multipliait à l'irriter.

Il ignorait l'effet qu'il lui faisait car il la connaissait depuis des années et se voyait toujours comme un garçonnet devant elle mais il finit par être dessillé.

 

26 octobre 2024

La Nuit de L'Envol. Partie 2. Alexia, l'amoureuse encombrante...

 

 

Niels, danseur encore jeune, suscite une passion chez une femme mûre et mariée...

Un soir qu'il se rendait avec elle à un dîner mondain, elle apparut dans le grand salon blanc où souvent, chez elle, elle le recevait. Elle portait une robe rouge décolletée que son mari trouva mal choisie pour la circonstance. Ne voulant pas se ranger à son avis, elle prit Niels à partie d'une manière si insistante qu'il se sentit mal à l'aise.

-Enfin, dis-lui ! Je suis bien plus séduisante ainsi ? Dis-lui, Niels, voyons ! Imagine que je suis ta cavalière ! N'aimerais-tu pas que je sois en rouge ? Nous serions-nous par parfaits l'un et l'autre ? Non ?

Le mari le guettait sans rien dire. Il était toujours très épris de sa femme dont il recevait pourtant bien des rebuffades depuis des années. Cette façon qu'elle avait de s'enticher de ce très jeune homme sous couvert qu'elle l'avait sorti de l'ombre et lui avait permis d'affirmer un talent que personne n'aurait remarqué autrement, était la pire humiliation qu'elle lui ait fait subir. Elle chantait sans cesse les louanges du pur, du si jeune Niels !

Voulant la confondre, le mari insista :

-Alexia, ma chérie, le blanc te va bien mieux ! Va donc mettre ce fourreau ravissant que tu as acheté l'an dernier !

Elle s'entêta et ils luttèrent. Pris à partie, le jeune danseur déclara d'abord ne pas vouloir trancher puis il conseilla une tenue blanche et non rouge. Elle fut stupéfaite :

-Tu me surprends ! Mais je vais me rendre à ta requête. D'accord,Niels, je vais me changer.

Pleine de confusion, elle s'éclipsa, ce qui permit à l'époux de regarder fixement ce beau jeune homme pour lequel sa femme se mettait dans tous ses états...Loin de baisser les yeux, Niels rendit son regard au mari outragé. En un instant, il comprit. Elle était tombée amoureuse de lui, elle, cette dame qu'il avait tant admirée et respectée ! En conséquence il avait barre sur elle. Elle voulait lui plaire ! Quant à ce mari qui vivait dans l'argent, voilà que lui, Niels, qui n'avait que sa jeunesse et son don pour la danse, devenait son rival.

Pendant quelques temps, il fut heureux de la voir ainsi, si disponible à lui et dans les transes de l'amour mais très vite, il se lassa. Bien des signes antérieurs auraient pu avertir Niels du danger qu'il y a à déclencher une passion chez un être dont la vie est déjà avancée, mais jeune comme il l'était et concentré sur sa formation, il ne s'en était pas soucié. Il n'avait que des aventures contingentes qui lui convenaient très bien.

De son côté, elle devint aveugle. Il y aurait entre eux un amour d'exception. Comme elle se mettait à lui faire d'invraisemblables cadeaux, il les lui renvoya. Offusquée, elle cessa de la flatter ainsi. Dès lors, tout en continuant de respecter la danseuse à la carrière solide qu'elle avait pu être et la philanthrope,il marqua le pas. Rien ne se passa de concret entre eux mais des mois durant elle souffrit de lui qui se rétractait. Intérieurement, elle en dépérit et le mari, qui lui en voulait de s'être fait piéger ainsi, contemplai ce spectacle avec une certaine félicité. Maintenant, quel motif avait-elle de s'enorgueillir ?

Brusque et fier comme il était, détestant remercier et refusant de demander pardon, Niels était peu accessible. Les êtres comme lui enflamment les cœurs. Confusément, il le savait. D'autres femmes s'éprendraient de lui et des hommes aussi mais lui ? Que ferait-il ? La plupart du temps, il passerait son chemin. Il aimait la danse d'un amour total et profond. Le reste...

Il avait ses plans qui ne passaient pas par le Danemark et tôt ou tard, il intégrerait une compagnie étrangère, la laissant elle à Copenhague. Alexia passa par tous les stades de la passion. Elle ferma les yeux, rechigna, se montra clémente puis se fâcha. En vain.

 

26 octobre 2024

La Nuit de L'Envol. Partie 2. s'écarter d'Alexia.

 

 

Au terme de ses deux années de formation, il reçut un diplôme et de nombreuses félicitations. Il était sur le point de partir...

-Il faut tout de même que tu me dises au revoir !

-Je suis là, madame.

-Tu es revenu à « madame »...

-Oui.

-Pourquoi t'en aller si vite? En travaillant pour le Ballet royal, tu voyagerais de toute façon et t'y faire accepter est une formalité.

-Non.

-Et tu n'as rien d'autre à dire ?

-Non.

Je ne lui disais rien, jamais rien. Je n'en avais pas envie. On avait été très proches de faire l'amour ensemble mais je m'étais repris à temps. Pas à cause de son âge et de son cœur mais parce qu'après, ça n'aurait plu cessé ces sollicitations, ces ordres dissimulés qu'elle savait donner...

Ou alors non, c'était bien à cause de son âge et de son corps et quand ça avait failli se passer, je m'étais souvenu d'une fille qui m'attendait et d'un garçon qui avait insisté pour qu'on se voie. Je m'étais dit que si l'un n'était pas au rendez-vous, l'autre prendrait sa place. Alors, cette femme aux belles robes, ça ne valait pas la peine de coucher avec elle. Je n'aime pas qu'on m'oblige à quoi que ce soit et avec ses façons de faire, c'est ça quand même qui se profilait...Ce soir là, j'ai eu la fille à plusieurs reprises mais quelques temps plus tard, je l'ai laissé pour le garçon qui m'intéressait beaucoup plus. Il me plaisait beaucoup et je le trouvais intelligent. Mais de toute façon, je voulais partir. Alors, j'ai fait ce qu'il fallait pour m'en aller...

A cause d'elle ? Ah non, certainement pas.

Il fila à Londres et passa des auditions pour travailler dans plusieurs compagnies. L'une d'elles le repéra. Il écrivit à Alexia qui le félicita. Sentant sa peine, il ne dit rien , préférant enthousiasmer Monica, qu'il fit venir à Londres où tous deux rirent beaucoup. Et il y avait cette femme à Cannes, cette pianiste brillante qui, on ne sait pourquoi jouait du piano dans une salle pleine de danseurs à l'entraînement. Il avait envie de savoir ce qu'elle était devenue mais butta sur l'ignorance de la nouvelle secrétaire de l'Académie Fontane rosa. Irène Diavelli ? Partie ? Oui, à Paris, mais où...

Il se promit de ne pas lâcher et de la retrouver. Il aimait l'intégrité chez les femmes. Cette Irène, ce serait bien de la croiser de nouveau. Une question de temps...

 

22 octobre 2024

La Nuit de L'Envol. Partie 2. Niels : une carrière en Angleterre.

 

Le tout jeune Niels Lindhart quitte le Danemark pour l'Angleterre après avoir achevé sa formation de danseur...

Les trois années qu'il passa en Angleterre le ravirent. Tom Darson était vraiment un personnage. Né en 1960, il n'avait commencé à étudier la danse qu'à l'âge de vingt-deux ans et fait des études de chorégraphie au Laban centre, un école réputée qui, après avoir été située à Manchester, avait été déplacée à Londres. Fondateur de la compagnie  Adventures in Motion Pictures , il avait joué la provocation dans les années quatre-vingt en présentant un « Oiseau de Feu » peu conventionnel sur la musique de Stravinski. Par la suite, il s'était attaqué à Casse-Noisette, au Lac des cygnes et à Cendrillon sans oublier La Sylphide. C'était là un répertoire classique qui étaient présents sur toutes les grandes scènes mais retravaillés par lui, ces ballets que beaucoup croyaient connaître, revêtaient des atours chics et provocateurs sans oublier d'être intelligents.

Il avait fondé en son temps une compagnie de danse complètement masculine qui avait obtenu un grand succès. Personne ne pouvait ignorer la version qu'il avait proposée du Lac des Cygnes, où Odette et Odile étaient interprétés par deux jeunes danseurs. Il y explorait des thèmes homo-érotiques qui avaient laissé Niels rêveur...Créatif, travailleur, curieux de tout, Darson aimait travailler pour le théâtre et il avait livré des productions à la Compagnie royale Shakespeare ainsi qu'au National theatre de Londres.

La référence qui avait été faite à son œuvre de chorégraphe dans le film Billy Elliot lui avait donné une grande visibilité. Niels aimait qu'il en soit ainsi. La danse, si elle ne s'adressait qu'à un cénacle , avait toutes chance de se figer dans des règles immuables.

 

22 octobre 2024

La Nuit de L'Envol. Partie 2. Compagnie Tom Darson. Londres. Edouard aux mains d'argent.

 

Avec un tel chorégraphe, ce danger était d'emblée écarté ! Voilà un homme dont les sources d'inspiration étaient multiples : la mode, les tabloïds, le cinéma, la littérature. Il avait créé une très belle chorégraphie pour  Edward aux mains d'argent  et une autre sur  Le Portrait de Dorian Gray …

Niels ignorait, quand il commença à travailler pour lui, que Darson le ferait figurer dans l'un et l'autre de ces ballets qu'il tenait à reprendre.

Pour le spectacle qui s'inspirait du film où Johnny Depp avait livré une étonnante performance, il avait reconstitué une banlieue américaine des années 1960 où les habitants sortaient de minuscules maisons au décor kitsch et criard, pour un défilé haut en couleur. Leur pantomime déclinait sur un rythme enlevé le quotidien de ce quartier résidentiel. La gestuelle des danseurs était travaillé avec humour : une touchante maladresse pour Edward, ou cet agaçant mouvement d'épaule, parfait pour l'arrogant fiancé de Kim, la jeune fille dont Edward est amoureux...

«Excellent dans la mise en scène de chaque personnage comme dans les effets collectifs avec une vingtaine de danseurs, cet admirateur de Fred Astaire démontre toute l'efficacité d'une danse narrative et divertissante, tel ce formidable réveillon, brillamment réglé sur des rythmes de jazz.

Face à l'harmonie du groupe, la singularité d'Edward est racontée avec une sensibilité émouvante. », avait pu écrire un critique français.

Edward dansait avec Kim au milieu d'un envoûtant ballet d'arbustes sculptés et le ravissement était total. Il s'imaginait des mains humaines pour étreindre sa bien-aimée sans la blesser... Cette intensité poétique irradiait également la danse de la jeune fille sous la neige, ou encore le pas de deux plus classique qui réunissait Edward et Kim dans un adieu lyrique. C'était un bonheur de danser sur des musiques originales créées pour l'occasion et Niels, surpris de se voir confier un tel rôle, dut puiser en lui-même pour y trouver son enfance compliquée et ce qui pouvait la relier au personnage d'Edward.

 

22 octobre 2024

La Nuit de L'Envol. Partie 2. Londres?. Compagnie Darson. Dorian Gray.

 

Dorian Gray fut plus difficile à aborder. Le jeune héros du roman d'Oscar Wilde travaillait désormais pour l'industrie de la mode. Il était l'emblème d'un parfum. Le fameux portrait qui est au centre du récit était remplacé par un grand panneau publicitaire à Dorian Gray était magnifique. Lord Henry, le mentor du jeune homme, était remplacé par une bizarre Lady Henrietta et la jeune Sybil, qui s'éprend du beau Dorian, par un jeune danseur.

Darson tournait autour des thèmes de la beauté et de l'éternelle jeunesse. Le héros était pris dans un prisme d'images où chaque jour sa beauté était plus merveilleuse ; il se condamnait lui-même à une damnation certaine...

Ce second rôle important que lui confia le chorégraphe, troubla Niels. Il se savait beau et la multiplicité des regards qu'on posait sur lui jointe aux sollicitations plus ou directes qu'il recevait le transformait. Plus confiant en lui, il était heureux de sa belle et séduisante image. Dans quelques années, elle ne serait plus la même. Craignait-il de ne plus attirer autant une fois que la quarantaine l'aurait contraint, comme tant de danseurs, à ne plus autant se montrer et à moins séduire. ...Il ne connaissait pas bien Darson qui gérait souvent des chorégraphies complexes où beaucoup de danseurs étaient au travail mais il eut, à tort ou à raison, le sentiment d'être percé à jour...Toutefois, il fut condamné à ne jamais en avoir le cœur net puisque, l'homme d'affaires qui se cachait dans le maître de ballet, envoyait sa troupe danser partout. Niels sillonna donc les capitales européennes des mois durant, dansant dans des spectacles qui se jouaient à guichets fermés. C'était une vie mouvementée qu'il aimait car elle réserve des surprises. Dans les galas où la troupe était conviée, il n'était pas rare de faire de belles rencontres. A Madrid, il revit Anaïs qui était en vacances et avait tenu à voir le spectacle où il se produisait. Elle-aussi avait dansé dans Le Lac des cygnes mais bien sûr, dans une mise en scène bien plus classique...

 

22 octobre 2024

La Nuit de L'Envol. Partie 2. Paris : Irène revue mais non approchée...

 

Niels, qui danse pour une compagnie anglaise, est de passage à Paris. Il entend de nouveau la pianiste Irène Diavelli mais quand il veut la voir, elle est absente.

A Paris, il était convenu que la troupe reste deux semaines et présente en alternance des spectacles différents. Il avait appris peu de temps avant que cette Irène Diavelli connue à Cannes, avait de nouveau une carrière de pianiste. Elle se produisait d'ailleurs dans une petite salle et il s'arrangea pour aller la voir. Elle n'avait pas abandonné Satie et jouait toujours les Gymnopédies et les Gnossiennes ainsi que d'autres pièces à la fois surprenantes et tristes de ce compositeur qui l'inspirait beaucoup. Il la trouva plus brillante que la première fois et physiquement, elle le surprit. Elle était nettement plus belle qu'avant. Il voulut la voir mais joua de malchance. A cette époque, Irène, qui s'était reprochée de vivre si seule, visitait l'Italie où l'attendait une bonne fortune. Plus tard, elle vit sa photo dans un magazine français grand public. Comme il était devenu beau ! Et comme il avait appris à se vendre ! Un ambitieux qui retenait toute leçon utile et cultivait certaines relations ...Avec Darson, il touchait déjà à bien des registres, sortant du cadre de la danse classique. Qu'elle apprenne qu'il tournait dans un film ou une série ne la surprendrait pas. Son cœur se serra. Il réussissait et l'avait oubliée.

Lui aussi regretta de façon plus profonde qu'attendu. Sachant qu'il reviendrait à Paris, il se promit d'insister et en attendant, profita de Monica qui semblait disposée à le rejoindre le plus souvent possible. A Copenhague où il dansa, il se trouva face à Alexia. Elle s'était difficilement remise de son départ et lui parut vieillie. Il fut cassant. Elle disparut.

Bientôt, il lui fallut d'autres perspectives.

Les Usa. Il fallait qu'il y décroche un contrat. Heureusement que les tournées permettait de rencontrer autant de gens !

 

22 octobre 2024

La Nuit de L'Envol. Partie 2. Irène est le corps de Niels.

 

JH louvre

 

Qu'est-ce que c'est un danseur ? Un être qui prend des cours des années durant pour que son corps parvienne à se plier à des mouvements compliqués qui impliquent une très grande maîtrise de lui-même...Un athlète amoureux des lignes pures, un adepte de l'envol et de la grâce...

Elle est le corps de Niels maintenant. Elle en est la pesanteur et l'opacité. Elle est sa fermeté presque brutale, sa finesse et sa fatigabilité.

Oui, elle est ce corps qui travaille beaucoup et elle aime l'être. Elle aime cette domestication, cette mise au pas des muscles, des articulations, ces tensions des bras et des jambes, ces mouvements de tête.

Elle est le corps du danseur et elle aime l'être au repos comme au travail. Il est exposé, ce corps, comme jamais le sien n'a pu l'être. Quand elle était en concert, elle le paraît de robes élégantes mais ne le dévoilait pas. Lui, il le fait, partiellement sur scène et totalement dans l'intimité. Il se promène souvent nu quand il est avec une partenaire ou plutôt un car il semble qu'il choisisse son camp au fur et à mesure que les mois passent. Même mariée, elle n'a jamais eu son aisance auprès de ses deux conjoints et pour ce qui est des aventures, elle n'a quasiment jamais rien vécu. Le discours amoureux qu'elle aimait tenir, c'était la musique qu'elle jouait. Pour le reste, elle était peu concernée...

 Il était futile bien sûr et parfois fat mais c'était aussi un grand travailleur. Toujours présent aux classes de danse, jamais excusé pour un spectacle, bon lecteur, bon mélomane.

Il lisait les classiques français, anglais et américains et se faisait conseiller.

Il écoutait Chopin, Mozart, Brahms et depuis peu Erik Satie et là aussi cherchait les meilleures interprétations et les meilleures salles.

Il allait à l'opéra.

Il connaissait bien l'univers des ballets classiques, les livrets, les grands interprètes, les différentes chorégraphies, celles surtout qui avaient fait date...

Il s'était amusé, c'est vrai, à donner quelques interviews dans de petits magazines pour adolescentes ou vieilles dames mais il avait eu l'intelligence de n'y tenir que des propos censés. Il tenait à son art. Il se donnait à lui. Une fois qu'il avait dit ça, dire dans quel café il avait aimé se prélasser à Milan, à Rome, à Budapest ou à Paris n'avait guère d'importance...

 

Les cris de pâmoison sur sa blondeur, ses yeux bleus, sa souplesse, c'était bon pour le pousser à aller au lit... Lui, ce qu'il voulait c'est qu'on vante ce qu'il mettait derrière sa technique, sur l'énergie qu'il dégageait. La glace et le feu...La beauté partout dès qu'il était là, douloureuse, profonde, vitale..

Il voulait qu'on dise de lui : quel grand danseur !

Et qu'on le dise longtemps …

 

20 octobre 2024

La Nuit de L'Envol. Partie 2.Être Niels. Le souhait d'Irène.

 

3. Être lui.

A Paris oui, il avait voulu la voir ...Au fond, qu'est-ce que ça aurait donné ? Oui, bien sûr, il admirait l'interprète qu'elle était mais quoi de plus ? Ce qui était bon, c'est qu'il se soit souvenu d'elle et qu'il l'admire. Pour elle, c'était suffisant mais ensuite elle avait commencé à se sentir mal, preuve qu'elle faisait erreur. Ce n'était pas le rencontrer qu'il fallait, c'était être lui. L'impensable pouvait-il se produire ? Oui puisqu'au fond de sa chambre d’hôpital, ce qui la constituait elle était réduit à rien. Tout ce qu'il y avait de vivant en Irène Diavelli s'était engouffré dans le corps de Niels Lindhart et bien sûr, dans son esprit...

 

20 octobre 2024

La Nuit de L'Envol. Partie 2. Un engagement prestigieux.

 

 

En Amérique, Niels devient le danseur adulé qu'il souhaitait être...

Il auditionna dans plusieurs villes suite aux recommandations qu'on avait faites de lui et il fut engagé au New York City ballet, ce qui était son vœu le plus cher.

De grandes étoiles de la danse l'y avaient précédé. Il devrait être leur égal. Il avait cette ambition en lui mais la cachait, faisant profil bas. On ne le vit guère arriver mais au bout de deux ans, le prince de la scène, c'était lui !

Peter Martins, Danois lui-aussi, était encore aux commandes. Combien de danseurs avait-il vu passer ? Combien avait-il admiré ? Niels pouvait être fier de faire partie de ceux qui comptaient. Il avait ce qui faisait qu'on était distingué des autres : ce feu, cette passion qui permettent de vous envoler littéralement sur scène et cette aura qui vous rendait irrésistible.

Pour bien danser, il fallait avoir une certaine rage en soi. C'était là une croyance personnelle à laquelle il s'accrochait. Au fond, Thüre avait bien fait de le mépriser, Anna de ne pas suffisamment le défendre et Alexia de vouloir le domestiquer. Il n'était réductible à aucune de ces trois personnes même s'il avait traversé avec elles des situations de crise...

Très fier, d'un caractère entier, il aimait être admiré, regrettant que l'époque dans laquelle il vivait ne considère plus les danseurs étoiles comme des stars à part entière. Nijinsky avait été adoré et même quand sa brève carrière avait pris fin, il était resté vénéré et respecté. Noureyev avait été une vraie bête de scène qui électrisait aussi bien les balletomanes avertis que ceux qui ignoraient presque tout de la danse classique. Sa vie mondaine intense l'avait placé aux premières pages des magazines à la mode. On avait voulu, sinon danser comme lui, se coiffer et s'habiller comme lui et sa mort avait été ressentie comme une immense perte. Barychnikov était un modèle de réussite à l'américaine. Une grande carrière, quelques films, un goût certain pour des types de danses très variés, et une fondation qui lui faisait honneur ! Des Russes, certes des Russes mais il y avait de grands danseurs américains aussi et des chorégraphes...Eux-aussi avaient eu une vie mouvementée et une élégance...qu'il revendiquait.

Toujours bien vêtu, il soignait son image. Prudent avec le puritanisme américain, il était discret dans ses aventures et n'ébruitait rien. A défaut de vivre dans un univers où le danseur mâle peut être une star et conscient de l'écart qui le séparait des comédiens et des chanteurs en vogue, il espérait se faire repérer en courtisant ainsi une fille de bonne famille. Sinon de la haute, du moins de la bourgeoisie new-yorkaise. Elle aurait de l'entre-gens et le présenterait...

20 octobre 2024

La Nuit de L'Envol. Partie 2. Elle entrait en lui et lui en elle. Irène et Niels.

 

Niels apprend qu'Irène Diavelli, une pianiste de concert reconvertie en accompagnatrice de piano, est dans le comas. L'impact de cette nouvelle est bien plus fort qu'il n'y paraît...

En été, le New York City ballet partait de promener en Amérique et en Europe. Sachant qu'il retournerait à Paris, Niels décida cette fois de ne pas attendre le dernier moment pour contacter Irène Diavelli. De nouveau, il lui semblait important de la voir. Il apprit sa maladie et en fut effaré. Plongée dans un comas sans fin dans une chambre blanche qui ressemblait à un tombeau....

 Parallèlement, il fit des rêves étranges. Elle entrait en lui et lui en elle. Il se rendait à un concert où tous les spectateurs portaient des masques. Elle apparaissait sur scène en robe longue pleine de dentelles et restait interdite : il était le seul à être à visage découvert. Honteux, il partait se cacher tandis qu'elle jouait Satie et rentrait chez lui tout dépité. Au milieu de la nuit, il s'éveillait en sueur, ayant le sentiment que cette femme entrait en lui par effraction. Une fois à l'intérieur de son corps, elle en refermait les parois comme elle aurait fait des pans d'un manteau.

Une autre fois, il courait après elle dans la rue. Elle portait une élégante robe rouge, longue et pleines de parements et des talons hauts, de sorte qu'elle ne pouvait avancer très vite. Il finissait par la rattraper et tirait sur l'étole qui couvrait ses épaules. C'était un geste vif mais qui ne pouvait la blesser. Elle tombait à terre cependant et ne se relevait pas, face contre terre. Il sautait à pied joint sur son corps et celui-ci s'ouvrait, lui permettant d'entrer en elle.

Niels n'avait pas pour habitude de rejeter ce qui venait des rêves, aussi fut-il très troublé par le caractère très réaliste et précis de ces échappées nocturnes. Il devina sinon comprit que cette femme et lui étaient bien plus liés qu'il ne le pensait et que la léthargie dans laquelle elle était plongée était un état étrange qui, à priori, ne l'empêchait pas de communiquer...

 

20 octobre 2024

La Nuit de L'Envol. Partie 2. Chance et malchance. Niels troublé.

 

Danseur vedette, très admiré, Niels conduit bien sa carrière à New York. Depuis quelques temps, cependant, il fait des rêves perturbants et sent la fatigue le gagner...

Un peu plus tard, il se rendit compte, qu'à cause de ces rêves qui se faisaient et se défaisaient au fil des nuits, il devenait un artiste plus sensible et plus brillant que jamais. Ce pouvait être là une force !

Ce faisant, il continua de papillonner. Il savait qu'il disposait, outre sa beauté, d'une grande force de persuasion. On le voyait souvent en photo dans des magazines, à la rubrique mondaine et il dînait dans des endroits chics . Il faisait donc figure de jeune artiste lancé...

La malchance, cependant,le rattrapa. S'il lui avait été facile, au début, de cacher les atteintes d'un mal étrange qu'il ne pouvait définir, celui lui devint plus difficile au fil du temps. Il était depuis un peu plus de deux ans à New York quand la situation devint critique. Aux cauchemars récurrents qu'il faisait vinrent s'ajouter les symptômes d'un étrange anémie. Il s'affaiblissait, lui, le danseur connu pour ses prouesses techniques sur scène et soudain, manquait de force. Il commença par moins surprendre puis par s'attirer quelques critiques dépitées avant de se blesser à l'entraînement, ce qui le mortifia. Voyant moins de monde, il se surprenait à développer depuis quelque temps, des habitudes nouvelles. Il jouait passablement du piano et en acquit un de bonne qualité pour consacrer des heures entières à la musique, privilégiant les œuvres de Ravel, de Debussy, de Bartok et surtout d'Eric Satie...La musique, prétendait-il, le guérissait et l'apaisait car il supportait en tant que danseur soliste les autres danseurs de la troupe, ce qui occasionnait de grandes tensions. Pourtant, on lui retira certains rôles avant de lui suggérer avec tact, de prendre quelques vacances. Il devenait mauvais et en fut anéanti.

 

20 octobre 2024

La Nuit de L'Envol. Partie 2. Un frère et une sœur très liés.

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4. Diane, Daniel, Albany et la peinture.

Diane et Daniel avaient été élevés par des bourgeois américaine amoureux des arts. Ils avaient tenu à ce que leur fille et première née fasse des études d'art et de littérature. Elle s'était essayée à la sculpture avant de lui préférer la peinture où elle faisait mouche. Elle peignait des toiles à caractère symbolique où des créatures magiques souvent sibyllines croisaient des hommes dans des villes futuristes peu rassurantes. La mode était au non figuratif pas aux thèmes de prédilection de Diane mais, même si elle s'en souciait, elle ne déviait pas de sa trajectoire. Du reste, elle vendait ses toiles et suscitait l'engouement de jeunes artistes qui s'inscriraient à des séminaires organisées dans la vaste maison familiale dont elle était la dépositaire. A ses moments perdus, Diane écrivait des poèmes courts ou des haïkus et il lui arrivait même de créer des chansons.

 

20 octobre 2024

La Nuit de L'Envol. Partie 2. Une artiste accueillante à Albany.

 

 

Liza Higgins ne dansait pas aussi bien que lui mais elle l'admirait, qu'il fut splendide sur scène ou abattu comme il l'était depuis peu. Elle avait, à Albany, dans l'état de New York, une connaissance qui disposait d'une grande maison de famille où elle aimait à recevoir de jeunes artistes qui passaient un cap difficile. A coup sûr, il pourrait se reprendre dans un décor aussi beau que paisible où évoluait une femme singulière et compréhensive.

Ces deux adjectifs ne rassurèrent pas Niels. N'est-ce pas ainsi que lui était apparue Alexia quand il avait, enfant, fait sa connaissance ? Et cette Irène Diavelli qui le regardait tant à Cannes quand il s'entraînait dans la « salle des jeunes espoirs » de cette académie aux murs roses, n'était-elle pas particulière et soucieuse de le comprendre ? A priori, ces femmes originales et pleines d'attention ne lui valaient rien de bon ! Mieux valait refuser ce séjour à Albany.

Seulement, Liza fut persuasive et il accepta de quitter son bel appartement de Chelsea pour la Capitale de l'état de New York. A son arrivée, il jugea la ville froide, monumentale et incroyablement provinciale malgré sa fière allure. Son amie avait intérêt à ne pas avoir menti sur la qualité de leur hôtesse, sinon, quel ennui !

Dès qu'ils se furent présentés à l'entrée de la maison et que Diane Webster leur eut ouvert, il comprit que la jeune danseuse avait eu raison de le rassurer. Belle femme aux traits un peu durs, Diane avait du panache dans sa robe rouge cramoisie, ses cheveux gris argenté formant une auréole autour de son visage. Se tenait derrière elle, un homme brun assez beau, au regard aiguisé. C'était Daniel Webster, son frère. Quand il rencontra son regard, le pâle Niels eut une onde de choc. Cet homme, dont il ne savait rien, l'attirait autant qu'il l'inquiétait...

 

20 octobre 2024

La Nuit de L'Envol. Partie 2. Daniel. Un univers romanesque troublant.

 

 

Daniel avait lui-aussi fait de longues études. Contrairement à sa sœur, il ne vivait pas à l'année à Albany. Il avait dix ans de moins que Diane et affichait une quarantaine énergique. Grand, mince, il avait un visage aux traits nets et presque tranchants. Doté des mêmes yeux gris bleu que sa sœur, il partageait avec elle le même goût pour les fantaisies vestimentaires, signal clair selon eux d'une personnalité forte et affranchie des convenances. Comme elle, il éprouvait un amour immodéré pour les arts et la création artistique. Il était cependant plus éclectique qu'elle, même s'il avait suivi au départ le même parcours universitaire. Bien formé en littérature américaine, il s'était dirigé vers une école de cinéma et s'était formé à la réalisation de courts-métrages et de films d'animation. Il en avait réalisé plusieurs, qui ne manquaient pas de relief et tournaient dans les festivals. Dans un des dessins animés qu'il avait réalisé, une petite fille voyait un piano voler dans le ciel et faisait tout pour le rejoindre et en jouer. L'ascension du ciel étant périlleuse et le piano facétieux, elle peinait à réussir. Dans un autre, deux adolescents se mettaient à vivre sous la mer et tentaient de ne pas se faire remarquer des humains qui cherchaient leurs traces. Enfin, il avait trois ans auparavant, signé l'histoire d'un chat noir new-yorkais habile à traquer les fantômes qui hantent inévitablement les maisons laissées vides. Parallèlement, il s'était mis à l'écriture et venait de terminer la rédaction d'un second roman où deux vagabonds trouvaient chez un couple de riches esthètes un travail saisonnier qui tournait à leur détriment. Daniel, s'étant fait remarquer avec un premier opus qui répondait aux règles traditionnelles du roman d'aventure, craignait de déconcerter avec ce texte inclassable, mais il aimait les défis. Son premier texte, qui relatait la vie d'un homme tranquille qui décidait à soixante ans, de ne plus être conventionnel et traversait l'Amérique en camping car, multipliant les rencontres cocasses, était plutôt drôle...

20 octobre 2024

La Nuit de L'Envol. Partie 2. Diane et Daniel.

 

 

Les Webster : aisés et esthètes...

Désemparé car il ne sait d'où vient la maladie qui le ronge, le danseur Niels Lindhardt se rent à Albany, chez deux artistes : Diane et Daniel Webster. Une danseuse l'accompagne. Niels veut juste se changer les idées. Il ignore qu'il n'est pas là par hasard.

L'un et l'autre étaient à l'abri du besoin. Leurs parents avaient en leur temps acquis des biens immobiliers qui, à leur mort, étaient revenus à leurs enfants. Orphelins de bonne heure, les jeunes Webster n'avaient jamais manqué de rien. Toutefois, leur aisance matérielle, qui auraient pu faire d'eux des rentiers, ne les avaient pas empêché de se mettre au travail et de ne jamais se satisfaire de peu...

Les premiers jours, Diane promena Liza et Niels afin qu'ils puissent se faire une idée de la ville et sachent où trouver des cafés sympathiques. Pour le reste, elle les laissa libre de leur emploi du temps. La jeune danseuse s'installa souvent dans l'atelier de Diane, pour la voir peindre mais Niels, s'il la suivit, ne put rester longtemps. Il se sentait épuisé. Au bout de deux jours d'ailleurs, il fit un malaise et il fallut appeler un médecin. On lui conseilla un grand repos.

 

20 octobre 2024

La Nuit de L'Envol. Partie 2. Albany. Chez Diane, intrusion de Webster dans la chambre de Niels.

 

Niels, honteux, dut très vite se cantonner dans la chambre, fort belle, qu'on lui avait allouée. Ensommeillé, il se perdit dans la contemplation des meubles en bois précieux que les parents de Diane avaient fait venir d'Europe en d'autres temps, de toiles du dix-neuvième représentant des paysages verdoyants qu'avaient certainement produit des peintres locaux, des livres reliés qui emplissaient de nombreuses étagères et des vases pleins de fleurs fraîches. Se levant, il trouva parmi les livres, un exemplaire du  Portrait de Dorian Gray  qu'il prit avec lui et se mit à feuilleter. Intrigué de le trouver parmi des ouvrages américains à caractère historique ou biographique, il s'installa sur son lit et se mit à relire ce texte bien connu de lui. Il s'absorba dans sa lecture au point d'être surpris de voir entrer dans la pièce Daniel Webster. Celui-ci s'arrêta très près de son lit et, les bras le long du corps, le regarda froidement. Embarrassé, Niels parla naïvement :

-Oh je suis confus ! Je suis très pris par ce que je lis et ne vous ai pas entendu frapper...

L'homme resta un instant silencieux et s'humecta les lèvres. Ses yeux gris brillaient étrangement.

-Je n'ai pas frappé.

Le jeune homme voulut se lever mais Webster l'en empêcha d'un geste de la main.

-Vous êtes fatigué. Ne vous donnez pas cette peine.

Puis il s'assit au bout du lit. Il portait un costume excentrique, plein de rayures et de motifs fantaisie qui aurait fait rire à New York mais qui, dans cette pièce et avec cet éclairage, lui donnait une allure singulière et plutôt séduisante.

-Dorian Gray ?

-Je l'ai déjà lu plusieurs fois.

-Et vous voulez le relire ?

-Oui. Je l'ai interprété sur scène.

-Vous avez été Dorian ?

-Oui, je viens de le dire.

-Ce rôle a du vous interpeller...En fait,il est pour vous...

-Je le dansais, je ne le jouais pas. C'est différent.

-Ah ? C'est une certitude ?

Le ton de Webster état légèrement ironique.

-Oui.

-Jeune homme fatigué mais catégorique...

 

20 octobre 2024

La Nuit de L'Envol. Partie 2. Niels, Daniel et Dorian Gray...

 

 

A Albany où il est invité, Niels parle avec Daniel Webster, le frère de son hôtesse, du Portrait de Dorian Gray, le roman de Wilde qu'il relit...

-Je suis quelqu'un de décidé.

-Oui, j'ai noté cela. Dites-moi : est-ce que Liza est Sybil Vane ?

Niels eut un léger sursaut. Pourquoi cet homme était-il si bizarre ?

-Elle est danseuse, comme moi, pas actrice. C'est une amie.

-Et donc, elle n'est pas Sybil Vane , cette fille qui se tue à cause de cet horrible Dorian ...C'est votre point de vue, ça. Quel est le sien ? Vous ne lui demanderez pas...

Niels sursauta. Cet homme le déconcertait.

-Non, certainement pas.

-Vous devriez car elle va saisir un prétexte pour partir.

-Comment ça ?

-Elle n'a d'yeux que pour vous...Vous ne pouvez l'ignorer.

-C'est une amie.

-Justement, elle vous en veut pour cela. Et elle n'est pas la seule. Vous les faites languir et pratiquez l'aveuglement. Elles partent mais sont fâchées. Toujours mauvais, cela. Enfin vous verrez...

Que fallait-il faire de quelqu'un d'aussi insistant et adroit ? En d'autres circonstances, Niels se serait écarté de lui. En l’occurrence, il ne le pouvait pas.

-Mais et vous, qui seriez-vous ? Lord Henry, le conseiller fidèle ou Basil, le peintre qui suggère à Dorian de poser pour ce portrait  d'où viendra tout le drame ?

Webster eut un sourire rusé.

-Ah le fameux portrait qui montre un être qui devient répugnant alors que dans la vie, il est en permanence jeune et beau ? Non, non. C'est Diane qui peint, pas moi. Il peut lui prendre envie de vous faire marcher dans une de ces villes étranges, qu'elle se plaît à représenter. Méfiez-vous, elle risque de vous doter d'une tête de chien...

Cette fois, Niels sursauta et se leva. L'incivilité de son interlocuteur lui rendait sa pugnacité.

-Nous nous sommes peu parlé depuis mon arrivée, monsieur Webster, mais je comprends mal cette visite...

-Allons, allons, je vous provoque, voilà tout...Pour répondre plus clairement, mettez-moi du côté de sir Henry. Et quant aux hommes à tête d'animaux que ma sœur met dans ses tableaux, vous avez pu remarquer puisque vous les avez vu, qu'ils ont tous un air princier. Rien de vil.

Ils étaient très près l'un de l'autre et se regardaient. Niels retenait son souffle et ne disait rien.

-Vous vous êtes arrêté de danser car vous êtes anémié ?

-C'est ce que les médecins disent.

-Dont le nigaud d'hier...

-Oui enfin, je ne sais pas.

 

20 octobre 2024

La Nuit de L'Envol. Partie 2. Tu mourras de consomption...

 

 

A Albany où Niels a été invitée par une femme peintre, Niels, danseur classique, rencontre Daniel, le frère de celle-ci. Si Niels n'est plus lui-même, c'est qu'une femme l'a vampirisé...Il reste à savoir que faire...

-Que veut-elle ?

-Elle veut que tu suives la ligne qu'elle a tracée pour toi...

-Mais je le fais. Seule la danse m'intéresse et je ne vois pas pourquoi je ne serais pas ambitieux !

-Toi au moins tu n'y vas pas par quatre chemins ! Le souci est qu'elle a des visées différentes !

-Que veut-elle de moi ?

-Eh bien, tu me poses là un bien étrange question. Je ne la connais pas, vois-tu ? Elle aimerait que tu que tu sois un artiste qui s'abîme. Tu auras su capter l'attention, te faire accepter dans de grandes salles et on parlera de toi. Oui, mais voilà, tout s'arrêtera brutalement car tu mourras bientôt. Un accident de voiture, un basculement dans la folie qui te rendra suicidaire...Que sais-je ? Toujours est-il qu'on se souviendra de toi car tu seras mort jeune et feras rêver.

Niels, tout pâle et défait, qu'il fût, s'indigna :

-Je ne veux pas mourir rapidement !

-Je comprends ! Tu ne seras pas nécessairement un martyr de la danse, remarque, car elle a peut-être d'autres visées ! Mais comme elle te veut pour elle-seule, tu es parti pour avoir une vie courte.

-Ah non, c'est impossible !

-Tu penses donc guérir et danser de nouveau ?

-Mais oui.

-Ce ne sera pas le cas. Tu ne retrouveras pas ta position antérieure. Niels, on songe déjà à te remplacer !

-C'est impossible. J'y arriverai. Je les éblouirai et je me marierai aussi...

-Dans quelques mois, le diagnostic tombera. Tu seras hospitalisé, Niels, certes dans un joli lieu coûteux avec, en guise de jolies filles, des infirmières...

-Et ?

-Et tu mourras de consomption.

Webster prenait un ton plus intime mais Niels n'avait pas le cœur de le remettre à sa place. Avec qui d'autre aurait-il pu avoir un tel partage ?

-Alors qu'est-ce que je fais ?

Niels pâlit tellement que Webster s'approcha de lui et s'agenouilla. Il lui prit la main. Le jeune homme balbutiait.

-Vous allez m'aider ? Oui ?

-Il faut qu'elle quitte ton corps, Niels et qu'elle n'entrave plus ni ton cœur ni ton esprit...

-Qu'elle quitte mon corps...

 

20 octobre 2024

La Nuit de L'Envol. Partie 2. Niels, vos malaises...

 

 

Niels Lindhardt, qui est venu à New York pour danser, se sent très affaibli physiquement; il est tourmenté aussi. Pourquoi ne se confierait-il pas sur ses déboires? A Albany, l'écrivain Daniel Webster est prêt à l'écouter, même si son écoute est dangereuse...

-Vous êtes tellement pâle...Ne restez pas debout. Asseyez-vous.

Niels obéit presque mécaniquement et se rassit sur le lit. Il avait peur sans savoir pourquoi. La voix de Webster était un peu basse, prenante.

-Ces malaises...Mais il y a une autre raison...N'est-ce pas ?

-Je me borne aux avis médicaux.

-Allons, Niels, Diane peint des villes fantômes ou errent des hommes à tête d'animaux et j'ai réalisé un film sur une petite fille qui voulait s'emparer d'un piano dans le ciel, vous voyez un peu où vous êtes d'autant que dans mon roman à paraître deux vagabonds travaillent de riches Américains qui n'existent peut-être pas...Dites moi ce qui se passe...

-Un fou doit parler à des fous ?

-Je crois bien.

Niels se sentait perdu. Cet homme pouvait aussi bien l'aider de façon désintéressée que le manipuler mais tout lui échappait à partir du moment où il n'était plus ce jeune Dieu de la danse à qui tous les hommages étaient dus. Il se lança.

-Mon père est mort brutalement il y a des années. Je ne l'aimais pas.

-Au moins, vous en êtes conscient et n'essayez pas de vous persuader du contraire. Continuez.

-Je n'ai pas de vrai contact avec ma mère...

-Vous n'êtes pas le seul.

-Elle m'aime mais c'est une femme faible...malade...

-En ce cas, il est préférable que vous soyez loin. Et puis, vous restez en contact, non ? Continuez !

-Au Danemark, j'ai été aidé par une femme, une ancienne ballerine. Elle est tombée amoureuse de moi et moi, je me suis rétracté...La différence d'âge, cette séduction qu'elle pensait avoir...

-Eh bien quoi ? Elle a joué avec le feu. De toute façon, qu'est-ce que vous auriez fait avec elle ?

-Tout de même, je lui dois beaucoup. Je suis égoïste.

-Elle est sans doute mariée. Dans ces cas-là, les femmes voient leur époux d'un nouvel œil. Et puis, si elle est fière, son amour propre lui a dicté quoi faire...Elle s'est remise.

-Mais alors, pour vous, il y a une solution à tout...

-Quoi ? Elle vous aimait...A la bonne heure ! Il faut être bien armé pour tomber amoureux de vous, jeune Dorian... Poursuivez...

 

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Moi, je sais d'où souffle le vent. Ecrits sur la danse.
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