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Moi, je sais d'où souffle le vent. Ecrits sur la danse.
20 octobre 2024

La Nuit de L'Envol. Partie 2. La faire sortir de toi...

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A Albany où Niels est venu avec une amie, le danseur Niels Lindhardt fait la connaissance de Diane Webster, une femme peintre, et de son frère Daniel, qui écrit des romans. Ce dernier s'intéresse à Niels, persuadé qu'il est qu'une femme est entrée en lui et s'apprête à le dévorer...

Si Niels avait été plus maître de lui, il aurait remarqué que Webster le dévorait des yeux et affichait clairement le désir physique qu'il avait de lui mais il était tout à son affliction et paraissait plus démuni que jamais.

-Non, tu restes ici quelques temps car j'y séjourne et nous faisons le nécessaire....

-Mais comment...Comment est-elle entrée ?

-Tu ingères de la nourriture, tu entends des sons, tu respires...

-Par...

-Oui, les voies naturelles, encore qu'à mon avis, elle n'est pas entrée par là...

-Et par où ?

-Tu aimes faire l'amour, Niels. Ne te répands-tu pas dans le sexe d'une jeune femme quand l'envie t'en prend ? Et je ne parle pas de ce que tu fais avec un de tes amants...

Niels resta coi mais Webster poursuivit.

-Elle t'a ensemencé en quelque sorte et ne crois pas que ses buts aient été vils au départ. Elle voulait ton grandissement et ton triomphe, seulement elle-même est réduite à rien. C'est difficile pour elle, ce paradoxe...

Daniel s'était redressé et il tendait ses lèvres vers celles du jeune homme effondré. Celui-ci se laissant faire, il put l'embrasser longuement avant de l'aider à se déshabiller et quand Niels fut nu, lui-même retira ses vêtements.

-Qu'est-ce que vous faites ?

-Ce qui est à faire Niels...juste ce qui est à faire...

Même amaigri, le corps du danseur restait beau, la peau du torse notamment étant somptueuse. Daniel admira le bel ovale du visage, le nez droit et le bleu des yeux, passant outre la pâleur du teint et les cernes. Il fit s'allonger Niels et le couvrit de baisers puis, après l'avoir longuement préparé, il le pénétra. Quand il le fit, le danseur eut un tressaillement et parut avoir mal mais Webster, en amant passionné, refusa de se retirer de lui et lui fit longuement l'amour. Ce n'était que la première d'un grand nombre d'étreintes à venir. Au bout du compte, il le savait, cette pianiste avide lâcherait prise...

-Cela ne suffira pas, vois-tu ? Tu devras me suivre à New York. Je la ferai partir. J'ai ce qu'il faut pour ça. Et crois-moi, elle a affaire à quelqu'un de plus fort qu'elle, elle partira...

Il y avait de quoi être perplexe car c'était une discussion de fous mais Niels sentait qu'il n'avait pas le choix. Il s'était trompé. Alexia, qu'il avait cru dangereuse, était vulnérable et Irène, qu'il connaissait très mal, maléfique. Toutefois, il restait encore convaincu qu'il irait mieux et s'en tirerait. Aussi défia t'il Webster :

-Chez vous, ce serait pour longtemps...

-Oui.

-Ah vraiment ? Non, je ne pense pas...

-Tu ne penses pas ?

-Je sais, vous êtes déçu.

L'ombrageux Daniel eut un rire froid.

 

20 octobre 2024

La Nuit de L'Envol. Partie 2. Monica ? Irène ?

 

 

Pourquoi Niels va t'il si mal ? C'est qu'il est vampirisé. A Albany, l'écrivain Daniel Webster le confronte à la réalité.

-J'ai vécu à Cannes. Je prenais des cours de danse...

Il se mit à dire Monica, l'académie Fontana rosa et cette femme, cette pianiste. Irène Diavelli.

Les questions de Webster étaient précises et elles s'enchaînaient vite. Niels s'était assis dans un fauteuil brun et, la tête dans les mains, il répondait avec la plus grande précision aux questions de l'Américain qui, les mains serrées l'une contre l'autre, marchait de long en large. Le questionnaire s'étirant, Niels se demanda s'il aurait une fin. Elle arriva cependant et Daniel conclut de façon incisive.

-C'est elle.

-Elle ? Vous voulez dire Alexia Hubbe ?

-Non, cette Irène quelque chose...

-Madame Diavelli ?

-Elle vous possède. Elle est entrée en vous, vous l'avez compris ?

-Entrer en moi ! Mais non !

-Mais si, Niels ! Aucun rêve ? Aucun signe ?

Daniel avait l'air très agité. Il parlait avec autorité, ses yeux brillant étrangement.

-Si cela est vrai, je ne comprends pas. Elle me voulait du bien.

-Ah certainement ! Elle voulait que tu réussisses, oui mais tu as touché le sommet et elle ne sait que faire.

-Quoi ?

-Elle veut être ton histoire mais tu infléchis celle-ci de telle façon qu'elle refuse ta version des faits. Tu t'en fiches d'elle. Tu veux faire un beau mariage, envisages de tourner dans des films pour accroître ta notoriété et tu ne fais guère de sentiment en ce qui la concerne …

 

13 octobre 2024

La Nuit de L'Envol. Partie 3.

 

 

 

PARTIE TROIS

 

Combats

 

 

 

 

13 octobre 2024

La Nuit de L'Envol. Partie 3. Tant de questions !

 

 

1. Libre mais prêt à être entravé.

Niels garda en mémoire le séjour qu'il avait fait chez Diane Webster et son étrange rencontre avec son frère, Daniel. Comme l'avait prédit, ce dernier, Liza, la jeune danseuse, avait, malgré l'affection qu'elle portait à Diane, trouvé un vague prétexte pour ne pas rester. Elle souffrait d'indifférer à ce point Niels et ressentait violemment l'hostilité de Daniel, qui se posait en concurrent...Toujours affaibli, le danseur ne commenta pas ce départ. Si Daniel et Diane l'avaient charmé d'abord, il était clair que l'écrivain retenait désormais toute son attention. Pourtant, l'un et l'autre étaient étonnants. Ils connaissaient toutes sortes de livres, de films, de tableaux et de sculptures que parler avec eux était un bonheur et s'ils s'estimaient peu instruits sur un domaine, ils creusaient celui-ci. C'est ainsi que Niels revit avec eux des vidéos de ses ballets, autant ceux qu'ils avaient dansé avec Matthew Darson à Londres que ceux qu'il avait interprétés pour le New York City ballet. Il avait été sûr de son art et presque arrogant. Maintenant qu'il était diminué physiquement, il comprenait qu'il avait commis une erreur de jugement. Jamais il n'avait pensé que tout pourrait lui être retiré si vite. Il n'avait que vingt-cinq ans et tout cela était derrière lui. Il s'effondrait. Pourtant la rapidité avec laquelle Webster fondit sur lui pour le séduire ne le rendit pas aussi vulnérable que prévu. Se sentant en meilleure forme, il rentra chez lui, passa en revue tout ce qu'il savait sur Irène Diavelli, revit des photos de la période cannoise et réécouta ses enregistrements, des plus anciens au plus récents. Il avait beau avoir été affaibli par une maladie à laquelle il ne savait donner de nom, le fait de rendre responsable de son état cette artiste qu'il avait somme toute peu côtoyée le laissait perplexe. Il la sentait vivante en lui, certes, mais pourquoi aurait-elle voulu lui faire du mal ? Il y avait peut être un moyen de s'entendre avec elle...Cherchant que faire, Niels lui écrivit plusieurs lettres à son domicile parisien et celles-ci ne revinrent pas. C'était là un moyen désuet de la contacter mais elle paraissait ne plus avoir de numéro de téléphone. Il ignorait son adresse mél et ne trouvait jamais, dans les articles qu'il lisait sur elle, la moindre référence à une maison de disques nouvelle où il aurait pu la joindre. Elle paraissait ne plus être active comme concertiste mais il savait qu'elle avait donné à de jeunes virtuoses prêts à tout, des cours de haut niveau. C'était cela qu'elle devait faire...Il fallait rester confiant.

 

13 octobre 2024

La Nuit de L'Envol. Partie 3. Je n'ai peut être pas compris ce que vous voulez de moi, madame.

 

 

Niels a le sentiment étrange qu'une pianiste qu'il a connue a voulu l'envouter et lui faire du mal. Cette impression s'estompe..

Niels fut surpris qu'au fil des jours sa condition physique redevint passable puis plutôt bonne. Sans nouvelle d'Irène, il avait pourtant le sentiment de pactiser avec elle. Elle était toujours en lui, il le savait, mais il l'apprivoisait, dialoguant en silence avec celle dont il tentait de comprendre les desseins.

Je n'ai peut-être pas compris ce que vous voulez de moi, madame. Une carrière fulgurante, une mort brutale, et un nom parmi les étoiles de la danse ? Si c'est cela, je n'en aurais pas assez fait, à mes yeux du moins...J'aurais tellement voulu les toucher encore, les atteindre, être leur ange...Mais peut-être n'est-ce pas cela ! Vous voudriez juste que je ne sois pas à New York. Si j'étais à Paris, vous me verriez. Je sais comment vous m'avez encouragé quand vous m'observiez en répétition ou me parliez dans des cafés...C'est cela que vous voulez ? Que je sois plus près de vous ? Mais vous savez, je vais un peu mieux sans pour autant avoir repris le chemin du théâtre. Et là bas, que me dira t'on ? On a déjà chuchoté que j'étais fini...

Cette Irène qu'il voulait plus explicite ne lui répondit pas mais le fait est qu'il recouvra ses forces et put danser de nouveau. Il vit là le signe qu'il attendait. Elle approuvait qu'il dansât. Il surprit par son ardeur et sa rigueur, fut de nouveau distribué dans des quelques rôles puis supplanta d'autres danseurs dans d'autres car, rayonnant, il était très applaudi. Personne n'y comprenait rien...

 

13 octobre 2024

La Nuit de L'Envol. Partie 3. Débarrassé des Webster...

 

Un an environ après son séjour chez Diane Webster, Niels s'aperçut qu'on projetait dans une petite salle du village, une série de courts métrages de Daniel. Ils étaient différents de ceux qu'il connaissait et il alla les voir. Il leur trouva la même tonalité cruelle et le même désenchantement qui l'avaient déjà laissé perplexe... Quelques jours plus tard, il trouva en librairie, un roman qu'avait écrit cet homme taciturne. Une femme âgée mourait sordidement, abandonnée de tous. Cette description d'un univers sans espoir lui déplut et il vit là comme un appel. Tout d'un coup, l’œuvre de cet homme étrange lui revenait... Il tenta de se rassurer : il avait résisté à l'attirance violente qu'il avait éprouvée pour Webster et n'avait eu qu'avec lui qu'une très brève liaison. Il avait pris ses marques et se félicita de sa clairvoyance. Il venait de rencontrer une jolie américaine qui vendait des diamants. Elle admirait l'artiste qu'il était. Restait à être courtois, patient et déterminé...

 

13 octobre 2024

La Nuit de L'Envol. Partie 3. Doutes de Niels. Tout n'est pas terminé avec les Webster.

 

A New York, Niels revoit Diane qui expose...

Toutefois, au fond de lui, Niels doutait que tout fût terminé avec les Webster. Il ne se trompait pas. Il reçut bientôt une invitation pour le vernissage d'une exposition de toiles de Diane, dans une belle galerie de Soho. C'est elle-même qui l'invitait.

Vous semblez sorti de vos ennuis, Niels ! J'en suis heureuse. Venez voir mes œuvres...

Il ne pouvait refuser et se crut assez fort pour s'y rendre seul. Très entourée, Diane, vêtue d'une de ses belles robes aux lignes pures aux couleurs frappantes qu'elle aimait, l'accueillit chaleureusement. Ses lèvres étaient peintes du même rouge que sa robe plissée...

-Je reste quelques jours à New York. Nous devrions nous voir, Niels. Demain, j'ai une place pour Le Lac des Cygnes où vous danserez le prince mais ensuite...

Il rit et fut d'accord. Les toiles de Diane étaient aussi étranges que magnifiques et elles étaient bien plus grandes que celles qu'il avait contemplées dans son atelier à Albany. Il fut ravi de les voir et troublé aussi : ces villes qui ne ressemblaient à nulle autre, ces êtres hybrides, ces couleurs parfois dérangeantes...Manifestement, on encensait Diane et on lui achetait son travail. Il devait exister des yeux différents des siens, aptes à voir dans ses œuvres bien autre chose que ce qu'il y mettait lui-même ou se contentant simplement d'évaluer la valeur de ses tableaux sur le marché de l'art...Niels, lui, ressentait un malaise mais il n'aurait su l'expliquer à Diane Webster. Du reste, il bavarda à droite et à gauche avec quelques inconnus et après quelques verres de champagne, il prit congé. Il était soulagé : Daniel ne s'était pas montré.

Le lendemain, il rejoignit l'artiste peintre avec sa prestation sur scène et ils dînèrent.

-Vous savez, lui dit Diane, vous aviez, quand je vous ai vu, une beauté crépusculaire. Vous étiez défait. Et là, vous rayonnez ! On doit être très amoureux de vous...

 

13 octobre 2024

La Nuit de L'Envol. Partie 3. Vous voudriez une américaine mais c'est Daniel qu'il vous faut !

 

 

Vernissage de l'exposition de Diane à New York. Niels est présent et se confie. Toutefois, Daniel apparaît...

Il lui parla de la jeune fille dont il se rapprochait. Elle eut un sourire de connivence. Il escomptait qu'il ne serait que très peu question de l'écrivain, mais Diane se mit à parler de lui.

-Vous aurez remarqué que Daniel était absent à mon vernissage. Il n'était pas à New York ce soir là mais il est de retour. Vous lui aviez fait forte impression. Niels, mon frère n'est pas quelqu'un qu'il faut négliger...

Le danseur rougit :

-Que voulez-vous dire ?

-Peut-être ne vous êtes vous pas compris mais Daniel est, je vous assure, un être complexe qui a un vrai talent d'écrivain. Il est sensible à ce que vous êtes. Vous gagneriez à vous revoir...

Puis, comme Niels demeurait silencieux, elle se pencha vers lui à travers la table et fit mine de murmurer.

-Vous allez très, très bien ensemble. Vous comprenez ?

Le danseur s'empressa de la contredire mais il ne fut pas convaincant. Elle ne le quittait pas des yeux et le raillait doucement.

-Oui, vous voudriez une Américaine mais lui, il est là. Ce ne sont pas les mêmes voies, je le reconnais...Ne vous débattez pas ainsi. Vous savez, si moi, je suis sensible à votre beauté, imaginez ce qu'il ressent lui...

Niels craignit que le reste du dîner fût gâché mais elle eut du tact et changea de sujet. Toutefois, le vert était dans le fruit. Il le savait, il allait se trouver face à Webster.

Quelques jours plus tard, il sortait du Lincoln Center et allait s'engouffrer dans un taxi quand il entendit une voix derrière lui.

-Raphaël ! Raphaël !

Il se retourna. Daniel était là, vêtu d'un costume de demi saison et d'un imperméable. Ses yeux brillaient étrangement.

-Je m'appelle Niels.

L'homme fit la grimace.

-Oui, c'est aussi ton prénom. Mais tu t'appelles également Raphaël. Aucune magie là-dedans. Nous avons dormi ensemble, tu dois t'en souvenir et tu parlais dans ton sommeil. Tu allais mal à cette époque là...ça te dit quelque chose?

-Oui, oui bien sûr.

-Ah, tu vois!

-Je dois partir.

 

13 octobre 2024

La Nuit de L'Envol. Partie 3. A Couteaux tirés.

 

Séduire Niels, c'est l'arracher à l'idée qu'il se fait d'Irène Diavelli. La lutte est âpre mais fascinante...

Daniel ne se démonta pas.

-Moi-aussi. Avec toi. Nous allons chez moi.

-Non, il y a longtemps que nous nous sommes vus et j'ai...

-Tu as ?

-Changé.

-Permets moi de vérifier...

Niels chargea.

-J'ai été souffrant puis moins. Je ne vous ai jamais contacté. C'est clair, non ?

-Elle te suffisait.

-Oui, c'est exact. C'est toujours la cas. Irène Diavelli est un modèle pour moi. Du reste, nous échangeons beaucoup. Nous nous téléphonons, nous écrivons.

Webster prit un air ahuri, toussota puis pouffa de rire.

-Niels, tu n'es pas beau joueur !

-Vous n'acceptez pas cette vérité !

-Mais quelle vérité ! Elle est dans le comas, ta Diavelli. Cela fait des mois et des mois. Une clinique en région parisienne. C'est arrivé tout d'un coup. Nul ne sait si elle se réveillera. Des lettres et des coups de fil, Niels ?

-Vous êtes un manipulateur. Je vois bien que...

Webster fondit sur lui :

-Je peux prouver ce que je dis. Il y a eu des articles de journaux sur elle. Tu n'es pas au courant ? Non, bien sûr. C'est ta conception de l'amour, de l'admiration. Une statue en plâtre, une photo, une bougie...Mais la réalité, surtout pas...

-Ce n'est pas possible.

-Si, ça l'est.

Niels soupira. Webster le dévorait des yeux et cette insistance qu'il avait à le faire, loin de l'irriter, le troublait au delà de tout.

-On le prend ce taxi ? On va à Brooklyn ?

-D'accord mais je ne serai pas long.

Il n'était pas crédible. Daniel le lui fit savoir en lui lançant un regard ironique. Dans le taxi, le danseur s'efforça de regarder droit devant lui mais Webster lui prit la main une première puis une seconde fois, lui passa un bras autour des épaules puis l'embrassa longuement. Niels tenta vaguement de se dégager puis s'abandonna à la science de cet amant qui l'avait si violemment troublé. Il embrassait fort bien...

 

13 octobre 2024

La Nuit de L'Envol. Partie 3. Pousser Niels à se laisser emprisonner...

 

Convaincre le jeune danseur Niels Lindhardt qu'il a tout avoir avec lui est un vrai défi pour Daniel Webster. Mais il le relève...

Son appartement était beau et ancien. Situé dans un immeuble des années quarante, il avait de belles proportions, des parquets dans toutes les pièces sauf la cuisine, un grand séjour aux hautes fenêtres, une chambre à laquelle succédait un dressing et une pièce qui avait transformée en bureau. Les étagères de livres couraient le long des murs et il y avait partout des bibelots qui créaient une ambiance un peu folle. Grand vase d'inspiration chinoise, statuettes de chiens, petit nécessaire de manucure, lampes au pied torsadé, sculptures évoquant des corps étranges, anciens programmes de concert, fausses fleurs...Le mobilier datait des années cinquante. Il avait été chiné et agencé avec soin car il devait répondre à une exigence de beauté et à une autre, de confort. Enfin, il y avait des miroirs et des encadrements. Pas de tableaux mais des photos insolites représentant des paysages si inattendus qu'il fallait un montage pour les avoir créés.

Le bureau était vraiment celui d'un créateur au travail. A côté de l'ordinateur s'empilaient toutes sortes de classeurs, de carnets de notes, d'albums photos et de livres ouverts à des pages précises. Il y avait au mur les affiches des films que Webster avait réalisés et les récompenses encadrées qu'il avait obtenues.

La chambre était plus sobre. Elle était blanche et verte et on y trouvait de nouveau beaucoup de livres mais cette fois peu d'objets sauf usuels. La fantaisie revenait dans la salle de bain où tout évoquait les années cinquante, des rideaux au mobilier en passant par les produits de toilette et la décoration.

-C'est singulier ici...

-Seulement singulier, Niels ?

-Assez beau...Étrange...

-Tu t'habitueras...

-Ah ? Je ne crois pas.

-Je crois que si mais bref... Tu habites Chelsea, je crois ? Couleurs claires, décoration minimaliste et meubles fonctionnels, comme il en existait au Danemark. C'est cela ?

-Vous n'êtes jamais venu !

-Donc, je ne me trompe pas. Tu penses avoir atteint un summum du goût mais tout est très impersonnel. Hein ? Ce qui est audacieux, c'était d'avoir un univers comme le mien car il ne répond qu'à très peu des exigences actuelles du Beau et du paraître et pourtant, il est unique ! Immeuble salubre et peu sonore mais d'apparence quelconque. On ne s'attend à rien d'exceptionnel et on découvre, si on y est convié, un appartement qui ne ressemble à aucun autre...

-J'ai vu quelques courts métrages que vous avez réalisés.

-Oui, Diane m'a dit. Ils t'auront déconcertés ! Ces pauvres errants qui n'arrivent à rien...Non, ne dis pas le contraire !

Niels pourtant, tentait de faire bonne impression.

-Non, je...

-Stop, j'ai dit ! Tu m'as lu aussi. Mon dernier roman, entre autre. Je suis certain que mes deux clochards te déplaisent mais Chris et Ed font un tabac. On essaie même d'acheter les droits de mon roman pour faire un film...

-Je ne suis peut être pas...

-Silence à la fin ! Tu n'aimes pas, voilà tout.

Le jeune homme rougit et se tut mais Webster que cette maladresse enflammait, continua d'attaquer :

-Quant à toi, tu danses ! J'ai surmonté mon ignorance de la danse classique, tu sais et je suis allé te voir. Aérien, beau, bien formé...Combien de femmes doivent ne plus en pouvoir quand tu danses torse nu ? Et combien de pédales doivent jouir en rêvant de toi, une fois rentrées chez elles...

C'était le moment de se venger et de renvoyer ce fier amant à ses manquements.

-Vous ne savez même pas de quoi vous parler !

-Ah ?

-Vous réduisez le ballet classique à une exhibition de corps jeunes et aptes à faire fantasmer ! S'il en est ainsi, pourquoi vous êtes déplacé ?

-Oh, jolie parade ! Tu vois, tu me fais sourire ! Pourquoi ? Mais parce ce qu'il ne saurait y avoir de prince Siegfried plus juste ni de Lac des Cygnes plus réussi. Parce qu'il faut t'avoir vu danser Balanchine et te plier aux directives de nouveaux chorégraphes pour savoir qu'on n'est pas là pour rien. J'ignorais tout, Niels. J'ai du voir quelques ballets classiques avec Diane, quand j'étais gamin et depuis, rien. Mais avec toi, sur scène, un monde s'ouvre...

Tout de même, il y avait de quoi être touché et le jeune homme le fut. Intrigué par ce que Daniel lui avait dit d'Irène, il fit front :

-Elle a perdu conscience. Avez-vous le moyen de me le prouver ?

Webster entraîna Niels dans son bureau, ouvrit son ordinateur et après avoir invité son invité à s'asseoir, il lui montra un premier article, Le Long sommeil d'Irène Diavelli...Elle était recluse depuis un an et demi et nul ne savait si elle reprendrait conscience.

-Alors, jeune incrédule ?

-C'est troublant.

-Mais il en faut plus ?

-Oui, Daniel.

-Parfait...

 

 

13 octobre 2024

La Nuit de L'Envol. Partie 3. Je la préfère à vous !

 

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Comment échapper au fantôme d'une femme qui s'empare de vous

Le cœur de Niels se mit à battre. C'était une revue cannoise où il était question de l'Académie Fontana rosa. Il y était mentionnée qu'une pianiste illustre en son temps y avait travaillé et laissé un vif souvenir. Elle était malheureusement tombée malade et avait perdu conscience à Paris. On la soignait...

Observant Niels de profil, Webster mesura son trouble et en profita pour se pencher vers lui.

-Alors...

-Je ne peux pas le croire...

-Pourtant, c'est une morte vivante !

La respiration du jeune homme était plus saccadée et il semblait perdu. Daniel lui montra quelques articles sur des cas similaires. Des malades qu'on nourrissait par sonde, encadrait mais restaient inconscients. Il lui donna même le nom de la clinique où séjournait Irène. Le jeune homme bondit :

-Je suis en bonne forme, je peux aller la voir !

-Elle ne peut guère être vue que par ses proches. Tu seras refoulé. Et du reste, pourquoi ferais-tu cela ? Elle s'est emparée de toi !

-Je la préfère à vous, quelle qu'elle soit.

-Et tu as tort. C'est avec moi que tu dois être, pas avec elle.

-Vous m'étoufferez.

-Non ! Tu comprendras pourquoi je ne peux qu'être son adversaire et tu verras la fausseté de ta position...

Niels, raidi, hocha la tête violemment :

-Non. Elle me laisse libre, elle.

-Tu n'as pas toujours dit ça.

-Je danse. Elle aime que je le fasse. Elle me regardait tant !

-Et pour cause.

Webster poussa la porte de sa chambre et ouvrit tranquillement le lit puis provoqua Niels du regard. Celui-ci se défendit.

-Webster, c'est sans issue.

-Oh que non...Niels, mon ange, mon Raphaël. Regarde, tu en as très envie, tu trembles...Tu te souviens ? On s'entend parfaitement...C'est bien, oui, c'est bien, continue de retirer tes vêtements...

Dans les draps frais, le danseur perdit toute contenance, son amant le comblant. Il s'endormit dans ses bras. Au matin, celui-ci lui dit orgueilleusement.

-Mets de l'ordre chez toi et reviens ici. Je te laisse deux jours. Tu vivras avec moi.

-Elle ne fait rien de mal.

-Tu ne peux croire à ce que tu dis..

-Si je résiste, vous me contraindrez à obéir ?

-Je ne compte pas venir chez toi et je ne t'attendrai pas à la sortie des artistes.Tu viendras de ton plein gré.

Webster avait raison. Niels vint de lui-même.

 

13 octobre 2024

La Nuit de L'Envol. Partie 3. Tu es venu ! Tu devras respecter tes engagements !

 

DAVID

2. Appartenir à Webster.

Irène, comme consciente qu'il changeait devint si étouffante qu'il n'y tînt plus. Il avait encore le vent en poupe, ne commettait pas de faux pas mais était jalousé. On guettait les failles. Un jour, il ferait une vraie faute...

-Bonjour, si je viens aujourd'hui, vous serez toujours d'accord ?

-C'est ta décision : tu viens ?

-Oui.

-Ne te l'avais-je pas dit ?

-Si, vous aviez raison.

Webster, quand il le vit dans l'encadrement de la forte, frémit d'une joie secrète.

-Tu vas garder tes engagements et je respecterai ta liberté. Tu me fourniras cependant un calendrier précis de tes spectacles et me diras quand tu t'entraînes. Ne déroge pas.

Niels hocha la tête. Il avait posé ses affaires dans le salon et contemplait des orchidées crémeuses que son hôte avait placé dans un vase.

-En dehors de ces obligations, tu mèneras ici une vie stricte et devras te plier à de multiples règles. Il n'y a pas de piano chez moi, comme il y en un chez ma sœur. En guise de musique, tu écoutes ce que je te dis. Tu ne regardes rien sans mon accord : pas de DVD ni de télévision. Bien sûr, tu peux lire. Et encore, je choisis.

Niels, stupéfait, regardait Webster. Ce qu'il disait n'avait aucun sens mais il lui obéirait et le savait.

-Ne pourrais-je rien visiter sans vous ? 

-Judicieuse question, mon Niels. Brooklyn est bien moins laide qu'on le dit. Je ne t'empêcherai pas de marcher avec moi.Je suis un bon guide.Je te montrerai.

-Vous écrirez ?  Vous m'avez dit le faire sans cesse.

-Oui, oui bien sûr. Mais ne cherche pas à voir mes nouveaux écrits.

-Ici, alors, je serai assez libre...

C'était une remarque naïve qui fit sourire le rusé Daniel.

-Je vais être très exclusif et tu n'as pas le choix. Il y a bien de choses que nous ferons ensemble .Les plus importantes concernent le lit. C'est là que tout se jouera...

Que c'était étrange de parler ainsi d'une bonne entente érotique ! Niels ne s'y trompa pas. Ce que sous entendait Webster était grave. Il serait sans cesse caressé, embrassé, pénétré. Il serait arraché à lui-même.

 

13 octobre 2024

La Nuit de L'Envol. Partie 3. Niels : enfermement et sexualité dévorante.

 

L'écrivain Daniel Webster réussit à convaincre Niels, le danseur qu'il convoite, qu'il doit le prendre pour guide. Sa vie n'en sera que meilleure. Niels accepte et pense que tout ira bien...

Les premiers temps furent plutôt faciles. Niels se déplaça seul et se tint à des horaires stricts qui excluait toute rencontre extérieure. Il ne vit plus la jolie Américaine et s'efforça de ne pas penser à elle. Il vit peu ses amis puis plus du tout et devint comme insensible à leurs appels. Une fois, chez Webster, il devint docile. Irène Diavelli malade et inconsciente ne pouvait plus jouer pour lui aucun rôle positif. Webster avait raison. C'est sur lui qu'il fallait s'appuyer...Et de fait, il s'abandonna à lui.

Niels aimait assez l'apparence physique de l'écrivain. Il avait un corps mince mais tout de même musclé, dépourvu de pilosité excessive et à la peau claire mais sans défaut majeur. Son torse était ample et ses mains aux longs doigts effilés, belles et forte. Et puis, cet homme avait l'esprit vif, l'imagination féconde et la parole acérée. Il était cultivé et imposant. Conscient que l'Américain était profondément attiré par lui, il se savait lui-même aimanté. Contre cette attraction violente et totale, il ne pouvait rien. Il fut donc amené à rester cloîtré et inactif. Quand il sortait de sa torpeur, Niels se trouvait face à Daniel qui se montrait très exigeant sexuellement. A divers moments de la journée, ils se caressaient et s'étreignaient et c'était bien tout ce qu'ils étaient capable de vivre. Du reste, quand venaient les périodes de rémission où l'un et l'autre vaquaient à leurs occupations, Niels ne supporta de moins en moins d'être laissé, à lui-même. Il voulait, le sexe de l'amant,car il durcissait vite et longtemps. Comme il était à la fois épais et long, Niels ne pouvait que s'émerveiller des très répétitives mais intenses séances de pénétration auxquelles le soumettait Webster Il n'était pas difficile, quand on subissait des assauts aussi réguliers, de ne pas être comblé, repu même, sachant qu'une telle régularité dans la satisfaction sexuelle, demandait de nouveaux assouvissements...

Il n'avait jamais perçu la sexualité, au fond, que comme un faire valoir qui le renvoyait à sa beauté physique et comme un dû. Il était désiré, trouvait normal de l'être et remerciait ceux qu'ils élisaient en se donnant brièvement à eux. Bien sûr, il y avait ce rêve d'amour avec une jeune Américaine mais ce n'était peut être qu'une naïve espérance...

 

13 octobre 2024

La Nuit de L'Envol. Partie 3. Ces femmes maléfiques qui te suçaient le sang...

 

 

Niels se blesse et tout change. Contraint de rester chez Webster, il admet que celui-ci a raison. De mauvaises personnes ont oeuvré dans sa vie et lui ont fait manquer des opportunités. Il faut bien reconnaitre que c'était, dans chaque cas, des femmes...

Dans le huit clos d'un appartement où régnait une belle lumière dorée, le danseur découvrait un nouveau type de relation à la fois amoureuse et sexuelle. Car il voyait bien qu'avec Webster, il ne séparait pas l'un de l'autre. Ils se séduisaient mutuellement certes et ils assouvissaient leur désir respectif mais ils se guettaient, s'observaient et s'attendaient. Jamais Daniel ne le tirait brutalement du sommeil pour le prendre et jamais, s'il était éveillé et savait son amant au travail, il ne songeait à aller le déranger. Il se prenait à attendre de lui parler d'un film qu'il avait visionné ou d'un livre qu'il commençait à lire. Il aimait attendre l'appel de l'amant qui l'incitait à le rejoindre dans la cuisine pour l'aider à préparer le repas ou à venir pendre un bain avec lui. Il pouvait se reposer sur Webster et même s'il revenait au fait qu'il n'avait guère d'autres choix, il devait reconnaître que l'Américain avait mis un nom sur son mal être et s'était engagé à l'aider...L'alliance qu'il avait avec lui était vertigineuse...

Puis tout bascula. En répétition, un jour, Niels se blessa. Daniel dut le récupérer aux urgences.

-Je m'inquiétais ! Tu n'as pas prévenu ! Je te punirai.

-Je suis tombé...

-Je le vois bien. C'est elle. Me croiras-tu à la fin !

-Mais Daniel, je fais tout ce que tu dis !

Chez lui, Webster gronda.

-Cette Diavelli, tu l'as considérée comme inutile certes mais tu n'as cessé de l'admirer et de la plaindre ! Ta cheville est abîmée, ta rééducation sera longue et cette fois, tu vas être immobilisé pour un temps, Niels ! Tout ça, c'est ton orgueil !

-Mais ma carrière !

-Ne dois-tu pas lui dire adieu !

Niels éclata en sanglots.

-Toute ma vie, toute ma vie j'ai voulu...Pourquoi être si cruel, Daniel !

-Il va falloir aller plus loin, bien plus loin ! Il y a ta mère qui ne cessait de geindre, cette femme à Cannes et cette garce au Danemark...Trop de femmes maléfiques qui te suçaient le sang ! Sans parler d'elle !

 

 

10 octobre 2024

La Nuit de L'Envol. Partie 3. Niels : enfermement, litanies, nuits...

 

Daniel l'installa dans l'autre chambre et le laissa seul avec ses fantômes intérieurs.

-Je ne dors plus avec toi ?

-Non.

-Tu viendras...

-Tu plaisantes, j'espère ! Ta cheville est plâtrée. Dans quel monde vis-tu ?

Mortifié, Niels, qui n'avait pas le droit de recevoir des appels, resta à la merci de son amant qui fermait toutes les portes à clé quand il quittait l'appartement. Il devrait contrer ses fantômes, la pianiste surtout et il leur livra bataille. Il reçut d'étranges traitements, dut réciter d'incompréhensibles prières et manger des aliments que son amant chargeait positivement. Dans l'obscurité de la chambre où il se sentait abandonné, le danseur peinait à rester intact. Deux forces colossales s'opposaient et il était l'enjeu. Il se plaignit.

-Je n'y arrive pas...

-Mais si ! Tu vas mieux.

-Ma cheville se remet un peu.

-Je ne parle pas de ta cheville. Je vois que tu as compris. Là, tu m'obéis.

-Tu ne veux pas...

-Quoi ! Non mais quelle obsession ! Je te lave, te soigne, je te nourris, je viens t'aider dans tes devoirs et tu es là à quémander une étreinte...

Niels baissa la tête et se pinça les lèvres. Il était d'une beauté réelle mais défaite qui excitait les sens de Webster. Il faudrait le faire attendre encore et là, il livrerait ce qu'il retenait encore...

-Je vais devoir t'attacher les mains cette nuit encore, tu irais te caresser et je vais t'installer dans le salon avec moi le jour. Comme ça, je serai bien sûr que tu ne fais rien...

Au fil du temps, l'esprit de Niels s'éclaircit.

La mère dépressive s'éloigna de lui tout comme la fantasque mais calculatrice Alexia. Deux folles, deux hystériques. Monica, qui représentait une bienveillance temporaire, fut oubliée.

 

10 octobre 2024

La Nuit de L'Envol. Partie 3. Enfermé pour se purifier !

 

Daniel Webster enferme chez lui le jeune Niels sous couvert de de le débarrasser de ce qui le dévore. La pianiste Irène Diavelli, qui s'est intéressés au jeune homme, est imitoyablement rejetée

Quant à Irène, qui incarnait l'adroite cruauté d'une artiste qui a perdu son talent, elle perdit quasiment la partie...

-Parfait, dit Webster, en palpant le corps de Niels, parfait ! Il y a bien la région du foie où je la sens encore mais pour le reste, elle t'aura vraiment déserté...

-Mais il avait ces petites amoureuses qui ont traversé m vie de Niels, jusqu'à cette Liza que j'ai éconduit et cette autre fille avec qui je n'ai rien pu faire. Toutes à rejeter. Toutes condamnables...Je suis encore fautif !

Qu'il était agréable de constater à quel point ce bel et ombrageux Niels se montrait contrit, à quel point il voulait lui plaire ! Daniel en était étourdi !

-Tout est incroyablement dense, tout est métaphysique ! Ne pense pas à ses rencontres éphémères, Niels, elles n'étaient rien. N'oublie pas aussi que tu as recherché la compagnie de plusieurs hommes...Non, ne t'agite pas ! De ceci, je ne fais pas reproche, tu étais dans ton bon droit. Du reste, tu aurais pu comprendre que là était ta vraie recherche...Encore que non  car c'est à moi que tu étais promis !

Confus, le jeune homme ne savait que faire. Daniel le laissa incertain quelques jours encore puis revint vers lui.

-Tout va bien. Nous allons pouvoir reprendre nos étreintes...

Elles redevinrent si fréquentes que parfois, Webster devait se montrer ferme.

-Je te laisse quelques heures, je dois écrire. Dès que j'ai fini, je te prends de nouveau... Tu n'as pas d'inquiétude ?

-Non Daniel.

-Reste ainsi, reste nu. C'est aussi bien.

-Oui, je vous attends ainsi.J'ai déjà hâte...

-Je durerai en toi. Je sais quels sont tes besoins...

Webster justifiait les demandes les plus folles et, désormais, avait toujours gain de cause.

-Je ne suis ni un vampire qui se nourrit de toi ni un fornicateur qui te soumet à ses caprices ! Niels, ne crois pas que je me repaisse de ton corps pour le vil assouvissement de pulsions basiques. Si tu avales mon foutre et bois ma pisse et si je fais de même, c'est pour te délivrer, te purifier ! Oui, je te libère ! N'y a t'il pas un jour où je ne prouve ma dévotion ? N'as tu pas conscience de tout ce que je fais pour t'aider ? Tu as été frappé mais tu vas redevenir magnifique ! L'amour que j'ai pour toi est d'essence divine...

 

10 octobre 2024

La Nuit de L'Envol. Partie 3. Guéri mais meurtri. Niels à la croisée des chemins.

 

Chez Daniel Webster, le danseur Niels Lindhardt est arrivé épuisé. Le voilà délivré de ce qui l'entravait et, de nouveau, plein de projets. Toutefois, le plus dur est à venir...

Niels, qui adorait Daniel, en était persuadé. Du reste, il soigna sa blessure, et reprit du poids. Son sommeil redevint régulier et il se remit à aimer la vie. Au bout de quelques semaines, il se mit à courir dans Brooklyn et fit de longues promenades avec Daniel, allant souvent jusqu'à Manhattan. Quand il se sentit prêt, il gagna un studio de danse où il recommença à s'entraîner. Cependant, il avait été limogé du New York City ballet de façon très cavalière. Il ne pourrait retrouver son niveau d’antan.

-C'est très injuste, Daniel !

-Oui, ça l'est.

Naïvement, le danseur pensait à se faire engager par une autre troupe d'envergure sur le sol américain et ne désespérait pas d'y parvenir. Il méconnaissait les desseins de son compagnon et ceux-ci allaient dans une direction tout autre. Il importait peu que Niels retrouvât le succès comme danseur classique car Webster n'en voyait pas l'intérêt. Il voulait bien sûr que son partenaire allât mieux. Il lui suffirait alors de se produire de temps en temps dans une toute autre compagnie qui serait axée sur la danse contemporaine. Un temps, il ferait ainsi puis il ne ferait plus rien. Ça n'avait aucune importance. Il était sa créature, celle sur laquelle il viellait jalousement. C'était à lui de lui construire l'avenir auquel il n'aurait jamais songé lui-même. Le reste était dénué d'intérêt mais bien sûr, il ne laissait rien paraître.

-Je ne dirais pas que je me suis blessé.

-Tu ne le diras pas.

 

10 octobre 2024

La Nuit de L'Envol. Partie 3. Diane à Albany. Encenser Niels et Daniel.

 

Comme les fêtes de fin d'année se profilaient, il lui dit :

-Nous irons à Albany, chez ma sœur.

Et ils y allèrent. L'hiver était arrivé et le trajet entre New York et Albany fut marqué par le dénuement et la grisaille des paysages. A leur arrivée, ils furent accueillis par une Diane solitaire, vêtue de lainages marron et couverte de bijoux anciens. Elle fut plus mondaine que chaleureuse, dévora Niels des yeux et leur attribua la même chambre. Se débrouillant pour être seule avec le jeune homme, elle lui dit :

-Vous êtes magnifique ! Daniel est vraiment le compagnon qu'il vous fallait. Vous portez beau l'un et l'autre et dans des genres très différents. Ah, vous avez un bel avenir !

Toujours sous le charme de Webster, le danseur rit et abonda dans le sens de cette femme étrange. L'écrivain arrivant, elle renouvela ses compliments tandis que celui ci passait autour des épaules de son jeune compagnon un bras protecteur.

Les jours suivants, ils s'accoutumèrent aux lieux. Quand Niels s'était trouvé chez elle en compagnie de Liza, l'artiste conduisait un de ses séminaires de peinture qu'elle aimait à donner. Aussi était-elle entourée de stagiaires qui, enchantés, de leur séjour, fêtaient leur départ. Cette fois, il n'y avait personne et la maison d'Albany lui parut à la fois plus belle et plus étrange. Elle était vaste et dotée de nombreuses dépendances. Que Diane pût s'y épanouir car elle y formait de nombreux peintres se comprenait, pas qu'elle y résidât seule était plus déconcertant. Qu'y faisait-elle quand elle ne peignait pas ? Il interrogea Daniel

-Tu penses que Diane s'ennuie par moments?

-Mais oui !

-Elle ne m'a jamais dit que c'était le cas. C'est sa ville. Elle sait quoi y faire. Et puis, elle a son art...

Niels, qui avait vu Daniel écrire des heures durant dans son appartement de Brooklyn, pensa qu'elle était semblable à lui. Elle s'immergeait tout entière dans les sujets choisis et ignorait le passage du temps. L'écrivain lui donna raison :

-Diane et moi sommes hors du temps ! Notre œuvre nous accapare et nous nourrit.

C'était sans doute vrai mais l'un et l'autre étaient très terriens aussi et captateurs...

10 octobre 2024

La Nuit de L'Envol. Partie 3. Des dépendances, du silence et un exorcisme.

 

Niels, jeune danseur, se sent "possédé" et affaibli. Chez des amis, dans l'est, il tente d'excorciser qui le menace...

Dans l'atelier de Diane, il y avait beaucoup de nouvelles toiles, celles de l'exposition new-yorkaises ayant été vendues. Les villes étranges et les personnages hybrides, mi-hommes mi animaux y occupaient toujours une place importante mais une nouvelle inspiration s'était fait jour. L'artiste peignait des femmes torturées, d'étranges éventrations d'éphèbes et des fêtes païennes aux rituels très noirs....Comme le danseur s'en étonnait, Diane lui dit :

-Oh ! Je relis beaucoup de romans gothiques cet an dernier d'où cette nouvelle thématique. Et puis nous sommes dans l'est. Il y a beaucoup de procès de sorcelleries dans nos contrées, des histoires étranges...

C'était curieux car tandis qu'il coulait des jours difficiles chez Webster, celui-ci lui avait dit être aux prises avec un recueil de nouvelles fantastiques qui lui donnait bien du mal. Niels n'avait jamais pu, de gré ou de loin, s'approcher de ses textes sous couvert qu'ils n'étaient pas aboutis. Il avait par contre accès aux autres écrits de Daniel. Quel romancier noir c'était là...

Ces deux célibataires endurcis, aussi originaux l'un que l'autre, érudits et décidés savaient le recevoir et s'occuper de lui. Amant de l'un et ami de l'autre, le danseur était très observé. C'est que cette grande maison pleine d'histoire était le lieu où tout devait arriver.

-Je vais lui dire ce qu'il est, ce que je veux vraiment de lui ! Je l'ai exorcisé après tout.

-Il me semble fin prêt.

-Ma sœur, tu es fine mouche.

-De toute façon, je l'aime, il est vrai de façon peu académique mais totale. Nos liens sont devenus si forts qu'il n'était plus nécessaire de lui cacher quoi que ce soit. L'heure approche, il saura.

Mais Niels, peu avant Noël, au retour d'une longue marche dans la campagne environnante, se rendit dans les dépendances que l'absence momentanée de stagiaires rendait vides et revint exaltée.

-Je voudrais y passer une nuit ou deux !

Les Webster furent stupéfaits.

-Mais quelle idée, Niels ! N'es-tu pas bien ici ?

-Je vais bien, vous le voyez. Ce n'est pas une bien grande fantaisie.

Daniel paraissait perplexe.

-En effet, non...Serait-ce une surprise que tu nous ferais pour Noël ?

-Peut-être oui...

Le jeune homme voulait être un peu seul et gagnait du temps. Il n'avait d'autre idée en tête que ce temps de repos solitaire. Webster fit une ou deux plaisanteries sur le fait qu'il irait surprendre son compagnon à la tombée de la nuit, histoire qu'il se sente entouré mais il n'eut pas de succès. Ce devait être une lubie comme un autre. Il laissa faire.

Niels parcourut les bâtiments annexes où il distingua une grande salle et une chambre ? S'y sentant bien, il y installa ses quelques effets avant d'aller jouer du piano où il se livra aux délices de Chopin et d'Erik Satie.

L'entendant de son atelier, Diane, qui peignait, alla voir son frère.

-Tu le laisses faire cela ?

-Il joue bien. Je ne m'étais jamais rendu compte à quel point !

-Et ça ne t'ennuie pas ?

-On dirait qu'il est heureux. Il a le droit de l'être, ayant tout accepté.

Toutefois, quand le piano se tut, il fut soulagé. C'était bizarre tout de même. Le lendemain, il fut charmant avec ses hôtes, ayant déclaré avoir bien dormi. Après avoir déjeuné avec eux et beaucoup parlé, il accepta l'intimité de Daniel.

-C'est que mon appétit se creuse. Je te prends au matin d'habitude. Tout au moins pour une première fois...

-Je dormirai encore là-bas.

-Ah, mais pourquoi ?

-L'après-midi, n'est-ce pas bien aussi...

-Si mais la nuit est si propice au désir !

-C'est qu'il n'y aura pas de pause...

Niels rit. Mais en fin de journée, repu, il regagna les dépendances. Il se déplaça et choisit cette fois une chambre bien plus éloignée de la maison. Cela ne l'empêcha pas de danser solitaire dans la vaste salle où il avait la veille joué du piano. Il se rendit radieux. Parcourant les locaux, il trouva ça et là des bougies, des des parfums à brûler et des poèmes à lire. Le soir, dédaignant une invitation à dîner que lui faisait Diane, il emplit la grande salle de bougies, mit de la musique et attendit, rêveur. Des parfums brûlaient. Il avait apporté une couverture dans laquelle il s'enveloppa avant de se remettre à danser puis sans savoir pourquoi, il s'endormit.

 

 

10 octobre 2024

La Nuit de L'Envol. Partie 3. Etrangement guéri.

Pourtant, en janvier, Niels ne se réinstalla que brièvement chez Daniel. Il voulait partir sur la côte ouest. Ce n'était pas un désir vain. Puisqu'on l'avait évincé d'une très grande compagnie de la côte est, il pensait que l'ouest lui offrirait d'autres perspectives.

-Je quitte New York. J'aurais un engagement pour le Ballet de San Francisco.

-Comment cela ? Mais pourquoi ?

-Tu savais bien que je n'avais plus rien de concret à New York.

-Mais à l'ouest ? Tu n'es sûr de rien...

Dans l'appartement, ils parlaient un peu et faisaient l'amour avec intensité. Ils se jetaient l'un contre l'autre, poursuivant une jouissance presque bestiale qui, à coups sûrs, venait. Mais une forme d'étouffement l'accompagnait...

-Et comment ferais-je pour te voir ?

-Mais tu viendras !

-La Côte ouest !

-Mais oui.

Webster, en colère, menaça :

-Quand tu étais ici si docile, j'ai écrit sur nous. Je vais reprendre mon texte.

-Tu vas lui donner cette fois une forme réaliste ?

-Je pense, oui.

-Et tu feras passer ça pour du vécu ?

-On ne me croira pas, Niels, mais un réalisme presque méticuleux peut donner un éclairage très particulier à notre histoire...

-Où on essaiera de faire le lien avec un vrai danseur et un écrivain solitaire...

-Ce n'est pas un risque  ! Qui croirait cela ? Et de toute façon le roman n'est pas encore écrit...

-Oh alors mets toi au travail et tiens-moi au courant !

-Bien sûr.

Tout était amer. Niels s'en allait.

 

 

 

10 octobre 2024

La Nuit de L'Envol. Partie 3. Tu es un miraculé !

Se sentant envoûté par une pianiste que, jadis, il a connue, Niels, jeune danseur classique, veut qu'on l'exorcise. Daniel Webster, personnage difficile à cerner, lui prête main forte...

Il vit clairement Irène dans la clinique où elle était. Elle venait de reprendre conscience sans que personne ne le sut et regardait autour d'elle.

-Madame...

Elle n'entendait pas.

-Madame...

Elle sembla comprendre, bougea les yeux, regardant à droite et à gauche.

-Me vouliez-vous du mal ?

Elle souriait légèrement.

-Me vouliez-vous du mal ?

Il attendit longtemps, conscient d'elle puis elle sourit en silence. Au même moment, Niels se sentit atteint. Malgré lui, il lutta. Il lutta toute la nuit. Elle grandissait en lui et se déchaînait, Daniel lui opposant de garder le danseur sous son ingérence. Niels semblait parfois hagard. La foudre l'avait frappé. Il haletait. Il se noyait. Il hurlait ou rampait dans les couloirs vides. Il n'y avait plus de lumière et l'air semblait se raréfier...

Ni Diane ni Daniel ne dormirent cette nuit-là parce qu'ils en étaient inquiets.

-Seigneur mais tu n'y vas pas ?

-Diane, il faut attendre l'aube.

-Mais pourquoi ?

-C'est ainsi.

Quand le jour pointa, Webster alla à sa rencontre et le trouva nu sur un lit. Niels était conscient et silencieux.

-Comment es-tu ?

-Elle s'est abîmée pour moi dans un sommeil sans fin pour moi mais dans l'hôpital où elle se trouve, elle a ouvert les yeux. Elle a repris conscience et cela me stupéfie. Elle est vivante ! Je suis si heureux !

-Oh, toi alors, tu es un miraculé...Les Américains aiment les retours en force, non ?

-Qui te dit que je n'en ferais pas un ?

Webster frémit. Qui de cette diablesse ou de ce beau danseur lui échappait le plus ? C'était rageant. Pourtant, les fêtes furent très agréables et la maison s'emplit d'invités. Mêmes les dépendances ouvrirent leurs portes. On parla d'art. On flatta Diane et Daniel et on félicita ce dernier d'avoir un si bel amant. Danseur et pianiste...

 

10 octobre 2024

La Nuit de L'Envol. Partie 3. Rejoindre Niels en Californie.

 

Webster, quant à lui, rongea longtemps son frein. Niels ne cédait pas et il ne voulait pas le poursuivre là où il semblait s'en sortir plutôt bien. Car il avait réellement fondé une troupe et faisait surface ! Tout de même, quand il reçut de l'université de Stanford une invitation à un séminaire d'écrivains, il sauta de joie. C'était la preuve que la singularité de son œuvre était prise au sérieux. Terridge en Enfer, publié à la hâte, plaisait. Daniel avait d'abord pensé sacrifier à la morale, faisant s'opposer un homme mûr et une femme jeune et jolie mais il s'était repris. Cette histoire, c'était une histoire d'hommes, non ? La femme qui y paraissait était une exaltée...

-Stanford ! C'est à Palo Alto. Très bien, Daniel, magnifique. Tu te décides enfin à t'extirper de Brooklyn...

-Je me déplace pour défendre mon œuvre mais il est vrai que je ne vais rarement aussi loin. Sur ma présence, quelle est ta position ?

-Que veux-tu dire par là ? Si je veux te voir, c'est ça ? Oui, si ce n'est que je travaille à San Francisco. Mais, c'est la Silicon valley, donc pas si loin que cela...Tu es logé par l'université, bien sûr...

-Bien sûr.

-Reste quand ton séminaire est fini. Ce sera plus simple pour se voir. C'est une ville superbe. Tu vas adorer.

La voix de Niels était ferme. Elle trahissait un grand contentement. C'est Webster qui disait oui, ce qu'il n' avait quasiment jamais fait. Du reste, il le tint au courant. Il s'était fait prêter un petit appartement à Nob hill, le quartier chic situé sur les hauteurs. Ceux qui y vivaient seraient à Paris aux dates où Daniel viendrait, ce qui était parfait. Qui étaient ces amis ? Webster n'en sut rien pas plus qu'il ne réussit à faire dire à Niels, qui serait très disponible pour l'accueillir, où se trouverait son compagnon pendant cette période. Il fut assuré de faire beaucoup de sorties, d'aller à des spectacles et d'être ébloui. Pour le reste, Niels ne fut pas bavard.

Voyant s'approcher le moment de son départ, Daniel se reprit en main. Il perdit du poids, se remit à faire de l'exercice et fit une croix sur le whisky. Même si les photos de presse étaient flatteuses, il savait s'être laissé aller. Or, Niels rayonnait.

 

 

8 octobre 2024

La Nuit de L'Envol. Partie 3. Webster et son étrange roman.

 

 

3. Un roman sulfureux.

Daniel passa des mois à écrire et remania son texte, comme il l'avait dit. Sous couvert de lui fournir un roman totalement inattendu, il avait demandé une avance à son éditeur. La nuit se confondit avec le jour et le jour avec la nuit. Il produisit un roman lourd de sens à l'atmosphère étrange et sulfureuse et le transmit dans les temps à sa maison d'édition. Richard Edwards, son éditeur, fut suffoqué.

-Monsieur Webster, croyez-vous que le récit que vous faites de ce désenvoûtement d'un jeune artiste par un homme mûr soit crédible ?

-Oui, il l'est.

-Peut-être l'est-il pour vous, je ne connais pas votre vie, mais pour les lecteurs, ce sera un peu fort. Le narrateur chasse du corps de ce jeune homme un mauvais esprit qui a pris la forme d'une femme mature en lui faisant l'amour de manière forcenée...

-Oui.

-Il le remplit de sa substance, ce que cette démone ne supporte pas. Je vous résume.

-Oui.

8 octobre 2024

La Nuit de L'Envol. Partie 3. Webster, homme public après son roman sulfureux...

Webster, écrivain encore marginal, estime avoir désenvoûté un jeune homme hantée par une femme maléfique. Sur cette expérience, il a écrit un roman...

L'éditeur se racla la gorge.

-Admettons que ce soit autobiographique...

-Oui ça l'est mais pas exactement cette forme...

-Je ne peux publier ce version, d'abord pour le sujet tel que vous le traitez ensuite pour son écriture qui est bien trop touffue et pour tout dire, maladroite.

Webster, quoique décontenancé, ne se découragea pas.

-Toutefois, ce qui est la base du livre vous plaît ? Je veux dire l'envoûtement d'un jeune artiste par une pianiste aux abois et sa guérison par une sorte d'exorcisme  conduit par un homme mûr ?

-Oui, mais là, c'est une trame bien plus classique.

-Certainement. Je garde le danseur et la femme.

-Et, si je puis me permettre, que vous faites-vous de cet amant-guérisseur ?

-Sa sexualité est gênante, vous avez sans doute raison. Je vais tout réécrire.

-Vraiment ?

-Oui vraiment.

Et il le fit. Il écrivit une manière de roman gothique qui se déroulait au dix-neuvième siècle dans une grande université américaine. Le danseur était devenue un étudiant, la pianiste démente, une femme de la bonne société qui était amené à faire la connaissance de ce jeune et beau boursier et le guérisseur un gentleman solitaire qui menait une vie d'études et de contemplation dans une belle gentilhommière. Il situa l'action dans le Massachusetts et fit de solides recherches tant sur le mode de vie local à cette époque que sur les pratiques universitaires que sur les magies noires et blanches. Sobre dans sa longueur, ce roman avait un caractère flamboyant qui saurait plaire. Pour qui lirait entre les lignes, il était clair que le bel étudiant et le très stylé gentleman s'aimaient chastement mais que c'était faute de mieux. Quant à la femme mûre qui s'était mêlée de désirer un homme jeune, elle ne pouvait, pour l'époque, n'être une pécheresse, une femme à l'esprit égaré que toute morale avait quitté alors qu'elle offrait des symptômes qu'un psychanalyste aurait décryptés. Enlevé, très bien écrit, le roman plut. Toutefois, malgré les mises en garde de Richard Edward, Daniel ne mit pas au rebut son premier texte mais le remania. Refusant de gommer son caractère érotique, il le renforça au contraire. La passion entre ces deux hommes dont l'un voulait sauver l'autre, n'en paraissait que plus brutale et les raisons de la maladie du plus jeune plus obscures. Cette fois, un éditeur plus ouvert que le premier accepta son texte, escomptant que la verdeur de nombreux passages seraient contrebalancées par une analyse sociale habile de la New York d'aujourd'hui et que la possession nettement métaphorique d'un jeune homme soucieux de faire carrière par une femme puissante qui rêvait de le transformer pouvait renvoyer à des situations très concrètes. Il faut dire que le danseur était devenu un jeune acteur, la femme une productrice de télévision et l'homme mûr un scénariste.

Ainsi, en ayant produit sur le même thème un roman historique où le Gothique était une référence très claire et un autre qui était à cheval sur le polar et le roman psychologique, Daniel Webster faisait mouche. On parla de lui plus encore qu'auparavant. Malheureusement pour lui, ce qui s'opérait si facilement dans ses romans, avait échoué dans la vie. Niels lui manquait terriblement et il errait seul dans son bel appartement qu'un temps le danseur avait transformé par sa présence. Pourtant, au début de son séjour en Californie, l'appela souvent, donnant ainsi un gage de son attachement :

-Comment ça se passe ?

-Une ville incroyable ! Et la Californie !

-Tu danses ?

-Non, mais je travaille d'arrache-pied. J'ai déjà été vendeur, barman et là je suis libraire...

-Tu as ton sens commun ?

-Oui. Daniel, c'est toi qui m'as cru perdu pour la danse. C'est faux.

-Ah ?

-Oui « ah ». Je danserai de nouveau. D'ailleurs, tu pourras le constater par toi-même...

 

 

8 octobre 2024

La Nuit de L'Envol. Partie 3. Juste non ! Reviens !

 

Niels est une sorte de miraculé. Il a survécu à un désenvoûtement difficile. Installé en Californie, il tente d'y attirer Daniel Webster qui est pour beaucoup dans son évolution...

-Venir en Californie ?

-Et t'arracher à Brooklyn, oui...

Au fil du temps, comme Daniel, très occupé par les derniers ajustements à la seconde mouture de son roman, se montrait peu loquace, le jeune homme espaça ses appels. L'écrivain en fut blessé. Il s'était cru si fort...Toujours très amoureux, il refusait de quitter son territoire et d'aller voir son jeune compagnon. Ne pouvant plus le prendre presque brutalement, le faire gémir de plaisir et s'enivrer de sa semence, il déclinait. Il trouva quelques expédients sans intérêt. Il eut des amants de passage. Mais Niels lui avait enlevé l'essentiel : sa peau, sa bouche, son anus, sa salive, sa pisse et son foutre...Au fond, Webster en était arrivé à ce qu 'il trouvait dérisoire chez les autres. Vouloir se contenter de coontacts physiques puisqu'il n'y en a plus qu'un qui aime...Si Niels était resté à New York, il se serait abaissé à cela, quoi qu'il en dise...

Toutefois, Niels n'était pas hors d'atteinte. Ne se souciant pas du décalage horaire, le jeune homme appela une nuit.

-Je viens de finir ton dernier roman. Excellent, vraiment !

-Celui qui était ensorcelé...

-Daniel ! Cette idée de faire de notre histoire un roman gothique...C'est...C'est brillant, tu sais. Je suis désolé de t'avoir raillé.Tu n'as pas pu tout dire, je le vois bien, mais ce que tu as écrit m'a terriblement touché. Tu as un vrai talent d'écrivain !

-Ah, tu t'en rends compte !Il est vrai que tu as du temps pour lire ! Toujours dans ta librairie ! Alors sache que j'ai presque terminé une version plus conforme à la vérité de notre histoire. Terridge en enfer.Tu la lirai ?

-Bien sûr mais pas dans la librairie. Je n'y travaille plus.

-Les Ballets de San Francisco ?

-Je n'y ai pas passé d'audition. Pas la peine d'être moqueur. Non, j'ai rencontré d'autres danseurs. On forme une petite troupe. On crée des chorégraphies.

-C'est mieux ?

-Oui, c'est mieux. Ce sont de vrais danseurs comme moi. Ils sont solides et créatifs ! On peut faire quelque chose de bien. Et puis, tu peux prendre l'avion ! Tu peux venir !

-On te touche, on t'embrasse, on te caresse, je le sais. Qui est-ce ! Qui est-ce ! Niels, ça me met mal à l'aise, tu es au cœur de tout ça. C'était une tempête, tout était si difficile, souviens-toi...

-Je me souviens.

-Alors pourquoi non !

-Juste, non. Reviens.

Mais Niels, qui tentait sa chance après un grand revers, ne pouvait plier. La nuit où il avait pour la seconde fois les dépendances à Albany, il était allé au bout de lui-même. Irène, vivante, s'éveillait. Elle n'était plus en lui mais le guidait.

 

 

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Moi, je sais d'où souffle le vent. Ecrits sur la danse.
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